A Sintra, les banquiers centraux droits dans leurs bottes face à l’inflation

AWP

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La présidente de la BCE Christine Lagarde a exclu une pause dans la remontée agressive des taux déjà opérée depuis juillet dernier par les gardiens de l’euro.

Les grands banquiers centraux de la planète ont partagé mercredi leur inquiétude face à une inflation plus persistante que prévu qui les oblige selon eux à continuer à resserrer la vis monétaire, en dépit des risques pour l’économie.

Le président de la Réserve fédérale (Fed) Jerome Powell a laissé la porte ouverte à deux hausses supplémentaires consécutives des taux de la part de la banque centrale américaine dans les prochains mois, lors d’un débat achevant la conférence annuelle de la Banque centrale européenne (BCE) à Sintra, au Portugal.

La pause marquée lors de la dernière réunion de la Fed en juin risque donc de n’être que de courte durée.

L’inflation aux Etats-Unis reste supérieure à la cible de 2%, soit «loin d’un retour à la normale», a insisté le président de la Fed.

Durant la dernière réunion mi-juin, la majorité des membres du comité de politique monétaire (FOMC) ont estimé que les taux devraient être encore relevés par deux fois, a souligné M. Powell, sans préciser quand ce sera le cas ni si ces hausses seraient successives.

«La politique monétaire n’a pas été suffisamment restrictive et pour suffisamment longtemps», a-t-il martelé.

Il n’attend pas de retour de l’inflation sous-jacente (c’est-à-dire hors prix de l’alimentation et de l’énergie, NDLR) sous les 2% avant 2025.

Détermination face à l’inflation

La présidente de la BCE Christine Lagarde a de même exclu une pause dans la remontée agressive des taux déjà opérée depuis juillet dernier par les gardiens de l’euro.

Ce n’est «pas ce que nous envisageons pour le moment», a-t-elle déclaré lors du débat.

«Nous devons être aussi persistants que l’inflation est persistante», a-t-elle insisté.

La banquière centrale a répété qu’un nouveau relèvement des taux va se produire «très probablement» en juillet, car «nous avons encore du chemin à faire» pour revenir à la stabilité des prix.

De son côté, le gouverneur de la Banque d’Angleterre Andrew Bailey a justifié la dernière hausse de 0,5 point de pourcentage décidée la semaine passée, pour porter les taux à 5%, un sommet depuis octobre 2008 et la grande crise financière.

La BoE se permet ce coup de massue car «l’économie britannique s’est avérée résiliente», surtout au regard du marché du travail, tandis que les chiffres d’inflation montrent «des signes clairs de persistance», a-t-il expliqué.

«Je peux comprendre pourquoi il y a des critiques envers les banques centrales», mais «nous avons un travail à faire», a-t-il affirmé.

Volée de bois vert

«Les banquiers centraux réunis à Sintra cette année semblaient partager les mêmes inquiétudes quant à une inflation plus persistante que prévu», a tweeté Frederik Ducrozet, chef économiste de Pictet Management, présent à Sintra. Mais leur action féroce contre la hausse des prix agace en milieu politique.

En plus des brises de l’Atlantique, un soufflet est venu de la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, qui a critiqué mercredi la «recette simpliste» selon elle de la BCE consistant à augmenter les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, craignant que «le remède se révèle plus dommageable que la maladie».

La BCE a devant elle «une volée de bois vert à affronter car c’est ce dernier kilomètre qui est le plus difficile» avant de voir l’inflation amorcer un recul durable, estime un autre participant au forum, Ludovic Subran, chef économiste d’Allianz, joint par l’AFP.

Plus serein, le gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), Kazuo Ueda, qui doit pourtant gérer une inflation en hausse dans son pays, ne voit pas la politique laxiste des trois dernières décennies «changer de sitôt», alors que le principal taux directeur au Japon reste bloqué à -0,1% depuis plus de sept ans.

S’il fallait néanmoins opérer un virage, «le décalage des effets de la politique monétaire pourrait être d’au moins 25 ans», a-t-il ironisé.

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