Economie mondiale: entre deux eaux

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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L’économie mondiale reste dans une zone de fragilité.

Depuis plus d’un an maintenant, une menace de récession plane sur l’économie mondiale. Hausse des taux d’intérêt renchérissant le coût de l’endettement, choc d’inflation amputant les revenus réels, frictions géopolitiques et commerciales, et plus récemment stress bancaire, à première vue, tout pousse en ce sens. A la mi-2023, on ne peut pas décrire la situation macroéconomique comme récessive. Il n’y a pas à ce jour de hausse significative du chômage, ni de contraction de la demande, ni de chute des profits, toutes choses qu’on observe dans une récession. Certains secteurs (industrie, construction), certaines zones (Chine, Europe) sont plus affaiblis que d’autres mais dans l’ensemble le secteur privé a absorbé les chocs. Pour autant, le rythme de la croissance du PIB réel mondial a beaucoup ralenti passant selon nos estimations de 4,3% sur un an au début de 2022 à 2,7% au début de 2023. A ce niveau-là, on se situe au-dessous de sa tendance normale (environ 3,5%) mais au-dessus du seuil d’entrée en récession (environ 2%). Les prévisions à douze mois situent la croissance mondiale toujours dans cette zone grise où la menace récessive demeure mais sans garantie de se matérialiser. Compte tenu du resserrement des conditions de crédit et de l’affaiblissement récent du climat des affaires, on considère que la balance des risques penche vers le bas sur les deux ou trois prochains trimestres. A l’horizon plus lointain de 2024, la désinflation aidant, on peut tabler en revanche sur une amélioration du cycle économique.

Pendant quelques semaines, on a pu se demander si un effet de domino n’allait pas tout emporter. Ce ne fut pas le cas. Dans l’ensemble, les banques ne manquent pas de liquidité.
Une résilience qui n’est pas éternelle

Pour apprécier de quel côté penche la balance des risques pour l’économie mondiale, commençons par un petit retour en arrière sur les principaux développements économiques du premier semestre 2023. Certaines évolutions étaient anticipées, par exemple la poursuite de la lutte des banques centrales contre l’inflation. Presque toutes ont continué de durcir leur politique monétaire, à un rythme toutefois un peu moins rapide que l’an passé. Les taux directeurs de la BCE sont presque à leur record historique de 2000; ceux de la Fed au plus haut depuis 2007. Il est bel et bien fini le régime des taux zéro ou négatifs. D’autres événements sont eux survenus par surprise, comme l’épisode de stress bancaire qui a fait chuter plusieurs banques américaines de taille moyenne et un des géants bancaires suisses. Pendant quelques semaines, on a pu se demander si un effet de domino n’allait pas tout emporter. Ce ne fut pas le cas. Dans l’ensemble, les banques ne manquent pas de liquidité. Reste qu’elles font face à une érosion des dépôts, ce qui renchérit leur coût de financement et, dans un contexte d’incertitude, ne porte pas à étendre le crédit. Parmi les évolutions plus favorables, notons le dégonflement des pression inflationnistes. Ainsi, la facture européenne d’importations de produits énergétiques qui avait doublé l’an passé est revenue à un niveau historique standard. Enfin, au rang de déceptions, la plus notable est la perte de tonus de l’économie chinoise après un début d’année prometteur. La levée de la politique zéro-Covid n’a pas suffi à provoquer un retour durable de la confiance, ce qui freine le redressement des dépenses au point d’alimenter des forces déflationnistes.

Au bout du compte, le bilan est mitigé. Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein? C’est affaire de points de vue. D’un côté (la moitié vide), on doit constater la mollesse des perspectives économiques. Les prévisions du consensus ou des grandes institutions comme le FMI ou l’OCDE prévoient un taux de croissance mondial entre 2,5% et 3% en 2023 et guère mieux en 2024. Il est admis qu’une tendance normale se situe un point plus haut et que le seuil d’entrée en récession se situe un point plus bas. L’économie mondiale reste donc dans une zone de fragilité. Dans le cas de l’Europe, le PIB réel a tout bonnement stagné au cours des deux ou trois derniers trimestres. L’Allemagne fait même un peu moins bien que la moyenne à cause de la morosité dans l’industrie et la construction; les pays méditerranéens font un peu mieux, aidés par la reprise du tourisme; la France est entre les deux. De l’autre (la moitié pleine), il est remarquable que l’activité, l’emploi et les profits aient continué de croître en dépit de la multiplicité, de la diversité et de l’intensité des chocs adverses. Après tout, on aurait pu craindre que les entreprises, qui sont confrontées à un fléchissement de leurs commandes, réduisent leurs embauches, ou pire, licencient en masse. C’est ainsi que se déroulent d’ordinaire les récessions. Il y a bien en effet quelques signes de modération des conditions d’emploi mais rien de dramatique. Les marges étant élevées, l’emploi résiste plus longtemps. Chez les ménages, les craintes de chômage ont rarement été aussi basses. Par voie de conséquence, cela aide les consommateurs à supporter le choc sur le pouvoir d’achat et les incite à consommer, non à épargner. Ces facteurs de résilience ne vont sans doute pas disparaitre du jour au lendemain mais ils ne peuvent être tenus pour infinis.

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