La sortie d’Elon Musk fustigeant le mégaprojet de loi budgétaire âprement défendu par Donald Trump complique la tâche du président américain pour obtenir son adoption par le Sénat et pourrait déboucher sur un affrontement ouvert entre les deux dirigeants.
La «grande et belle loi», telle que Donald Trump la surnomme, est un élément clé de son programme. Elle pourrait donner le ton de son second mandat et décider des chances des républicains aux élections de mi-mandat en 2026.
Même si les républicains sont majoritaires - de peu - au Sénat, rien ne garantit qu’ils parviendront à faire adopter cette loi, qui prévoit notamment l’extension des crédits d’impôt monumentaux décidés par Donald Trump en 2017 et risque de réduire les aides accordées à des millions d’Américains défavorisés.
Une dizaine de républicains pour l’heure opposés au projet, des modérés qui rechignent à réduire drastiquement les dépenses ou des partisans de la rigueur budgétaire qui le trouvent trop dispendieux, pourraient le faire dérailler.
Elon Musk, qui a terminé comme prévu la semaine dernière sa mission au sein du gouvernement Trump où il était chargé d’effectuer des coupes drastiques dans le budget de l’Etat, a fait sensation mardi en dénonçant une «abomination répugnante».
«Aller au conflit»
Le patron de X, Tesla et SpaceX s’était déjà inquiété des conséquences du projet de loi ces dernières semaines, mais en des termes plus amènes. Même si la Maison Blanche a assuré que le président «savait déjà» ce que pensait Elon Musk, la férocité de la charge l’a sans doute profondément agacé.
D’autant que l’entrepreneur milliardaire en a remis une couche mercredi: «Appelez votre sénateur, appelez votre représentant à la Chambre des représentants. Ruiner l’Amérique N’EST PAS ok. Tuez le projet de loi», a-t-il écrit sur son réseau X.
«C’est le Lennon et McCartney de la politique moderne. Deux égos, un projecteur, et une alliance fragile bâtie autour d’intérêts mutuels», souligne Evan Nierman, fondateur de l’agence de relations publiques Red Banyan. «Le moment où l’un d’eux verra un avantage à aller au conflit plutôt qu’à coopérer, la rupture sera publique.»
Le consultant politique Andrew Koneschusky, qui avait joué un rôle clé dans les négociations de 2017 sur les crédits d’impôts, estime toutefois que le président n’a rien à gagner à répliquer.
«Musk a plus d’argent. Le porte-voix de Musk, X, est plus gros que celui de Trump. Et Musk a été profondément intégré à son administration pendant des mois», dit-il à l’AFP.
«Allez savoir ce que Musk a entendu ou vu qui pourrait se révéler embarrassant ou problématique pour l’administration si les deux devaient se faire la guerre.»
Versatile chef
En critiquant le projet de loi, l’homme le plus riche du monde s’en est aussi pris aux membres de la Chambre des représentants, laquelle l’a déjà adopté. «Honte à ceux qui l’ont voté: vous savez que vous avez eu tort», leur a-t-il lancé.
Elon Musk, qui a dépensé près de 280 millions de dollars pour contribuer à l’élection de Donald Trump, a suffisamment d’argent pour imposer sa marque sur les élections de mi-mandat ou le processus de sélection des candidats interne au parti républicain.
Son point de vue sur les conséquences de la loi sur les finances des Etats-Unis est soutenu par de nombreuses études indépendantes et il a reçu l’appui de sénateurs attachés à la discipline budgétaire.
Mais des partisans de la loi et d’autres analystes indépendants estiment que le milliardaire pourrait découvrir que sa popularité au sein de la mouvance Trump dépend entièrement du bon vouloir de son versatile chef.
«Musk avait peut-être de l’influence en décembre quand il était en pleine +bromance+ avec Trump», remarque Donald Nieman, professeur en Sciences politiques à l’université Binghamton, dans l’Etat de New York.
«Mais avec son éloignement de Trump et son énorme impopularité auprès des électeurs, il est plus facile pour les parlementaires de l’ignorer. Cela aide plutôt Trump à prendre ses distances avec un homme devenu un paria.»