Retour de tendance en faveur de l’ESG en Amérique

Emmanuel Garessus

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Les propositions anti-ESG augmentent en volume, mais pas en soutien, tandis que les propositions environnementales et sociales sont en reprise, selon Kosmas Papadopoulos, d’ISS-Corporate.

Un retournement de tendance est en train de se produire lors de l’actuelle saison des assemblées générales (AG), et des votes par procuration (proxy), selon ISS-Corporate, un des leaders du conseil en gouvernance. Une reprise est en chemin pour les propositions environnementales et sociales d’actionnaires après un déclin qui a débuté après le pic de 2021. Par ailleurs, ISS-Corporate note que les propositions anti-ESG augmentent en volume mais pas en soutien. L’analyse porte sur les AG des sociétés membres de l’indice Russel 3000. Du début janvier à la fin mai 2024.

Il en ressort principalement que les propositions portant sur la gouvernance et la rémunération reviennent au centre de l’intérêt, avec 268 propositions jusqu’à la fin mai. Le taux de soutien médian s’élève à 34,9%, un niveau jamais vu depuis 5 ans, selon ISS-Corporate. 

Le volume des propositions environnementales a diminué à 130 (147 en 2023) et celui des sujets sociaux est demeuré stable (à 250). Mais le soutien des propositions environnementales et sociales est en légère hausse après deux années consécutives de baisse. Enfin les propositions anti-ESG augmentent en nombre mais leur soutien reste modeste. 

Kosmas Papadopoulos, Head of Americas Sustainability Advisory auprès d’ISS-Corporate, répond aux questions d’Allnews:

Quels pourraient être les moteurs de l'inversion de tendance en matière d’ESG? 

Sur le marché américain, où les propositions d'actionnaires sont très courantes, plusieurs facteurs peuvent influencer le niveau de soutien à ces résolutions, notamment le sentiment des investisseurs, les types de demandes soulevées par les partisans, les pratiques de l'entreprise, le caractère contraignant ou préventif, et les considérations et priorités des parties prenantes.

Dans cet environnement dynamique, une combinaison de facteurs a conduit à des changements significatifs dans les niveaux de soutien au cours des dernières années. Le sentiment des investisseurs et du marché en faveur d'une plus grande transparence a augmenté régulièrement au cours de la décennie précédente et a atteint son apogée en 2021. Cependant, à mesure que les entreprises répondaient à des attentes plus élevées et amélioraient leurs informations sur le développement durable et leurs pratiques de gouvernance, nous avons constaté des niveaux de soutien plus modérés en 2022 et 2023. En outre, les investisseurs ont dû faire face à des pressions politiques aux États-Unis en ce qui concerne leurs déclarations ESG. Un autre facteur qui a contribué à cette tendance est probablement le fait que certaines demandes des promoteurs de l’ESG ont pu sembler prescriptives ou prématurées par rapport à l'état d'avancement des efforts des entreprises.

«La pertinence économique reste une constante et le facteur le plus déterminant pour le soutien des investisseurs aux propositions d’actionnaires»

Ce que nous avons commencé à voir cette année, c'est que certaines des forces opposées se stabilisent à des niveaux plus stables, conformément aux tendances historiques.

Deux facteurs sont restés constants au fil des décennies: 1) la mesure dans laquelle la communauté des investisseurs reconnaît la pertinence économique et commerciale du sujet en question et 2) la question de savoir si les entreprises traitent suffisamment le risque économique associé.

Observez-vous la nouvelle tendance dans tous les secteurs et indépendamment de la taille des entreprises? 

Nous observons une certaine variation selon les secteurs. Toutefois, il est peut-être trop tôt pour dire si cela indique des changements dans des secteurs spécifiques.

En matière de rémunération, où les actionnaires placent-ils une ligne rouge à ne pas franchir?

Il s'agit d'une question plus large, qui ne fait pas nécessairement l'objet de notre récente publication. Dans le contexte des propositions d'actionnaires, nous avons vu cette année davantage de demandes portant sur les indemnités de départ et les accords de changement de contrôle (les fameux «parachutes dorés»).

Comment analysez-vous les tendances contradictoires entre un nombre élevé de propositions anti-ESG et un taux de réussite très faible?

La pertinence économique reste une constante et le facteur le plus déterminant pour le soutien des investisseurs aux propositions d'actionnaires, qu'une proposition soit perçue comme «progressiste» ou «conservatrice» d'un point de vue politique. Historiquement, les propositions qui se sont principalement concentrées sur les efforts de sensibilisation et les positions politiques (de tous les côtés de l'échiquier politique) n'ont pas obtenu un bon soutien de la part des actionnaires. Les propositions qui plaident en faveur du risque économique ou d'un niveau de transparence susceptible d'aider à la prise de décision en matière d'investissement ont généralement trouvé un écho plus favorable auprès des investisseurs.

La récente vague de propositions «anti-ESG» a tenté de soulever des considérations économiques, mais elle a surtout formulé ces questions dans le contexte d'un débat politique. Le faible niveau de soutien n'est donc pas surprenant et correspond aux tendances historiques des propositions hautement politisées. L'augmentation du volume est principalement due à la dynamique politique aux États-Unis et à la perception erronée, par certains, des efforts de durabilité des entreprises comme des déclarations politiques plutôt que comme des considérations de gestion des risques.

Pensez-vous que la tentative de renforcer les droits des actionnaires semble plus importante que les autres objectifs à l'heure actuelle? 

Les droits des actionnaires ont toujours été au centre des préoccupations des investisseurs. Dans le même temps, la transparence, la responsabilité et la gestion des risques sont des considérations tout aussi pertinentes.

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