Quelles perspectives pour les obligations d’entreprises?

Alain Krief, Edmond de Rothschild

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La recherche de rendement a entraîné un regain d'intérêt des investisseurs pour des stratégies obligataires de niche spécialisées dans la dette d’entreprises.

Ces stratégies sont potentiellement mieux positionnées pour capturer des opportunités d’investissement offrant un rendement plus élevé, tout en évitant des fortes corrections grâce à une gestion active de qualité durant les pics de volatilité et bénéficiant d’un environnement de taux de défaut toujours faibles.

Une exposition stratégique sur ces segments du marché de crédit nous semble indispensable dans l'environnement auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Ce positionnement peut être complété par une exposition directe tactique en réponse aux différentes phases de marché attendues pour 2020.

Un contexte macroéconomique favorable à cette classe d’actifs

L’environnement économique et politique reste incertain mais nous n’anticipons pas de récession sur un horizon prévisible et ne voyons pas non plus les éléments qui permettraient d’inverser le cycle actuel.

L’action des banques centrales a déjà été prise en compte par les marchés puisque les performances ont été au rendez-vous depuis le début de l’année, malgré le fait que les perspectives de croissance soient toujours orientées vers une dégradation. Les raisons de cette solide performance sont pour nous intégralement imputables au revirement très prononcé des banques centrales entre le quatrième trimestre 2018 et le dernier FOMC du 30 octobre 2019.

Le ralentissement avait commencé au printemps 2018, mais il va sans dire que la guerre commerciale a amplifié largement le ralentissement de l’investissement des entreprises du fait de la montée de l’incertitude, entrainant le secteur manufacturier vers une activité atone.

Les chiffres économiques confirment ce ralentissement de la croissance. Les indices PMI préliminaires en zone euro ont montré récemment une poursuite de l’effritement en Allemagne alors que les publications étaient meilleures qu’attendues pour la France. Au global, dans la zone euro, le PMI Composite passe de 50,1 en septembre à 50,2 en octobre. Aux Etats-Unis, alors que les commandes de biens durables ont encore déçu, les indices PMI se sont légèrement repris (de 51 à 51,2 pour le Composite) sur les chiffres préliminaires du mois d’octobre.

Pourtant, certains facteurs d’ordre géopolitique pourraient faire repartir la croissance mondiale dès 2020. Toutefois, nous pensons qu’un accord entre Washington et Pékin, la baisse de probabilité d’un Brexit sans accord, ou encore une baisse du dollar pourraient donner un nouvel élan aux marchés ou au minimum repousser les craintes d’une éventuelle récession.

La saison de publications des résultats du troisième trimestre a bien démarré. Un tiers des entreprises américaines a publié ses résultats, plus de 3 entreprises sur 4 ont surpris à la hausse, avec des croissances légèrement positives sur un an alors qu’elles étaient attendues négatives. En Europe, les surprises positives sont aussi plus nombreuses que les surprises négatives mais la croissance sur un an reste légèrement négative.

En effet les chiffres macro-économiques nous montrent aujourd’hui que la croissance mondiale ralentit notamment dans certains pays d’Europe comme l’Allemagne mais aussi en Chine et aux Etats-Unis.

Néanmoins, le filet de sécurité déployé par les banques centrales et la bonne santé des entreprises des deux côtés de l’Atlantique créent un climat de confiance propice au dynamisme de la classe d’actifs. Au sein de l’univers obligataire, cette classe d’actifs est moins sensible aux mouvements des taux souverains que les autres segments obligataires et surtout affiche des taux de rendement plus attractifs.

Dans la zone euro les différentes mesures annoncées par la BCE (baisse de taux, reprise du Quantitative Easing (QE), mise en place du tiering, et un TLTRO plus généreux), marquent une politique monétaire très accommodante qui a pour conséquence directe de soutenir les marchés de crédit. En effet, si le tiering et le TLTRO viennent en soutien du secteur bancaire, la baisse des taux et la reprise du QE dans la zone euro adressent directement le financement des entreprises.

Quelle stratégie de gestion privilégier dans cet environnement de taux bas?

Dans le contexte actuel, il nous semble préférable de favoriser les stratégies crédit de niche dont la composante spread est relativement importante et qui permettent aux investisseurs d’ajuster tactiquement leurs portefeuilles en fonctions des opportunités qui se présentent. Nous n’avons pas de prévision de performance sur l’ensemble de l’année 2020, mais plutôt une approche de gestion qui vise à prendre part aux mouvements de marché.

Certaines opportunités d’investissement, telles que la dette à haut rendement, notamment via des fonds datés, la dette subordonnée financière ou hybride corporate offrent des solutions incontournables pour un investisseur voulant diversifier ses placements. Même si ces marchés de niche peuvent s’avérer volatils à court terme, le portage offert par ces actifs à spreads permet de limiter les risques de façon générale et, sur des fonds datés, de se projeter grâce à un niveau de rendement cible connu pour un horizon d’investissement donné.

En cette fin d’année 2019, il est important, selon nous, de se positionner sans plus tarder, stratégiquement et tactiquement sur ces segments qui bénéficient d’une gestion de convictions fondamentale, active et flexible.

Les atouts stratégiques et tactiques de notre gestion active

Un fonds daté de dettes à haut rendement

Devenue incontournable tant pour les émetteurs que pour les investisseurs, la dette d’entreprises à haut rendement s’est diversifié. Nous constatons également que dans l’environnement actuel les taux de défaut se maintiennent à des niveaux inférieurs à leurs moyennes historiques et les spreads de crédit se resserrent sur tout type de signatures. En effet, compte tenu des niveaux actuels de marché sur le crédit, la prudence des investisseurs qui jusque-là sélectionnaient uniquement les titres de qualité (rating Investment Grade) et qui au sein de ce segment évitaient les valeurs cycliques, devrait fortement diminuer et réduire la dispersion observée.

Cet appétit des investisseurs pour la recherche de «yield» est aussi la conséquence directe de l’amélioration des fondamentaux de ces sociétés, leurs capacités de générer du cash-flow, dans un contexte de politique monétaire accommodante, notamment en Europe.

Cependant la dette d'entreprises à haut rendement, offre généralement aux investisseurs une prime significative par rapport aux obligations mieux notés Investment Grade moyennant un risque plus élevé notamment sur les signatures «B».

Un fonds daté investi sur cette classe d’actifs représente à notre avis toujours un choix simple et transparent pour un investisseur. Il offre de la visibilité en terme d’horizon d’investissement grâce à cette échéance fixe, en terme de rendement affiché tout au long de la vie du fonds et en terme de risque qui est censé diminuer avec le temps. Cela constitue des atouts importants dans l’environnement actuel. Un fonds à échéance présente un objectif de rendement annuel connu dès la souscription (hors cas de défaut et à condition de détenir le fonds jusqu’à échéance). Il permet de rester progressivement à l’écart de la volatilité qui anime actuellement les marchés et qui devrait continuer à les animer. En effet, la guerre commerciale sino-américaine semble être un sujet d’actualité pour encore quelque temps et plus généralement l’influence des risques politiques sur les marchés nous incite à la prudence.

De façon tactique, nous constatons une séquence favorable qui devrait aller jusqu’au premier semestre 2020 pour des investissements sur le marché européen de la dette à haut rendement. Le QE de la BCE vise les sociétés Investment Grade et par effet, en valeur relative, se reflète dans les resserrements des spreads des sociétés ayant une notation plus faible. De fait, ceci élargit les capacités de financement dans ce segment et aide à réduire le risque de défaut des titres à haut rendement sur le court et moyen terme.

Un intérêt stratégique pour les dettes subordonnées

Avec des taux d'intérêt encore bas et des investisseurs qui s’interrogent sur la façon de diversifier leurs portefeuilles, la dette subordonnée est un segment du marché obligataire qui s’avère être particulièrement intéressant, notamment en Europe.

La dette subordonnée représente également un univers d'investissement important, évolutif et prévisible, notamment en fonction des exigences réglementaires. Il s'agit d'instruments complexes dont les principales caractéristiques structurelles nécessitent une analyse approfondie.

La subordination est un moyen d'augmenter la composante spread d’une émission, tout en bénéficiant d'une exposition sur de grandes sociétés diversifiées bien notées. En d'autres termes, investir dans des instruments complexes de leaders nationaux, permet d’offrir aux investisseurs un profil rendement-risque intéressant.

Cette stratégie niche notée en moyenne «Investment Grade», certes plus volatile que le segment «Investment Grade» classique, a sous-performé en 2018, mais s'est jusqu'à présent bien comportée en 2019, grâce à l'amélioration de la rentabilité et de la solvabilité des banques et des compagnies d’assurance, suite à l’évolution de la réglementation européenne ces dernières années. Cette dernière devrait d’ailleurs rester favorable jusqu'en 2022.

C’est pourquoi, nous nous positionnons également de façon stratégique sur le segment de la dette subordonnée financière et hybride corporate.

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