Des solutions différenciées s’imposent

Luc Filip, Banque SYZ

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Alors qu’un ralentissement de l’économie mondiale se profile, les investisseurs redoutent son impact sur les marchés.

La récente décision de la BCE de reprendre son programme d’assouplissement quantitatif marque la première fois qu’une banque centrale annonce des mesures de relance sans date d’échéance. Cet assouplissement quantitatif «ouvert» devrait contribuer à la stabilisation de l’activité économique. En outre, l’introduction d’un système de taux de dépôt par paliers, qui tient compte de la structure du capital des banques, devrait minimiser l’impact négatif de la baisse des taux sur le secteur financier.

Cependant, elle confirme également que les rendements vont rester bas dans un avenir prévisible. En prenant des mesures aussi audacieuses, la BCE met la pression sur la Réserve fédérale, la poussant à abaisser ses taux sans tarder. La banque centrale américaine a également laissé entrevoir la possibilité d’une quatrième vague d’assouplissement quantitatif qui aura pour effet de gonfler son bilan. Ce scénario prolongera la quête de rendement, la question clé pour les investisseurs à l’horizon des prochaines années étant alors de savoir comment générer des performances dans un contexte de taux aussi bas.

De nombreuses sources d’incertitude

Le prolongement des mesures monétaires accommodantes dope le prix des actifs à brève échéance, avec une hausse des actions européennes tandis que les actions américaines se rapprochent à nouveau de leurs plus hauts historiques. Néanmoins, cette tendance pourrait bientôt commencer à s’étioler. L’assouplissement quantitatif n’a pas véritablement d’impact à moyen terme, les banques restant peu disposées à financer l’économie réelle.

Nous commençons à observer un retournement des tendances
de marché en place depuis longtemps.

En outre, les questions politiques, tels que le Brexit, les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran et la poursuite de la guerre commerciale sino-américaine, sont loin d’être résolues. Il existe en outre une forte dualité entre la morosité des secteurs manufacturiers et la bonne tenue de ceux axés sur la consommation.

Par ailleurs, nous commençons à observer un retournement des tendances de marché en place depuis longtemps, comme en témoigne l’effondrement brutal des actions à momentum élevé, notamment dans les secteurs de la technologie et de la consommation, le mois dernier. Bien que le retour en grâce des valeurs traditionnellement défensives – des secteurs financier, des services aux collectivités et de l’énergie notamment – soit généralement synonyme de reprise de la croissance mondiale, le catalyseur cette fois-ci reste incertain.

Globalement, les investisseurs sont confrontés à un environnement de plus en plus complexe. Alors que les tensions géopolitiques persistent, que l’assouplissement quantitatif prend une tournure permanente et que les titres les plus prisés affichent une volatilité accrue, les investisseurs doivent regarder au-delà des stratégies d’allocation classiques.

Repenser l’allocation traditionnelle

La nature problématique de la situation actuelle requiert une solution élaborée. Les investisseurs doivent adopter une approche flexible sans contrainte pour se prémunir d’une possible récession tout en continuant à générer des performances.

Pour identifier des opportunités de rendement, ils doivent sortir des sentiers battus. La manière dont la BCE a conçu son nouveau programme d’assouplissement quantitatif réduit la fourchette de rendement disponible en Europe. Les taux à 10 ans ont déjà convergé: les taux grecs sont les plus élevés à 1,28% et les taux allemands sont les plus bas à -0,6%. Cela laisse peu de marge pour générer de l’alpha.

Raccourcir la duration totale d’une allocation obligataire pourrait avoir
pour effet d’exposer les investisseurs à des taux obstinément bas.

C’est pourquoi nous diversifions nos portefeuilles obligataires en investissant selon une approche «barbell» qui consiste à associer une duration longue sur les emprunts d’Etat avec une duration courte sur les titres à haut rendement et la dette émergente. Il pourrait sembler paradoxal d’opter pour un positionnement plus long en duration. Cependant, face à la «japonification» de l’économie mondiale, caractérisée par des taux de croissance et d’inflation durablement faibles, raccourcir la duration totale d’une allocation obligataire pourrait avoir pour effet d’exposer les investisseurs à des taux obstinément bas.

Dans ce contexte, il nous faudra déceler des signes concrets d’accélération de l’activité économique avant d’envisager d’accroître l’exposition aux actifs risqués. Le potentiel de reprise reste incertain et des indicateurs macroéconomiques encourageants n’ont pas le même poids que de bons résultats d’entreprises, qui tardent à se concrétiser. En conséquence, nous sommes prudemment neutres vis-à-vis des actions et sélectifs au plan régional, avec une légère prédilection pour l’Europe au regard de sa valorisation intéressante. Néanmoins, nous restons investis de telle sorte à capter le potentiel haussier pour peu que la balance vienne à pencher du bon côté.

En termes de protection, l’efficacité des instruments de couverture traditionnels tels que l’or, les bons du Trésor à long terme et les actions de qualité reste d’actualité, mais elle pourrait être remise en question dans le contexte actuel. Par conséquent, nous avons mis en place des couvertures au travers de dérivés sur actions, de sorte à protéger les portefeuilles contre l’éventualité d’une forte baisse des prix des actifs.

Cette combinaison de positions longues en actions et de couvertures (y compris or, emprunts d’Etat à long terme et actions de qualité) a déjà démontré son efficacité, sachant que la plupart de nos portefeuilles équilibrés ont clôturé la période estivale en légère hausse.

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