Le moratoire sur la restructuration de la dette sous-utilisé en Suisse

Communiqué, Alvarez & Marsal

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«Le moratoire sur la restructuration de la dette peut garantir la continuation de certaines entreprises et de ses emplois», explique Alessandro Farsaci.

  • Le moratoire sur la restructuration de la dette améliore les perspectives de survie des entreprises en difficulté financière, et ainsi contribuerait à la sauvegarde d’emplois en Suisse. Cet instrument est particulièrement efficace pour combattre les effets de la pandémie du Covid-19.
  • En Suisse, le moratoire sur la restructuration de la dette est un instrument encore sous-utilisé. Entre janvier 2019 et septembre 2020, seules 100 entreprises suisses ont opté pour cette aide. Sur les 66 procédures ouvertes en 2019, 17 ont abouti à la sauvegarde de l'entreprise, alors que 21 procédures sont encore en cours.
  • Le nombre de moratoires sur les restructurations de dettes enregistré en Suisse de janvier à septembre 2020 représentait que 1,2% du nombre de faillites de la même année (contre environ 1,4% en 2019). Aux États-Unis, les procédures du chapitre 11 comparables à la procédure suisse représentait environ 14% des faillites d'entreprises en 2019.

Les mesures adoptées par le Conseil fédéral suisse et les autorités cantonales pour contenir la deuxième vague d'infections du COVID-19 nuisent à de nombreux secteurs, notamment l'hôtellerie, la restauration, le tourisme et le commerce stationnaire. S’il est vrai que le secteur du commerce de détail a pu rattraper quelque peu son retard depuis que les mesures ont été assouplies après la première vague, les mesures prises contre la deuxième vague risquent de causer un sérieux revers aux détaillants pendant la saison festive extrêmement importante pour le commerce de détail. La première vague de la pandémie a également laissé de profondes traces sur les industries de manufacture exportatrice. En plus d'une baisse déjà sensible de la demande de la majorité des entreprises de ce secteur, les effets à venir sont encore difficiles à évaluer.

En conséquence, il est à prévoir que de nombreuses entreprises subiront de sévères problèmes de liquidités et devront dans certains cas considérer le dépôt de bilan. Une nouvelle étude publiée par Alvarez & Marsal et la Swiss Turnaround Association suggère qu'un moratoire sur la restructuration de la dette peut être un instrument efficace pour sauver ces entreprises en difficulté et les emplois à risques.

L'étude révèle que les entreprises en difficulté financière attendent souvent trop longtemps avant de prendre les mesures nécessaires pour améliorer leur situation. La prise de conscience arrive souvent trop tard et laisse peu de marge de manoeuvre à l'entreprise, souvent contrainte à déposer son bilan.

Lorsque les premières alertes se manifestent en termes de manque de liquidité ou de surendettement, la direction devrait évaluer au plus vite les possibilités de restructuration et d’assainissement, notamment au travers d’un moratoire sur la restructuration de la dette comme solution possible.

Un mécanisme de restructuration et d’assainissement est prévu par la loi suisse dont l’objectif et d’aider les entreprises à gagner du temps et à les protéger contre les créanciers. Un moratoire sur la restructuration de la dette peut - dans le meilleur des cas – éviter aux entreprises la faillite et le licenciement leurs employés.

L’étude soulève toutefois que le moratoire sur la restructuration de la dette est encore peu connu des cadres dirigeants, et les solutions extrajudiciaires sont souvent privilégiées. En 2019, seules 66 entreprises suisses ont opté pour un moratoire sur la restructuration de la dette. Par rapport aux 4 691 faillites d’entreprises de la même période, l'instrument du moratoire sur la restructuration de la dette n'a été utilisé que dans environ 1,4% de toutes les faillites suisses. A titre de comparaison, aux États-Unis, les procédures du chapitre 11 comparables était dix fois plus (14%). Il y a donc un clair besoin de rappeler l’existence de cet instrument pour les situations de restructuration en Suisse afin de protéger les créanciers et les employés et de maintenir les activités opérationnelles.

17 (38%) des entreprises qui ont bénéficié d'un moratoire sur la restructuration de la dette en 2019 et pour lesquelles la procédure est maintenant achevée ont été couronnée avec succès, soit par une restructuration pure, soit par un concordat ordinaire avec leurs créanciers.

Dans 28 (62%) des procédures terminées, la société a cessé d'exister. Dans 5 cas, une solution a été trouvée, soit par une défaisance (c'est-à-dire que la partie saine de la société est devenue une entité indépendante), soit par le transfert de la société à un tiers.

Alessandro Farsaci et Tobias Fritsche, directeurs généraux d’A&M en Suisse, et spécialistes du domaine de la restructuration, commentent: «En Suisse, le moratoire sur la restructuration de la dette est relativement peu utilisé. Si les premières alertes financières sont évaluées soigneusement et objectivement à un stade précoce, le moratoire sur la restructuration de la dette peut garantir la continuation de certaines entreprises et de ses emplois. En particulier dans l'environnement économique difficile actuel, le moratoire sur la restructuration de la dette pourrait être un excellent instrument pour sauver les entreprises compétitives qui souffrent du choc lié au COVID-19».

De janvier 2020 à fin septembre 2020, 34 entreprises ont bénéficié d'un moratoire sur la restructuration de la dette. Si l'on extrapole linéairement ce chiffre à l'année, il se monte à 45 cas, soit une diminution de 30% par rapport à 2019. Cette diminution s'explique par les mesures de soutien additionnelles au COVID-19 du gouvernement suisse aux entreprises. En comparaison, le nombre de faillites d'entreprises a également diminué d'environ 20% en glissement annuel jusqu'en septembre. Par rapport aux 2’760 faillites de la même période, l'instrument de report de la restructuration de la dette n'a été utilisé que dans environ 1,2% de l'ensemble des faillites.

En plus des procédures habituelles, seules 22 entreprises ont utilisé la procédure simplifiée de moratoire COVID-19, une procédure simplifiée pour les petites entreprises dans des circonstances simples, qui était en vigueur jusqu'au 19 octobre 2020. Cela montre qu'une vague de faillites a été efficacement prévenue par les autres mesures COVID-19 adoptées par le gouvernement suisse jusqu'à présent. Les mesures comprenaient des crédit COVID soutenus par l'État, l'assouplissement de l'indemnisation du chômage partiel et la suspension temporaire de la notification de surendettement conformément à l'article 725 du Code des obligations suisse (CO).

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