Genève souffre de ses restrictions à l’accès à la propriété

AWP

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«La solution ne peut passer que par un niveau plus élevé de construction, dans tous les segments de marché de l’immobilier résidentiel», selon une étude de Credit Suisse.

Le canton de Genève souffre d’une pénurie non seulement pour les logements locatifs mais aussi pour l’offre à la propriété et aurait intérêt à développer ce dernier secteur en particulier afin d’améliorer ses finances publiques, selon une étude de Credit Suisse. Pour la classe moyenne, l’accès à la propriété relève souvent du «mirage» au bout du Léman.

«La solution (aux problèmes de logement) ne peut passer que par un niveau plus élevé de construction, dans tous les segments de marché de l’immobilier résidentiel», relève l’étude publiée mardi.

Les auteurs pointent du doigt la tendance à nettement privilégier le marché locatif par rapport au logement en propriété dans les zones de développement (administrées par l’Etat) situées dans la couronne genevoise.

«Le retard de l’offre de logements en général est dû en partie à la forte réglementation du marché», a observé devant la presse Sara Carnazzi Weber, responsable des études du secteur suisse et régional pour la grande banque. «Chaque réglementation a des effets pervers qui amènent des correctifs et au final, le marché libre est étouffé.»

Corollaire, comme le rêve de propriété reste bien ancré dans la population, l’exode des résidents vers la France voisine et le canton de Vaud tend à s’accentuer. Avec son cortège d’effets néfastes pour Genève: transports engorgés ainsi que pertes fiscales et de consommation pour le canton.

Une autre étude, réalisée par la Haute école de gestion genevoise et l’Université de Genève, a évalué entre 530 et 700 millions de francs le manque à gagner annuel pour l’économie cantonale, lié aux dépenses de consommation, consécutif à l’exil des résidents, sans compter les pertes d’impôts.

L’amélioration du marché de la propriété par étage (PPE), segment sur lequel s’est concentrée l’étude, «revêt donc une importance stratégique pour le site de Genève», souligne la banque. D’autant que l’agglomération lausannoise s’est profilée, jusqu’en 2015 en tout cas, comme locomotive de croissance dans l’Arc lémanique, notamment dans des secteurs de pointe comme la recherche et le développement.

«Potentiel bridé»

Sur les dix dernières années, outre l’exode vers la région nyonnaise par exemple, plus de 20’000 personnes ont quitté le canton de Genève pour s’établir en France voisine. Genève, ainsi, ne parvient pas à capitaliser pleinement sur son dynamisme économique, lui qui compte pour plus de 7,2% du poids de l’économie nationale alors que sa population ne pèse que 5,8% du total suisse. Credit Suisse parle d’un «potentiel bridé».

La «crise du logement» sur Genève est certes médiatisée, mais essentiellement par le prisme du marché locatif, selon l’étude. «Les défis propres au marché de la propriété passent au second plan.» Cette situation peut s’expliquer par le faible taux de propriétaires du canton (18,5% en 2016, pour une moyenne nationale de 38,2%). En ville de Genève, la proportion ne dépasse pas 5%.

Or, l’intérêt de la population pour la PPE à Genève augmente plus fortement que pour la moyenne suisse. Il en résulte pour le canton un déséquilibre douloureux entre l’offre et la demande.

Les acquéreurs potentiels voient leurs espoirs rapidement douchés. Credit Suisse cite l’exemple d’un «couple marié typique» souhaitant accéder à la propriété. Entre 2004 et 2017, il aurait vu son revenu augmenter de 22%, pendant que les prix de la PPE du segment intermédiaire explosaient de 140%. Forcément, le couple est très tenté d’aller voir ailleurs.

Selon l’étude, favoriser la PPE dans les zones en développement de Genève serait en particulier bienvenu dans la perspective de l’abaissement programmé de l’imposition ordinaire du bénéfice des entreprises, qui devrait améliorer sensiblement l’attractivité du canton. Pour tirer pleinement profit de la manne fiscale issue des nouveaux contribuables - aux revenus appréciables - amenés par cette réforme, il conviendrait de résoudre le problème du «rationnement» de la PPE, plaide l’étude.