La destruction du Parti républicain

J. Bradford DeLong, Université de Berkeley

3 minutes de lecture

Le moment est venu pour prendre du recul sur l'élection de Donald Trump et de considérer la déliquescence du système politique américain.

 

Cela fait maintenant un an et demi que Donald Trump a été élu président des États-Unis, et le moment est peut-être venu pour les Américains de prendre du recul et de considérer la déliquescence de leur système politique.

Certes, les États-Unis n’ont pas connu de catastrophes majeures, même si des faux pas politiques colossaux semblent constamment pointer à l’horizon. Le pays se meurt toutefois d’innombrables fractures et plus longtemps Trump restera au pouvoir, plus la richesse et la puissance des États-Unis se dégraderont.

«Le camp républicain a jugé qu’il n’avait pas grand chose à perdre,
et peut-être quelque chose à gagner, en s’opposant à Clinton.»

La responsabilité en incombe en grande partie aux républicains, qui se sont alignés derrière Trump pour des raisons encore difficiles à comprendre. Trump a été élu avec un peu plus de 60 millions de voix, soit 3 millions de moins que son adversaire, Hillary Clinton. Mais il a été publiquement soutenu par un large éventail de pontes, de conseillers et de militants républicains, qui savaient pourtant tous qu’une présidente Clinton ferait courir un moindre risque aux États-Unis.

Quelles étaient leurs motivations? L’hypothèse la plus convaincante est qu’ils ont – comme l’ancien directeur du FBI James Comey et Dean Baquet, le rédacteur en chef du New York Times – ignoré les sondages qui estimaient possible une victoire de Trump. Le camp républicain a jugé qu’il n’avait pas grand chose à perdre, et peut-être quelque chose à gagner, en s’opposant à Clinton, une approche déterminée par les enseignements tirés des présidences de Richard Nixon et de Ronald Reagan.

Nixon devient le candidat de son parti

Il convient de rappeler qu’en 1964, Nixon avait soutenu le candidat républicain à l’élection présidentielle Barry Goldwater, contrairement à d’autres républicains, dont le gouverneur du Michigan de l’époque, George Romney. Nixon est ensuite devenu le candidat de son parti pour l’élection présidentielle de 1968, l’emportant sur les républicains qui s’étaient aliénés la base militante du parti en s’opposant à la candidature de Goldwater.

De même, Ronald Reagan a soutenu Nixon jusqu’au bout, alors que sa destitution semblait imminente, tandis que la majorité des républicains, dont le sénateur du Tennessee Howard Baker, estimaient que Nixon devait partir. Reagan devint ensuite le candidat de son parti pour l’élection présidentielle de 1980, évinçant les républicains qui n’avaient à nouveau pas tenu compte de la base militante du parti.

«Les chefs du parti sont pressés de déterminer
quelle doit être la prochaine étape.»

En 2016, les républicains qui ont appuyé la candidature de Trump ont sans doute pensé que ce serait un moyen facile de promouvoir leur avenir au sein du parti. Ce qu’ils n’avaient par contre pas prévu est qu’il deviendrait président et qu’ils devraient tous les matins procéder à un examen de conscience devant leur miroir. Maintenant que les membres de la base électorale républicaine se considèrent davantage comme des partisans de Trump que comme des républicains, les chefs du parti sont pressés de déterminer quelle doit être la prochaine étape.

Certains d’entre eux ont déjà fait leur choix. Le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, a annoncé sa retraite politique au terme de son mandat. Sauf l’improbable éventualité qu’il se porte candidat à une élection présidentielle future, il renonce dans les faits au troisième poste en importance dans la hiérarchie politique américaine et laisse son pays aux mains d’un kleptocrate incompétent et déséquilibré. Et Ryan est loin d’être le seul: au dernier recensement, 43 républicains de la Chambre des représentants ont fait savoir qu’ils ne brigueraient pas de second mandat aux élections de novembre prochain.

Quoi qu’il advienne du Parti républicain, les Américains ont les moyens d’atténuer, au niveau local, certains des dégâts causés par la politique intérieure de Trump. C’est précisément ce que font la Californie et d’autres États démocrates («bleus»), avec un grand succès jusqu’à présent.

La base électorale républicaine continue à se faire arnaquer

Mais dans les États du Kentucky, de l’Alabama, du Nebraska et autres États «rouges», la base électorale républicaine continue à se faire arnaquer. Les agriculteurs de l’Iowa et d’autres États du centre des États-Unis ont massivement voté pour Trump en 2016 pour découvrir qu’ils étaient en fait des victimes acceptables de la guerre commerciale que compte mener Trump contre la Chine, et peut-être aussi contre le Mexique. On ne peut que se sentir désolés pour ces électeurs, mais certainement pas pour les politiciens républicains qui continuent à les gruger en soutenant Trump.

Que faire? Pour commencer, il faut informer les électeurs et continuer à braquer les projecteurs sur les politiques contraires à leurs intérêts. La normalisation de la situation n’est pas envisageable. Souligner la stupidité et la nature destructrice des mesures politiques de Trump et défendre leur abrogation immédiate doivent être un labeur quotidien.

«Les Américains doivent tenter de persuader le vice-président Mike Pence
qu’il est temps d’invoquer la section 4 du XXVe amendement.»

Ensuite, les Américains doivent tenter de persuader le vice-président Mike Pence qu’il est temps d’invoquer la section 4 du XXVe amendement, qui prévoit qu’un président peut être destitué si une majorité des principaux fonctionnaires des départements exécutifs juge qu’il est «dans l'incapacité d'exercer les pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge».

L’opinion publique doit également exercer des pressions sur Rupert et Lachlan Murdoch, les co-présidents de 21st Century Fox, propriétaire de Fox News, la chaîne de télévision d’information en continu. Une grande partie des décisions et des tweets de Trump suivent ce que disent chaque jour ses présentateurs préférés. Mais à long terme, les ploutocrates deviennent souvent le jouet des kleptocrates. Si les Murdoch se soucient de leur avenir, leur meilleure décision serait peut-être que leur chaîne de télévision dise au président: «C’était bien essayé, mais vous êtes fatigué et clairement pas enchanté par la fonction, pourquoi ne pas démissionner et jouer au golf, pour le bien de votre santé?».

Une conjoncture à répétition

Enfin, les républicains doivent comprendre que la conjoncture risque d’être une répétition de l’épisode «Pete Wilson» pour leur parti. Pete Wilson est un ancien gouverneur républicain de Californie qui en soutenant dans les années 1990 une proposition de loi qui durcissait la législation vis-à-vis des immigrés illégaux, a condamné son parti à être minoritaire de manière permanente dans cet État. Aujourd’hui, l’importante population hispanique de Californie – qui comprend de nombreux chrétiens pratiquants socialement conservateurs – n’a que faire des républicains (comme une large proportion d’hommes mûrs blancs de Californie, tout autant embarrassés par Trump).

Trump est capable d’infliger les mêmes dégâts au Parti républicain, à l’échelle des États-Unis, que Wilson en Californie. Les chefs du parti – déjà confrontés à la perte probable de leur majorité à la Chambre des représentants, et possiblement au Sénat, en novembre prochain – doivent se décider à agir avant qu’il soit trop tard.

Copyright: Project Syndicate, 2018.

www.project-syndicate.org

A lire aussi...