La gestion des risques climatiques au service de l’impact

Damien Contamin, BCGE

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La matérialité financière et la matérialité d’impact sont irrémédiablement liées et participent, chacune à leur manière, à l’émergence d’un modèle économique plus durable.

Matérialité financière et matérialité d’impact sont souvent présentées comme deux concepts distincts et indépendants. Or, ces deux composantes de la double matérialité sont irrémédiablement liées et participent, chacune à leur manière, à l’émergence d’un modèle économique plus durable.

L’écueil de la pensée dualiste nous empêche de voir les liens existants entre les deux approches de la matérialité. Nous préférons plutôt les séparer, quitte parfois à les opposer, en les hiérarchisant selon leur degré de contribution respective au développement durable. Selon certains, l’objectif qui consisterait, pour une entreprise, à se prémunir de l’impact des facteurs de risques environnementaux et sociaux sur son modèle d’affaires1 ne pourrait être considéré, à lui seul, comme une contribution au développement durable. Seule une approche visant à minimiser l’impact matériel des activités économiques (et financières) sur l’environnement écologique et social2, participerait à l’émergence d’une société plus durable.

On retrouve ce raisonnement dans les choix qui déterminent la qualification du caractère «durable» ou non d’un produit d’investissement. Un fonds de placement, adoptant une approche d’intégration ESG, ne mériterait pas d’être considéré comme «durable», contrairement à un fonds thématique ou d’impact. Cette analyse revêt, au premier abord, une certaine évidence: une approche thématique, à plus forte raison d’impact, a pour intention de générer un avantage social ou environnemental direct et mesurable, en plus d’un rendement financier. Cette qualité ne s’applique pas aux fonds d’intégration ESG lesquels visent une amélioration de la performance par l’intégration des risques et opportunités non-financières. Est-il cependant juste d’en conclure qu’ils ne contribuent pas, à leur manière, à une certaine dimension de la durabilité? En d’autres termes, est-ce que se préoccuper de la matérialité financière ne serait pas tout de même une façon de participer au développement durable?

En adoptant une approche basée sur la matérialité financière, la banque génère un cycle doublement vertueux.

Prenons l’exemple d’une banque dont l’activité principale est le financement. Selon le consensus scientifique, les risques climatiques, qui font partie des facteurs de risque ESG, sont avérés. Il est dès lors dans l’intérêt de la banque d’identifier leurs impacts potentiels sur l’ensemble du portefeuille, en distinguant les différents types d’impact escomptés. Le facteur de risque climatique n’aura pas le même effet selon la maturité du financement, le type de contrepartie considéré (entreprise de droit public ou privé), le secteur économique financé (plus ou moins exposé aux énergies fossiles), l’existence de «collatéral» (comme dans le cas d’un crédit hypothécaire), etc.

Une fois cette évaluation effectuée, il lui faut définir son appétit au risque. Celui-ci peut l’amener à prendre en considération les facteurs de risques climatiques majeurs à intégrer dans sa politique des risques crédit. Il ne resterait alors plus qu’à en mesurer la matérialité financière3. Sur la base de cette hypothèse, la démarche serait alors incomplète si la banque ne cherchait pas à en minimiser son ampleur à terme.

Pour cela, plusieurs solutions non exclusives se présentent à elle. Elle peut par exemple choisir de renforcer ses critères d’octroi de crédit en intégrant les facteurs de risques climatiques. Sur le segment des crédits hypothécaires, cela peut se traduire par un ajustement de la valeur de gage du bien financé en fonction de son profil climatique. Un bien immobilier chauffé à l’énergie fossile verrait ainsi sa valeur de gage ajustée à la baisse. Dans une démarche plus engagée, la banque pourrait également choisir d’infléchir son modèle commercial de sorte à faciliter le financement de projets «climato-compatibles», voire même de projets œuvrant en faveur de l’environnement et de réduire ainsi la part du portefeuille exposée au risque de transition énergétique.

En adoptant une approche basée sur la matérialité financière, la banque génère un cycle doublement vertueux: celui de réduire ses propres risques financiers tout en contribuant à la réduction de son empreinte environnementale grâce à un modèle d’affaires ajusté. Ce constat repose sur une condition essentielle: pouvoir compter sur une évaluation fiable des risques climatiques, permettant de définir avec clarté son appétit au risque et sa stratégie cible de réduction. Cette condition demeure un défi à court et moyen terme.

On perçoit ainsi le lien indéfectible existant entre les approches visant à minimiser les risques climatiques d’une part et à réduire l’impact environnemental, d’autre part. Une gestion efficace des risques climatiques et une amélioration des pratiques en matière environnemental vont de pair. Si on applique ce raisonnement aux produits d’investissement basés sur la matérialité financière, il serait alors cohérent de leur reconnaître une contribution indirecte à la transition écologique, qui est une dimension de la durabilité.

 


1 Démarche qui prévaut dans le cadre de la matérialité financière
2 Démarche qui prévaut dans le cadre de la matérialité d’impact
3 En recourant par exemple à des stress tests

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