Lisibilité insuffisante

Mauricio Zanini, VIA AM

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Pourquoi les ratios comptables traditionnels ne sont pas toujours de bons outils d’analyse?

Lorsque les investisseurs sélectionnent des titres, ils se basent souvent sur certaines données comptables clés; cependant, celles-ci ne donnent le plus souvent qu’une image incomplète de la situation réelle de l’entreprise. Les différences de normes comptables, de réglementations fiscales et plus généralement la flexibilité dans la préparation des comptes rendent particulièrement délicat la comparaison des chiffres entre les sociétés, les zones géographiques et les secteurs d'activité.

Le manque de lisibilité de ces données comptables représente un risque important pour les investisseurs, qui peuvent facilement se tromper sur la valeur réelle des entreprises. Les investisseurs devraient plutôt considérer un autre type de données fondamentales, des données qui leur seraient plus directement destinées. Et elles existent, nous les nommons «données économiques» ou données comptables normalisées. Elles sont issues d'un processus analytique dans lequel les données comptables sont corrigées, ajustées et normalisées. Elles tendent à donner une image plus réaliste de la situation des entreprises, notamment en termes d'évaluation et de rentabilité.

Les investisseurs qui lisent méticuleusement et comprennent les rapports annuels
tendent à réaliser de meilleures performances que ceux qui ne le font pas.

Sur la base de nombreuses données régulièrement mise à jour et d'une technologie sophistiquée de «Big Fundamental Data», les sociétés peuvent être réévaluées en continu. Les sources potentielles sont nombreuses, avec par exemple les rapports annuels, les annonces trimestrielles ou les documents sur les opérations de fusion et acquisition.

Des études ont ainsi démontré que les investisseurs qui font bien leur travail en lisant méticuleusement et en comprenant les rapports annuels tendent à réaliser de meilleures performances que ceux qui ne le font pas.

Du point de vue bilanciel, la normalisation comptable signifie que tous les actifs et les passifs sont pris en compte dans leur intégralité. Certains éléments économiques sont ainsi souvent ignorés. Traditionnellement, la valeur d'entreprise est définie comme la capitalisation boursière plus la dette, mais elle devrait aussi être complétée par des éléments tels que les coûts liés aux démantèlements d’usines, aux restructurations, aux déficits ou excédents des fonds de pension, aux obligations en matière de prestations de retraite ou de dispositions environnementales et juridiques. Tous les types de provisions doivent être pris en compte. Pour l’investisseur, l'objectif est de connaître la dette économique totale à inclure dans la valeur d’entreprise. En termes d'actifs, le plus important concerne le capital investi «invisible», principalement composé d'actifs immatériels qui sont de nature opérationnelle et génèrent directement des revenus. Dans l'industrie pharmaceutique et l’informatique, par exemple, des investissements importants sont réalisés au travers de ce que l’on appelle la R&D (recherche et développement) ; ces investissements doivent être traités comme des actifs et non comme des dépenses courantes, car ils contribuent bien à générer des revenus futurs, notamment grâce à de nouveaux produits ou à des améliorations de produits.

Lorsqu'une société acquiert une autre société, elle ignore souvent
l'amortissement cumulé des installations et équipements acquis.

Un autre aspect important à considérer est celui des opérations de fusion et acquisition. Une acquisition peut avoir lieu à tout moment - pas nécessairement au début de l'exercice financier de la société acheteuse - et les résultats de la société acquise peuvent donc manquer au compte de résultat de l'acquéreur pendant une période de plus de 11 mois. Ces résultats non réalisés peuvent avoir un impact significatif sur le retour sur capitaux propres ou d'autres mesures comptables habituelles de la rentabilité. Un autre facteur négligé dans les opérations de fusions et acquisitions est aussi l'amortissement cumulé. Lorsqu'une société acquiert une autre société, elle ignore souvent l'amortissement cumulé des installations et équipements acquis, ce qui vient fausser l'analyse des rendements.

En parlant de rendements, il faut les calculer en tenant compte de l'inflation. Par exemple, si l'âge moyen des actifs d'EDF est d'environ 20 ans, ses actifs doivent être ajustés en fonction de l'inflation cumulée sur la période. Un euro aujourd'hui n'a pas la même valeur qu'un euro d'il y a 20 ans. C'est ce qu'on appelait la comptabilité en coûts courants, qui n'existe plus, mais qui doit être prise en compte si l’on ne veut pas que les niveaux de rendements soient faussés.   

Les exemples présentés ici ne sont qu'une fraction des données d’entreprises que les investisseurs devraient prendre en compte pour sélectionner les meilleurs titres. Je tiens ici à souligner l'importance d'utiliser les données économiques des entreprises plutôt que les données comptables traditionnelles. Une approche minutieuse des données et l'inclusion des plus petits détails peuvent s’avérer payants pour les investisseurs, leur permettant de se distinguer de la plupart de leurs concurrents, en moyenne beaucoup plus superficiels.