Une stratégie «tout terrain»

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

«Actuellement, la volatilité des indices cache des fluctuations sous-jacentes très importantes» estime Aurèle Storno de Lombard Odier IM.

En 2009, les indices LPP sombraient de 30%. Développée à la suite de l’expérience acquise dans le contexte des fonds de pension lors de la crise financière de 2008, la stratégie All Roads de Lombard Odier Investment Managers (LOIM), initiée en 2012, part du principe qu’une performance en yoyo n’apporte rien à une fondation de prévoyance dont le passif évolue régulièrement à la hausse car les apports la mènent à croitre tous les ans. Ce qu’il lui faut est une répartition du risque équilibrée sur un ensemble d’actifs très diversifiés. L’objectif est donc de lisser la performance au long des cycles économiques en cherchant à systématiquement limiter les baisses. La stratégie est complètement alignée aux intérêts de son émetteur et le fonds de pension du Groupe Lombard Odier y investit 25% de ses actifs. Entretien avec Aurèle Storno, responsable de l’équipe d’allocation d’actifs et gérant principal du fonds LO Funds–All Roads.

Quels sont vos objectifs?

Dans sa forme standard, la stratégie cible une performance égale à cash +4% (nette de frais) accompagnée d’une perte maximale de 10%. Pour les clients plus dynamiques, il existe une version Growth, lancée en 2017 dont la cible est de cash +7% accompagnée d’un budget de risque de 17,5%. Pour qui l’est moins, la stratégie se décline aussi de manière conservatrice avec une performance cible de cash +2% et un risque maximal de perte de 5%. 

«Le grand défi du multi-actif est de doser correctement
et d’être véritablement systématique dans la mise en œuvre.»
L’univers couvert est-il très vaste?

Il est particulièrement étendu et couvre l’ensemble des classes de risque liquides. J’insiste sur «liquide» qui est un critère absolument clé. Nos expositions peuvent donc inclure les actions des pays développés comme des grands pays émergents, les obligations des Etats les plus matures (US, Canada, zone euro, Royaume-Uni, Japon, Australie, Corée), le crédit tant européen qu’américain ou émergent, les matières premières (exception faite des denrées de base), toutes les formes de cash et les grandes devises (USD, EUR, GBP, CAD, JPY, AUD). Fidèles à notre principe de liquidité, nous excluons le private equity, l’infrastructure, le crédit illiquide et l’immobilier.  En outre, nous traitons l’equity sous forme indicielle, les matières premières par les dérivés et le crédit par les CDS ce qui nous donne accès à un univers très vaste, très liquide et … très peu coûteux, une particularité indispensable lorsqu’on applique un positionnement dynamique. 

Couvrez-vous également la volatilité?

Nous utilisons effectivement des instruments sur la volatilité – dont le coût de portage est potentiellement plus important – mais qui ont contribué à hauteur d’environ 3,5% à la performance dans les phases aigües du marché, au premier trimestre 2020. 

Votre gestion évoque un peu celle des hedge funds macro. Est-ce le cas?

La frontière entre gestion traditionnelle et gestion alternative est effectivement devenue plus floue. Le grand défi du multi-actif est de doser correctement et d’être véritablement systématique dans la mise en œuvre. Nous avons, à cet effet, construit nos propres modèles de gestion des pertes maximales et des mesures de corrélation. Nous usons aussi de quatre ou cinq types de mesures de la volatilité selon les actifs. 

«L’incertitude est à l’heure actuelle beaucoup plus élevée
qu’il y a un an, deux ans ou trois ans.»
Que mesurez-vous au moment de l’achat?

Une variété d’indicateurs intervient à travers nos différentes mesures d’analyse du risque et des tendances. Nos modèles de risques intègrent par exemple une notion de valorisation à travers des mesures de rendement: par exemple le ratio bénéfice/cours (earning yield) pour les actions, le rendement à maturité avec roll-down pour les obligations souveraines, le spread pour le crédit. En complément, nous utilisons les signaux de tendance pour augmenter ou diminuer les expositions en équilibrant les signaux de vente (volatilité élevée, valorisation chère) et les signaux d’achat (momentum). Au quotidien, nous définissons le «portefeuille idéal», le comparons au portefeuille réel et réallouons comme opportun. 

La rotation du portefeuille est-elle élevée?

Cela dépend des circonstances. Elle est parfois faible mais nous avons connu une rotation de 100% en 2 mois dans des cas particuliers. 

Comment absorbez-vous les chocs de marché?

Nous nous sommes orientés vers des approches CPPI1 qui nous conduisent à désinvestir assez rapidement pendant les crises pour contrôler la perte – puisque nous ciblons une perte maximale de 10%. Cela peut être efficace pour couper les pertes mais inefficace pour revenir sur le marché. Nous utilisons donc en parallèle d’autres indicateurs (risk-on-off, dispersion, rebond) qui nous permettent de reprendre du risque de manière dynamique et une fois encore systématique. 

Votre stratégie (en EUR) est offerte dans un grand nombre de classes. N’est-ce pas coûteux?

Nous offrons notre stratégie dans une multitude de monnaies (CHF, USD, GBP, JPY, etc.) avec couverture du risque de change systématique contre l’euro, notre monnaie de base. Le coût de couverture est très marginal, à peine quelques points de base par an.

Que pensez-vous de la volatilité actuelle?

Qu’elle est trompeuse. La volatilité des indices cache des fluctuations sous-jacentes bien plus fortes que ce que l’on perçoit en raison de la dispersion du marché. L’incertitude est à l’heure actuelle beaucoup plus élevée qu’il y a un an, deux ans ou trois ans et le risque de dislocation considérablement plus important. J’estime qu’être long sur la volatilité fait sens en ce moment. 

 

1 La gestion Constant Proportion Portfolio Insurance (CPPI), également connue sous le nom de « méthode du coussin », ajuste de façon régulière et dynamique l’exposition aux actifs risqués (sous-jacent de type actions, indices sur actions...) et non risqués (obligations, fonds monétaires...), afin d’assurer la protection du capital investi.

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