Brexit: chronique d’une catastrophe annoncée

Axel Botte, Ostrum AM

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Le Parlement britannique s’exprimera sur l’accord le mois prochain. Ce texte ne fait que repousser les décisions importantes notamment la situation nord-irlandaise.

 

L'accord de Brexit négocié par Theresa May avec l'Union européenne a provoqué une crise politique avec la démission de plusieurs ministres et le déclenchement par les députés conservateurs d'une procédure en vue d'un éventuel vote de défiance envers la première ministre. Les prochains jours s’avèreront décisifs. Le Parlement britannique s’exprimera sur l’accord le mois prochain. De fait, ce texte ne fait que repousser les décisions importantes notamment la situation nord-irlandaise, ce qui est inacceptable pour une partie de la majorité. Sur les marchés, les tensions politiques ont provoqué une rapide baisse des taux. Le rendement de l’emprunt à 10 ans a plongé d’1,52% à 1,35% au plus bas de la séance jeudi dernier. Le FTSE se maintenait péniblement au-dessus de la barre des 7000 points alors que, sur le marché des changes, la livre britannique était de nouveau vendue. Les fonds dits «global macro» revenus à l’achat sur le sterling au cours des dernières semaines ont sans doute été contraints de couper leurs positions. La Livre est ainsi retombée autour d’1,28 dollar. L’euro-sterling a bondi d’un point et demi jeudi et poursuit désormais sa hausse vers 0,89£.

Powell sur-interprété par les marchés?

L’autre facteur de baisse des taux concerne la Fed. L’intervention de Jerome Powell a été perçue comme un signal de détente des taux. Le 2 ans a diminué vers 2,80% et la hausse de décembre n’est plus certaine selon les cotations dérivées (alors que Powell a fortement suggéré qu’elle aurait lieu). Le dollar a baissé abandonnant son statut de valeur refuge au profit des marchés de taux. Ce mouvement nous semble excessif tant la hausse de décembre parait acquise.

Le fait qu’une conférence de presse ait lieu après chaque réunion
donne davantage de flexibilité à la Fed pour mettre en œuvre sa politique.

L’optimisme continue de prévaloir quant aux perspectives de l’économie américaine. Certes, les incertitudes mondiales, l’effet des hausses de taux d’intérêt passées et l’affaiblissement du stimulus budgétaire contribueront à un ralentissement de la croissance. Le logement est également un facteur pesant sur la croissance. Le fait qu’une conférence de presse ait lieu après chaque réunion désormais donne davantage de flexibilité à la Fed pour mettre en œuvre sa politique.

En termes de stratégie, nous maintenons un biais acheteur en sensibilité sur les Treasuries. Le 10 ans américain est proche de sa valeur d’équilibre (3,13%), sa valorisation ne parait pas excessive. Les volumes vont sans doute diminuer et le mouvement de couverture des positions vendeuses entretient la hausse des cours avant le weekend de Thanksgiving. Nous observons la repentification des segments de courbe 5-30 ans et 10-30 ans sans toutefois y participer. La partie longue de la courbe parait moins soutenue qu’en début d’année lorsque les fonds de pension rallongeaient leur duration. Ainsi, le ratio de couverture de la dernière adjudication de 30 ans américain était à son plus bas niveau depuis 2009. La hausse des taux de décembre n’étant plus tout à fait intégrée, un rebond des rendements de maturité inférieure à 5 ans aplatirait de nouveau la courbe.

Quant à la zone euro, tout porte à croire que la BCE prolongera en avance les TLTROs pour maintenir le ratio de financement à long terme des banques (NSFR) dont l’accès au marché financier reste difficile. La mise en oeuvre flexible des réinvestissements reste un levier d’assouplissement des conditions monétaires face au ralentissement cyclique, à la situation italienne et à l’écartement du crédit.

La sensibilité plus forte au prix du pétrole milite
pour une approche prudente sur le marché américain.

Sur le Bund, la neutralité prévaut en termes de sensibilité. Le Bund semble prisonnier de son canal 0,30-0,50%. La situation italienne soutient la demande de Bund, qui cote en ligne avec sa valorisation d’équilibre (0,38%). Le BTP à 10 ans s’échange autour de 320pb et sa fragilité implique une pression à l’élargissement des spreads espagnols (127pb) et portugais (160pb).

Le marché du crédit dévisse

Les marchés du crédit ont réagi avec retard à l’accès de volatilité sur les marchés d’actions. Le spread moyen dans l’univers investment grade européen ressort à 138pb. Les primes ont augmenté de 13pb sur la semaine. Les secteurs cycliques sont pénalisés par leur bêta élevé et leur sensibilité au cycle économique. Les subordonnés assurantiels et les bancaires affichent aussi une sous-performance importante. Les remboursements en crédit de la BCE sont de l’ordre de 6 milliards d'euros sur les douze prochains mois. La liquidité, asymétrique sur les marchés du crédit, s’est en outre détériorée.

Le marché du high yield est encore plus fragile. Les spreads s’écartent de 55pb sur 5 jours à 449pb. La balance des flux reste défavorable au high yield des deux côtés de l’Atlantique. La sensibilité plus forte au prix du pétrole milite pour une approche prudente sur le marché américain. Certes, la vague de défaut de 2016 a fait disparaitre les entreprises les plus fragiles mais la chute actuelle du pétrole est très rapide. Le baril de WTI s’approche de 55 dollars, ce qui semble être le haut de fourchette des coûts des exploitants de pétrole de schiste américain. Cette baisse de l’or noir comprime aussi les points morts d’inflation et renforce notre conviction à l’achat de T-notes. Les flux sur les ETFs attestent de la prudence des intervenants.

Il reste à redouter un nouvel accès de faiblesse sur les marchés d’actions. Le S&P débute la semaine en baisse et le rebond de la semaine passée pourrait engendrer des couvertures avant Thanksgiving. Cela entrainerait sans doute une baisse équivalente sur les marchés européens.

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