La Fed en conclave pour un geste rare

AWP

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La Banque centrale américaine a débuté aujourd’hui une réunion monétaire à l’issue de laquelle elle devrait annoncer demain une baisse des taux malgré une croissance solide.

Pour la première fois en plus d’une décennie, la Banque centrale américaine devrait abaisser les taux d’intérêt mercredi, une mesure de précaution inhabituelle pour prolonger une croissance pourtant solide, sous la pression incessante de Donald Trump.

La Banque centrale américaine (Fed) a débuté mardi une réunion monétaire à l’issue de laquelle elle devrait annoncer mercredi une baisse d’un quart de point de pourcentage (0,25 point) des taux d’intérêt au jour le jour, estiment les économistes.

Le patron de la Fed, Jerome Powell, avait prévenu que la Banque centrale se tenait prête à soutenir la première économie du monde parce que l’inflation montre des signes de faiblesse, que l’économie mondiale est morose et que la guerre commerciale lancée par le locataire de la Maison Blanche crée beaucoup d’incertitudes qui découragent les affaires.

Jerome Powell, cible d’attaques personnelles répétées de la part du président, s’expliquera devant la presse mercredi à 18H30 GMT.

Il est peu probable qu’il réussisse à calmer les critiques de M. Trump qui est déjà en campagne pour décrocher un deuxième mandat, conscient de l’importance de la croissance pour sa réélection.

Les acteurs financiers estiment à 77% les chances pour que les taux soient abaissés dans la fourchette de 2% à 2,25%, selon l’évolution des produits financiers à terme surveillée par CME Group.

La croissance des Etats-Unis est pourtant encore solide (+2,1% au 2T) même si elle a ralenti et le taux de chômage est proche de son plus bas niveau en presque 50 ans (3,7%). Plusieurs indicateurs récents sont au vert comme les dépenses de consommation, l’évolution des revenus ou la confiance des ménages.

M. Powell devrait insister sur l’évolution des prix pour expliquer le geste de la Fed. L’inflation est trop basse au goût de la Banque centrale qui vise un objectif de 2% qu’elle estime sain pour l’activité économique.

Mardi, le ministère du Commerce a publié l’indice des prix PCE qui reste éloigné de cet objectif, à 1,4% en juin comme en mai.

La Fed devrait aussi donner une indication sur l’attitude qu’elle va adopter ensuite, à savoir patienter ou laisser présager une autre baisse dans la foulée.

Jusqu’ici, les prévisions moyennes de l’évolution des taux par les membres du Comité, publiées mi-juin et qui ne seront pas réactualisées avant septembre, ne projettent pas plus d’une modeste baisse jusqu’à la fin de l’année.

Pression continue

Donald Trump, quant à lui, continue d’appliquer la pression maximum sur la Banque centrale pour qu’elle réduise le coût du crédit.

Il a réitéré mardi devant des journalistes sur la pelouse de la Maison Blanche qu’il voulait «une forte baisse» des taux.

«Je suis très déçu par la Fed», a-t-il aussi lancé alors que l’institution réputée indépendante allait commencer sa réunion monétaire. «(Mon prédécesseur Barack) Obama avait des taux d’intérêt zéro», a-t-il dit.

La veille, l’hôte de la Maison Blanche s’est aussi plaint que l’UE et la Chine «vont à nouveau baisser les taux d’intérêt et injecter de l’argent dans leurs systèmes, ce qui facilitera la vente de leurs produits».

«En attendant, et avec une inflation très basse, notre Fed ne fait rien, et va sans doute faire bien peu en comparaison. Dommage!», a-t-il lancé dans un tweet.

Au sein du Comité monétaire, il n’est pas sûr que Jerome Powell parvienne à faire l’unanimité autour de cette décision concernant la baisse des taux.

Deux membres ont déjà indiqué leur réticence. Eric Rosengren, de l’antenne régionale de Boston, a déclaré qu’il ne voulait pas réduire le loyer de l’argent «si l’économie va parfaitement bien sans ce coup de pouce».

Il pourrait être suivi dans sa dissension par Esther George de la Fed de Kansas City qui a jugé récemment que la politique monétaire «était dans la bonne fourchette».

Plusieurs économistes craignent qu’une baisse des taux ne stimule indûment l’économie, en renforçant les risques d’une bulle financière, notamment du côté des emprunts des entreprises, ou en faisant resurgir l’inflation.

«Beaucoup voient dans cette baisse des taux le premier pas vers une nouvelle politique de stimulation d’une frêle économie. Je n’en suis pas si sûr», a déclaré Bill Dudley, l’ex-président de la Fed de New York dans un éditorial sur Bloomberg News mardi.

«Je pense qu’il y a une bonne chance pour que la Fed ne réduise pas ses taux avant un certain temps» ensuite, assure cet ancien responsable.

«Si l’économie maintient son rythme et que l’inflation accélère, la Banque centrale sera forcée de relever les taux à nouveau, un abrupt volte-face qui pourrait faire éclater la bulle qu’elle aura elle-même créée», a ajouté M. Dudley.

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