La Suisse déçue cinq ans après l’accord FATCA avec les USA

AWP

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Le 14 février, cela fera cinq ans que les institutions financières suisses doivent fournir des données de clients aux autorités fiscales américaines. Eclairage notamment avec l’ex-chef du SFI.

Michael Ambuehl, secrétaire d'Etat, et Don S. Beyer, ambassadeur des Etats-Unis à Berne, 14 février 2013. Keystone

Voici cinq ans, le jour de la Saint-Valentin, Berne signait l’accord dit FATCA avec les Etats-Unis, engageant les institutions financières helvétiques à fournir des données de clients aux autorités fiscales américaines. En contrepartie, la Suisse a reçu la maigre consolation de n’avoir pas officiellement sacrifié le secret bancaire pour le pays de l’Oncle Sam.

Dès le départ, il ne s’agissait pas d’un traité entre partenaires égaux. Votée en 2010, la loi unilatérale FATCA (pour Foreign Account Tax Compliance Act) devait s’appliquer à tous les Etats, avec pour but de débusquer les comptes à l’étranger de personnes assujetties à l’impôt aux Etats-Unis.

En Suisse, FATCA est entrée en vigueur le 1er juillet 2014, non sans quelques tentatives de résistance politique à droite. Depuis, banques et assureurs déclarent systématiquement au fisc américain, l’IRS (Internal Revenue Service), les comptes de leurs clients imposables outre-Atlantique.

LA SUISSE AUX CÔTÉS DES BERMUDES

Or la mise en oeuvre début 2018 de l’échange automatique de renseignements (EAR) en matière fiscale a rendu obsolète le secret bancaire vis-à-vis des pays étrangers. FATCA est désormais un des deux systèmes obligeant les banques à échanger les informations fiscales de leurs clients. L’EAR a aussi pour effet de rendre la Suisse plus critique à l’encontre de FATCA.

Car les Etats-Unis n’ont pas adopté la norme internationale EAR de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En outre, parmi plus de 100 accords FATCA conclus, une poignée seulement ne prévoit pas de réciprocité: c’est le cas pour la Suisse, d’où les informations sont livrées vers les Etats-Unis, mais pas l’inverse.

Entre deux options, Berne, qui n’était en 2013 pas mûre pour un changement de paradigme, a choisi le «modèle 2» de mise en oeuvre, comme l’Autriche, le Nicaragua, la Moldavie, les Bermudes et Saint-Marin. Ici, les instituts financiers transmettent directement les données à l’IRS. La majorité des autres Etats a opté pour le modèle 1, qui prévoit l’échange automatique de renseignements entre administrations fiscales.

SECRET BANCAIRE PAS ENTERRÉ

A défaut de voir les Etats-Unis passer à l’EAR dans un avenir proche, l’Association suisse des banquiers (ASB) se satisferait d’un modèle 1 d’accord FACTA, fait savoir à l’ats Sindy Schmiegel, porte-parole de la faîtière. Avant même l’entrée en vigueur de FATCA en 2014, le Conseil fédéral souhaitait déjà revoir le modèle d’application en faveur d’un échange réciproque entre fiscs.

Toutefois, le modèle 1 ne garantit pas de réciprocité totale - les Etats-Unis ne transmettent en effet que certaines données. L’ex-chef du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SFI) Michael Ambühl se souvient: «Les Etats-Unis étaient à l’époque relativement conciliants avec nous, car il était important pour eux d’avoir un «pays du secret bancaire comme la Suisse».

«Le modèle 2 a permis à la Suisse de préserver pleinement le secret bancaire tel qu’il existait dans le droit helvétique en 2010», selon Michael Ambühl. «Avec FATCA, nous n’avons pas enterré le secret bancaire, poursuit-il. La fin est arrivée avec l’EAR.»

LITIGE OUVERT

Pour les instituts financiers, la mise en oeuvre pratique de FATCA représente un travail considérable et complexe. Dans l’idéal, l’ASB rêve de voir Washington adopter l’EAR. Pour Michael Ambühl, la Suisse devrait unir ses forces à celles de l’Union européenne au sein de l’OCDE, afin de persuader les Américains d’adopter la norme internationale.

L’accord FATCA a aussi déçu l’espoir d’arriver à une solution globale dans le conflit fiscal entre la Suisse et les Etats-Unis. Pour certains établissements, comme la Banque cantonale de Zurich, le dossier reste ouvert. En septembre dernier, l’assureur Swiss Life s’est lui aussi retrouvé dans la ligne de mire des autorités américaines.