Petit à petit, la Fed se prépare à l’impact de la politique de Donald Trump

AWP

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Le président de la Fed, Jerome Powell, avait refusé de se prononcer au lendemain de l’élection, alors que la Fed baissait ses taux pour la deuxième fois.

Comment envisager toutes les éventualités sans paraître commenter des décisions politiques? C’est le subtil exercice auquel s’est prêté le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed) Jerome Powell, en soulignant que son institution se préparait à l’impact économique du retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

Le point central concerne bien entendu les droits de douane, l’une des principales propositions de politique économique du président élu, qui a envisagé d’imposer 10 à 20% de droits de douane sur l’ensemble des produits entrants aux Etats-Unis, et même jusqu’à 60 voire 100% sur ceux venant de Chine.

Une telle décision viendrait relancer l’inflation, assurent de nombreux experts, ce que réfute Donald Trump, qui a répété que, «utilisés convenablement», les droits de douane peuvent selon lui avoir un impact positif sur l’économie américaine.

Mais, quel que soit l’effet, la possibilité de ce retour des droits de douane -- qui semble se concrétiser avec les premières annonces d’une imposition de 25% sur les produits en provenance du Canada et du Mexique -- vient apporter de «l’incertitude autour de l’inflation», a estimé mercredi M. Powell lors de sa traditionnelle conférence de presse.

Le président de la Fed avait refusé de se prononcer au lendemain de l’élection, alors que la Fed baissait ses taux pour la deuxième fois.

Mais cette fois, après une troisième baisse, il a laissé filtrer des éléments soulignant une certaine inquiétude.

«Nous n’avons aucune idée de ce qui sera taxé, provenant de quel pays et pour combien de temps. Nous ne savons pas s’il y aura des mesures de rétorsion. Et nous ne savons pas comment se fera la transmission vers les prix à la consommation», a détaillé M. Powell.

Ce qui n’a pas empêché la Fed d’envisager une inflation à 2,5% en 2025, alors qu’elle espérait 2,1% trois mois plus tôt, et un retour aux 2%, sa cible de long terme, début 2027 au mieux.

Et de n’envisager que deux baisses de taux l’année prochaine, de 25 points de bases chacune.

Objectifs divergents

«On a un peu le sentiment» que le FOMC, le comité de politique monétaire de la Fed, «a voulu envoyer un message à la fois aux marchés et à la prochaine administration», analyse Steve Englander, analyste chez Standard Chartered Bank.

Car si l’on regarde la position des membres du comité, «il s’agit d’une bascule remarquable. Nous sommes passés de trois personnes envisageant des risques inflationnistes en hausse à la précédente réunion à quinze lors de cette dernière», souligne pour sa part Aditya Bhave, économiste pour Bank of America.

«Il y a peu de raison de se montrer pessimiste» concernant la conjoncture économique «et pourtant ils ont choisi de l’être, c’est difficile de ne pas y voir un signal», insiste M. Englander.

Lors de sa conférence de presse, M. Powell a rappelé que parmi les membres du comité, «certains ont identifié l’incertitude politique parmi les raisons les incitant à envisager plus d’incertitude sur la trajectoire de l’inflation».

Les relations entre Jerome Powell et Donald Trump, qui l’a pourtant nommé à ce poste, étaient déjà fortement tendues, M. Trump accusant la Fed d’agir au bénéfice des démocrates durant la campagne présidentielle.

Plus encore, Donald Trump aimerait remettre en cause l’indépendance de la Banque centrale, énonçant régulièrement sa volonté de pouvoir avoir son mot à dire sur la politique monétaire.

Le milliardaire républicain affirme avoir «un meilleur instinct» sur les questions économiques que les responsables de l’institution, ce qui justifierait selon lui qu’il ait «au minimum» un droit de regard sur les décisions.

Difficile dans ces conditions de ne pas voir dans les propos de Jerome Powell mercredi une volonté de réaffirmer l’indépendance de son institution, lui qui a réaffirmé ces dernières semaines qu’il n’avait pas l’intention de quitter son poste avant la fin de son mandat, en 2026.

«Nous n’avons pas explicitement précisé qu’il existait une quelconque forme de désaccord entre la Maison Blanche et la Fed», reprend Aditya Bhave de Bank of America. «Mais nous pourrions rapidement nous retrouver dans une situation où les deux ne sont pas alignés quant à leurs objectifs».

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