Robotique 2.0

Salima Barragan

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Pas de bulle sur la technologie de pointe, selon Johan Van Der Biest de Candriam.

Très loin de leurs prédécesseurs des années 2000, les robots de la seconde génération sont au croisement entre le matériel, les logiciels et l’Intelligence Artificielle. C’est en 2013 que l’IA et l’apprentissage automatique ou «machine learning» sont véritablement apparus, soutenus par une puissance de calcul jamais atteinte auparavant. Depuis, le secteur de la robotique est en effervescence. Le point sur une stratégie d’investissement liée à cette thématique avec Johan Van Der Biest, Deputy Head of Thematic Global Equity chez Candriam.

Pourquoi développez-vous une stratégie d’investissement associant la robotique et la technologie au sens large?

Nous estimons que les deux domaines se complètent. Le robot d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec son prédécesseur d’il y a 20 ans, programmé pour assumer une tâche unique. Les machines actuelles profitent d’un éventail de techniques existantes: les technologies vocales et cartographiques, la mécatronique, les capteurs avancés, la programmation depuis le cloud ainsi que l’Intelligence Artificielle. Grâce à l’association de ces avancées, les robots sont devenus multitâches; ils peuvent s’orienter dans un espace inconnu et sont aussi capables de s’améliorer par eux-mêmes grâce à l’apprentissage automatique. Enfin, ils sont capables depuis peu de travailler en équipe avec des humains sans les mettre en danger.

Lors d’un diagnostic du cancer du sein, le taux d’erreur de l’oncologue est de 3%. Celui de l’IA est comparable.
Mais si l’on combine les deux méthodes, la marge d’erreur est de 0,5%.
Votre stratégie affiche une progression de 200% sur cinq ans. Ce secteur de pointe n’arrive-t-il pas en zone de bulle?

Lorsque les tendances à long terme sont fortes, la question du timing devient moins importante. Notre stratégie suit trois tendances, qui sont peu liées à l’évolution géopolitique ou au climat macro-économique. La première est la révolution technologique, avec la loi de Moore, du nom de l‘ingénieur d’Intel qui a observé que la puissance de calcul double tous les deux ans. Comme c’est une fonction exponentielle, on s’aperçoit qu’aux alentours de 2013, on a assisté à un énorme progrès en matière de puissance de calcul et de capacité de mémoire, ce qui a permis à un grand nombre de technologies, dont l’IA, d’entrer sur le marché. L’IA existe en réalité depuis les années 50. Mais à cette époque, nous ne disposions ni d’une puissance de calcul suffisante, ni des bases de données nécessaires pour soutenir les algorithmes qui l’alimentent. La demande finale a ensuite explosé, tout comme la loi de Moore, ce qui explique les performances du secteur depuis quelques années.

Adhérez-vous à Elon Musk qui estime que l’IA va surpasser l’homme d’ici 5 ans?

Non, il ne faut pas être aussi pessimiste. Plutôt que de se baser sur l’un ou l’autre, nous arriverons à de meilleurs résultats en combinant l’Intelligence Artificielle à l’être humain. Par exemple, lors d’un diagnostic du cancer du sein, le taux d’erreur de l’oncologue est de 3%. Celui de l’IA est comparable. Mais si l’on combine les deux méthodes, la marge d’erreur tombe à 0,5%.

Les capitaines d'industrie vont investir dans le «machine learning» pour optimiser la production et diminuer les coûts liés à l’énergie.
Comment le vieillissement de la population a-t-il stimulé l’innovation dans les marchés asiatiques?

La combinaison d’une population plus âgée et la diminution de la population active nécessitera plus de robotisation et d’automatisation, tant sur le plan industriel que dans les services. Le Japon anticipe une pénurie de 400'000 infirmiers pour 2025, c’est pourquoi des sociétés technologiques japonaises développent des robots infirmiers comme le Robear, un prototype capable de soulever le patient de son lit et de l’installer dans un fauteuil roulant. La Chine, dont la population active a commencé à décliner, a aussi établi un objectif officiel pour la robotisation en 2025.

Selon une enquête que vous mentionnez, 75% des CEO de groupes industriels envisagent d’investir dans l’apprentissage automatique. Comment jouer cette thématique?

Les capitaines d'industrie vont investir dans le «machine learning» pour optimiser la production et diminuer les coûts liés à l’énergie. Nous voyons deux manières différentes d’y investir: d’une part, les outils, puces et semi-conducteurs avec Nvidia et AMX, qui fabriquent les composants utilisés dans les centres de données pour soutenir les algorithmes. Sinon, on peut également investir dans les entreprises qui sont en avance, les «early adopters», en utilisant le machine learning, qui  les dotera d’un avantage concurrentiel significatif.

Quelle est votre discipline de vente sur les sociétés de croissance?

Nous utilisons la méthode de valorisation DCF (Discounted Cash flow). Elle présente un désavantage pour les nouvelles sociétés dont l’historique est très court car leurs futurs revenus sur 5 ou 15 ans sont difficilement estimables. Cependant, nous avons acquis de l’expérience avec d’autres sociétés de croissance comme Google et Facebook à leurs débuts, ce qui nous permet de faire une extrapolation pour estimer la valorisation afin de comparer différentes sociétés de la même façon.