Chronique blockchain. Les acteurs traditionnels ont pris conscience de l’importance des chaînes de blocs publiques et des crypto-actifs.
Le fait majeur du secteur blockchain en 2019 n’est pas tant le développement des Security Tokens (titres financiers sur blockchain promettant, à terme, un afflux de liquidité sur le marché secondaire), comme certains pronostics l'annonçaient en début d’année, mais, bien plus largement, la prise de conscience de l'importance des blockchains publiques et des crypto-actifs de la part des acteurs traditionnels. En la matière, un cap très net a été franchi.
C’est par ces acteurs existants, publics comme privés, qu’un changement de mentalité a commencé à transparaître. Les blockchains publiques et les crypto-actifs, souvent cantonnées jusqu’alors au rang de curiosité, ou pire, d’outils au service d’activités illicites, ont gagné en crédibilité par une première annonce de taille du géant bancaire JPMorgan: le développement d’une monnaie numérique, le JPM Coin, garantie 1 pour 1 avec ses réserves en dollars et qui sera, à terme, disponible sur différentes blockchains tout en offrant le support de plusieurs devises.
largement reconnus et soulèvent un risque systémique.
Certes, cette monnaie numérique tient plus de l’innovation incrémentale que de la véritable rupture, la finalité du projet étant principalement de réduire le temps de règlements entre acteurs B2B. Mais cette annonce illustre le changement complet de stratégie d’une entité dont le CEO, le très médiatique Jamie Dimon, était jusqu’alors qualifié de «cryptosceptique» en raison de ses prises de position très critiques sur le sujet.
Dans la continuité de cette annonce, a été présenté ensuite le projet Libra qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, lui qui assume le terme même de cryptomonnaie et dont la volonté est de s’ériger en monnaie de référence en ligne, en commençant par les 2,4 milliards d’utilisateurs du plus grand «pays» du monde, Facebook.
Depuis cette annonce, les signes du regain d’intérêt des acteurs traditionnels vis-à-vis des blockchains publiques et des cryptomonnaies ne trompent pas. Il y a bel et bien un «effet Libra», moteur d’une accélération rapide du changement de mentalité: contrairement à l’image de «geeks dans un garage» que pouvait véhiculer l’écosystème des cryptomonnaies, le Libra et le JPM Coin émanent d’acteurs largement reconnus et soulèvent un risque systémique.
Ces évolutions vont amener un nombre croissant d’acteurs privés et publics à devoir établir une stratégie face à la montée en puissance de telles initiatives - et ce quel que soit l’avenir du projet Libra, qui pourrait être plus compliqué que prévu initialement par Facebook. Le développement des monnaies numériques constitue une tendance structurelle qu'il serait risqué de sous-estimer. Si les entreprises à avoir réagi publiquement restent encore limitées, elles sont nombreuses, en coulisse, à suivre le phénomène de près, dans le secteur financier mais aussi au-delà. L’idée de subir un sort similaire aux acteurs ayant raté le virage d’Internet doit désormais les conduire à investiguer les nouveaux marchés ouverts par les blockchains.
La Suisse a posé plusieurs fondations importantes pour réussir dans cette nouvelle économie numérique en mettant en place un cadre stable favorisant l’expérimentation. Les transformations en cours ouvrent de belles perspectives pour les acteurs suisses, qui sont bien positionnés pour exploiter les opportunités qui vont s'ouvrir. Les prochains mois s’annoncent maintenant décisifs.