IA et pharma: la révolution en marche

Brice Prunas, ODDO BHF AM

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L’intelligence artificielle et le machine learning (AI/ML) révolutionnent le développement des médicaments.

Le temps de développement moyen d’un médicament sur tous ses cycles est en moyenne de 8 ans. L’industrie pharmaceutique s’est ainsi toujours structurée autour de cycles longs et de retours sur capitaux employés limités par des taux de succès faibles dans les phases de développement. Il semblerait que l’Intelligence Artificielle (IA) et le Machine Learning (ML) puissent faire entrer cette industrie dans une nouvelle ère. 

Les algorithmes de ML vont apporter des bénéfices majeurs dans la définition du bon dosage de la molécule testée.

Ainsi, trois types de bénéfices de l’IA/ML sont d’ores et déjà identifiables: l’identification de thérapies innovantes, la réduction des délais nécessaires au développement des médicaments et l’augmentation de la probabilité de succès sur les molécules en phase d’essais cliniques. En particulier, les algorithmes de ML vont apporter des bénéfices majeurs dans la définition du bon dosage de la molécule testée pour atteindre l’optimum dans le couple «efficacité vs toxicité» et la constitution de cohortes de patients pour les essais cliniques qui réunissent les caractéristiques (phénotypes et génotypes) souhaitées.

Plus facile de naître «plateforme digitalisée» que de le devenir

Fort de ces constats, les dix plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux ont à l’unisson procédé à des petites acquisitions stratégiques de start-up de l’intelligence artificielle. Ces pépites digitalisées sont venues se greffer à des workflows de R&D qui s’étaient construits depuis des décennies en mode «analogique» avec, sans surprise, des succès d’intégration assez inégaux. En effet, ces grands groupes pharmaceutiques se sont heurtés aux obstacles du manque de connaissance en techniques de ML chez les développeurs de médicaments seniors et des pertes de vélocité importantes dans le processus de développement liées au fait que des pans entiers de la chaîne sont encore en analogique (contrairement aux sociétés 100 digitalisées).

Le succès de Moderna trouve son origine dans l’élaboration d’une suite d’outils logiciels et algorithmiques digitalisant l’ensemble de la chaîne de valeur du développement du médicament.

Il en résulte que les réussites les plus fortes en matière d’usage de l’IA dans le développement de médicaments se trouvent aujourd’hui chez des acteurs qui se sont construits dès le premier jour sur des modèles de développement complètement digitalisés à base d’IA et de ses dérivés. L’exemple le plus célèbre de cette stratégie est aujourd’hui Moderna compte tenu de sa percée dans le vaccin COVID mRNA 1273 et de la création de valeur économique et boursière qui en a résulté en peu d’années. Il existe également plusieurs autres sociétés cotées et privées qui placent l’IA au cœur de leur stratégie. Parmi elles, nous pouvons citer Recursion Pharmaceuticals qui va appliquer des algorithmes de ML sur des séries de données biologiques et chimiques propriétaires à des fins de développement de nouvelles thérapies, mais aussi Kronos Bio, qui va utiliser des modèles computationnels très élaborés sur sa plateforme pour tenter de s’attaquer à des cibles cancéreuses qui avaient été jusqu’alors résistantes à toute forme de traitement.

Moderna offre l’exemple le plus abouti à ce jour

«Nous avons développé un vaccin COVID en deux mois, soit une réduction d’environ 90 du délai nécessaire au développement d’un vaccin qui est en moyenne de 20 mois»: c’est ainsi que Stéphane Bancel, PDG de Moderna, relate tout le processus qui a démarré par l’identification d’un SARS Coronavirus jusqu’ à l’entrée en phase 1 de tests cliniques lors du premier trimestre 2020. Un tel accomplissement n’est dû ni au hasard, ni à quelques prouesses individuelles de chercheurs géniaux. Cela résulte bien de l’élaboration par Moderna d’une suite d’outils logiciels et algorithmiques digitalisant l’ensemble de la chaîne de valeur du développement du médicament, du séquencement de l’ARN Messager jusqu’à sa fabrication en passant par l’étude de sa composition chimique et de ses propriétés géométriques.

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