CPI: faites vos jeux, rien ne va plus?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone

 

Quelle semaine!

La publication du CPI cet après-midi est attendue avec fébrilité mais est-ce vraiment si important? Sans doute oui car les révisions de CPI de vendredi n’ont intéressé personne, tout le monde ayant déjà les yeux rivés sur le chiffre d’aujourd’hui. Une partie de l’évolution de l’indice va se jouer car nous allons «éliminer» du YoY le douloureux +0,5% de janvier 2023. L’enjeu de ce premier CPI de 2024 réside dans l’espoir de voir un YoY passer au-dessous de 3% et un Core se rapprocher de 3,5%.

Un épisode-clé de la décrue de l’inflation se joue donc aujourd’hui mais il faut sans doute le remettre en perspective: sauf surprise, cela va changer quoi exactement? Une première baisse de taux de la Fed est attendue et qu’elle ait lieu le 1er mai ou le 12 juin ce n’est finalement pas tellement important. Les marchés sont repartis dans une frénésie de baisses de taux en commençant à craindre un «banques US – saison 2». Les prévisions de baisses de taux 2024 s’élèvent maintenant à quatre sûres assorties de 90% de chances d’assister à la cinquième. Ce n’est plus sept, mais plus trois non plus!

Les marchés obligataires nous ont également envoyé deux signaux forts. Tout d’abord, l’adjudication de 10 ans que de nombreux intervenants redoutaient s’est finalement très bien déroulée. 42 milliards de dollars ont été adjugés à 4,09% soit un point de base au-dessous du taux de marché constaté juste avant l’adjudication (4,10%). C’est une très bonne nouvelle même si historiquement les adjudications sont souvent bonnes à cette époque de l’année.

L’erreur de politique monétaire se trouve désormais clairement du côté de Francfort, beaucoup plus qu’à Washington en tout cas.

Ensuite, quelques fins connaisseurs du marché obligataire sont récemment montés au créneau pour défendre l’idée que la courbe des taux inversée est un indicateur fiable d’une récession à venir. Il faut dire que cette croyance a perdu de sa superbe puisque la courbe US est inversée depuis plus d’un an et qu’aucun signe de récession n’est apparu. C’est même l’inverse puisque le soft landing est désormais challengé par les partisans du no landing.

Reprenant à leur compte les travaux de Steven Blitz, économiste chez TS Lombard, nos confrères prétendent que si cela n’a pas fonctionné cette fois-ci, c’était à cause des taux réels. Or, depuis quelques semaines, la courbe des taux réels s’est enfin inversée et pourrait donc finalement remettre au goût du jour la force de prédiction de la fameuse courbe inversée synonyme de récession à venir. N’enterrons donc pas trop vite le risque de récession. Si cette dernière devait voir le jour, son indice précurseur serait selon toute vraisemblance la pente de la courbe des taux réels et son indice déclencheur la crise des CRE (voir notre chronique de la semaine dernière).        

BCE: c’est quand vous voulez!

Dans notre chronique du 30 janvier, nous avions mentionné une pensée de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France qui avait le mérite de parfaitement résumer la situation actuelle. Il disait que la BCE allait baisser ses taux en 2024 mais pas trop tôt pour ne pas faire repartir l’inflation et pas trop tard pour ne pas déclencher une récession. Ce week-end, c’est son homologue de la banque centrale italienne, Fabio Panetta, qui lui a indirectement répondu.

Le banquier central italien estime que la première baisse de taux de la BCE approche à grands pas. Il affirme que l’inflation baisse plus rapidement que prévu et écarte l’idée d’un rebond inflationniste. Il s’oppose à Isabel Schnabel qui s’inquiétait de la plus grande difficulté à combattre le «last mile» d’inflation. Lui s’inquiète plutôt de cinq trimestres consécutifs de stagnation de l’économie, d’une récession déjà installée dans l’industrie et du déclin des crédits octroyés par les banques. Il dit en substance que nous approchons du «trop tard» mentionné par son homologue français et que le niveau actuel d’inflation dans la zone euro, 2,8%, est suffisant pour envisager un premier assouplissement monétaire rapidement. Il y a fort à craindre que la BCE ne va pas l’écouter et qu’elle va sans doute attendre que la Fed fasse le premier pas.

Cela signifie qu’il faut acheter le Bund. Ce dernier est sur le papier peu attrayant avec ses 2,37% de rendement. Mais l’erreur de politique monétaire se trouve désormais clairement du côté de Francfort, beaucoup plus qu’à Washington en tout cas. Si la BCE tarde trop, elle devra baisser ses taux plus rapidement et plus fortement que ce que les marchés attendent. D’un point de vue stratégique, le potentiel de détente du 10 ans allemand est donc plus attrayant que celui de la dette d’autres zones, le 10 ans américain par exemple.

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