Cette validation ouvre la voie à des tarifs douaniers punitifs. Washington met parallèlement la Chine en garde contre toute aide au régime russe.
La Chambre américaine des représentants a voté jeudi pour révoquer le statut commercial de la Russie et du Bélarus en réponse à l’invasion de l’Ukraine, ouvrant la voie à des tarifs douaniers punitifs.
En coordination avec ses alliés européens, le président américain Joe Biden avait annoncé cette mesure vendredi dernier afin «d’isoler davantage la Russie sur la scène mondiale», mais cette nouvelle sanction devait être validée au Congrès.
La Chambre a fait un premier pas en ce sens avec un vote jeudi après-midi, validé par l’immense majorité des élus.
Il est désormais du ressort du Sénat d’acter l’arrêt des relations commerciales normales avec la Russie et le Bélarus. Ce devrait être une formalité: démocrates et républicains dans cette chambre ont d’ores et déjà signalé leur soutien à cette mesure.
En privant la Russie de sa «clause de la nation la plus favorisée», un principe de réciprocité qui fonde le libre-échange, les Occidentaux la coupent de facto du jeu mondial du libre-échange, et se donnent le droit de taxer lourdement les importations de produits russes.
En ce qui concerne les Etats-Unis, seuls deux autres pays sont pour l’instant exclus de ce principe de réciprocité qui fonde l’essentiel des relations commerciales internationales: Cuba et la Corée du Nord.
L’an dernier, les Etats-Unis ont importé pour quelque 30 milliards de dollars de produits russes - dont 17,5 milliards de dollars de pétrole brut, une marchandise sur laquelle Washington vient tout juste de décréter un embargo pur et simple.
Le projet de loi du Congrès exige aussi des Etats-Unis qu’ils appellent à la suspension de la Russie de l’Organisation mondiale du commerce.
Tout cela s’ajoute aussi à plusieurs salves de mesures occidentales adoptées ces dernières semaines, destinées à couper peu à peu les liens économiques et financiers du pays dirigé par Vladimir Poutine avec le reste du monde.
«Nous sommes préoccupés par le fait qu’ils envisagent d’assister directement la Russie avec de l’équipement militaire qui serait utilisé en Ukraine. Le président Biden va parler au président Xi demain, et lui dira clairement que la Chine portera une responsabilité pour tout acte visant à soutenir l’agression russe, et que nous n’hésiterons pas à lui imposer des coûts», a déclaré jeudi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
«Nous voyons avec préoccupation que la Chine réfléchit à apporter à la Russie une assistance militaire directe», a-t-il ajouté.
C’est l’avertissement le plus clair lancé par les Etats-Unis à la Chine depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, et il intervient à quelques heures d’une conversation entre les présidents américain et chinois, prévue vendredi.
Cet entretien, le quatrième entre les deux dirigeants depuis que Joe Biden est président, vise à «garder les canaux de communication ouverts entre les Etats-Unis et la République populaire de Chine», a affirmé dans un communiqué la porte-parole de l’exécutif américain Jen Psaki.
C’est là une préoccupation constante du président américain, pour qui les Etats-Unis et la Chine sont certes voués à se livrer une concurrence impitoyable, mais en maintenant un dialogue suffisant pour que cet affrontement ne soit pas source de chaos au niveau international.
Les deux dirigeants discuteront de cette «concurrence» entre Washington et Pékin «ainsi que de la guerre de la Russie contre l’Ukraine et d’autres questions d’intérêt commun», a précisé Jen Psaki.
Les Etats-Unis ont donc encore haussé le ton, eux qui avaient déjà jugé «profondément préoccupante» la position «d’alignement de la Chine avec la Russie» face à la guerre en Ukraine, après une très longue rencontre récente à Rome entre le conseiller à la sécurité nationale américain, Jake Sullivan, et Yang Jiechi, plus haut responsable de la diplomatie du Parti communiste chinois.
Depuis le début de l’invasion russe le 24 février, le régime communiste chinois, privilégiant sa relation avec Moscou et partageant avec la Russie une profonde hostilité envers les Etats-Unis, s’est abstenu d’appeler le président russe Vladimir Poutine à retirer ses troupes d’Ukraine.
Mais l’»amitié sans limite» professée par Pékin et Moscou est mise à l’épreuve par la guerre en Ukraine, le régime du président Xi Jinping semblant avoir été surpris par la résistance ukrainienne à l’offensive russe et par la vigueur des sanctions occidentales.
Au-delà de la question d’une éventuelle assistance militaire à la Russie, Washington ne veut pas que la Chine aide à Moscou à atténuer l’impact de ces sanctions d’une sévérité jamais vues, censées étrangler financièrement et économiquement le régime de Vladimir Poutine.
«La priorité du président Biden (pendant la conversation) sera de demander à la Chine de ne pas donner à la Russie les moyens de compenser les sanctions internationales, et de ne pas envoyer d’équipements pour la machine de guerre russe en Ukraine», a dit à l’AFP Ryan Hass, expert auprès de l’institut de recherches Brookings, et ancien conseiller du président Barack Obama pour la Chine.
Xi Jinping pour sa part «doit arbitrer entre diverses priorités. Il accorde beaucoup d’importance au partenariat avec la Russie, mais il ne veut pas saper les relations avec l’Occident», dont la Chine dépend «pour son accès à certaines technologies de pointe», souligne-t-il.
«Les intérêts de la Chine et de la Russie ne sont pas alignés. Poutine veut dynamiter le système international alors que le président Xi se voit comme l’architecte d’un nouvel ordre international», analyse encore l’expert.