Miser sur les entreprises capables d’emprunter de nouveaux chemins

Yves Hulmann

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Directeur de la Globalance Bank, Reto Ringger n’investit que dans des sociétés qui ont un impact positif en termes d’empreinte écologique.

Lorsqu’il a fondé SAM Group en 1995, Reto Ringger comptait parmi les rares gérants d’actifs spécialisés dans les placements durables en Suisse. Après avoir revendu cette société, qui s’adressait uniquement à une clientèle institutionnelle, au groupe néerlandais Robeco en 2008, Reto Ringger a poursuivi l’aventure en fondant la Globalance Bank, qui s’est concentrée cette fois sur les besoins des clients privés, de familles ou de fondations. Quelle est l’approche de l’établissement en matière de sélection des placements? Entretien avec Reto Ringger, fondateur et directeur de Globalance Bank.

Globalance prend en considération quatre tendances de fond – à savoir, la digitalisation, la crise climatique, la croissance et les ressources ainsi que la démographie – qui servent de fil rouge à son processus d’évaluation des investissements. Pratiquement, comment ces critères sont-ils utilisés pour sélectionner des placements?

Sur la base de ces quatre «megatrends», nous regardons quelles sont les entreprises qui fournissent des technologies ou des solutions qui répondent aux besoins qui résultent de l’une ou l’autre de ces tendances de fond. Souvent, il ne s’agit pas de grands groupes qui sont déjà leader dans leur branche. Ce sont fréquemment de prestataires très spécialisés qui disposent d’une technologie ou de compétences spécifiques pouvant répondre aux défis posés par l’un ou l’autre de ces «megatrends». 

«Nous cherchons à évaluer ce qu’une entreprise peut vraiment apporter
d’un point de vue environnemental ou social sur le long terme.»

Par exemple, si l’on parle de la mobilité du futur, nous savons que les véhicules auront besoin demain de beaucoup d’équipements électroniques spécifiques. Nous regardons d’abord quelles sont les entreprises qui fabriquent des puces électroniques, puis nous retenons ensuite les sociétés dont une part importante du chiffre d’affaires est consacrée à ce domaine, par exemple au moins 60%. Dans l’ensemble, notre processus d’investissement repose ainsi sur trois critères. Premièrement, nous tenons compte de ces différents megatrends. Deuxièmement, nous mesurons l’empreinte écologique de chaque investissement. Troisièmement, nous analysons bien sûr aussi les critères financiers classiques, tels que les résultats d’une entreprise, sa valorisation sur les marchés, etc.

Déléguez-vous une partie du travail d’analyse à des agences externes?

Non, nous avons notre propre approche d’évaluation. En comparaison de l’analyse effectuée par certaines agences spécialisée dans les questions de durabilité, Globalance utilise moins une approche de type «check the box». Au contraire, nous cherchons plutôt à évaluer ce qu’une entreprise peut vraiment apporter d’un point de vue environnemental ou social sur le long terme. Les entreprises dans lesquelles nous investissons doivent réellement avoir un impact positif en termes d’empreinte écologique. Il ne suffit pas qu’une entreprise soit juste un peu moins mauvaises que les autres sociétés de son secteur pour qu’elle puisse être intégrée dans les portefeuilles d’investissement que nous gérons. Les seuls critères d’exclusion ne suffisent pas - nous voulons savoir si une entreprise est capable d’emprunter de nouveaux chemins pour apporter des solutions à un problème donné.

«Le secteur financier est un ‘late mover’ en comparaison d’autres branches
de l’économie qui ont pris le virage de la durabilité beaucoup plus tôt.»
Que recherchent avant tout vos clients – de nouvelles idées d’investissement ou une sorte de feedback à propos de leur portefeuille en termes de durabilité?

Les deux choses ne s’excluent pas. Dans l’ensemble, je dirais que la plupart de nos clients souhaitent avant tout pouvoir mieux dormir avec leurs investissements! Tous nos clients ne sont pas à la recherche de la nouvelle entreprise de pointe active dans les énergies renouvelables ou d’une société capable de produire des aliments avec une meilleure empreinte écologique. Beaucoup de nos clients ont confié un mandat d’investissement à Globalance. Ils veulent surtout avoir confiance que nous fassions le travail de sélection correctement.

Des caisses de pension figurent-elles aussi parmi vos clients?

Nous en avons que très peu. Nous nous concentrons d’abord sur la clientèle privée, les fondations, des familles. Les fonds de pension ont, eux, une stratégie d'investissement complètement différente ainsi qu’un processus de décision différent et plus long que les investisseurs privés: ils doivent d’abord adapter le règlement de la caisse de pension, accumuler de l’expérience dans le domaine des placements durables. C’est pourquoi nous préférons rester concentrés sur le domaine des clients privés. Le monde de la prévoyance fonctionne différemment, avec d’autres règles.

«Certains clients ne s’intéressent pas spécialement aux questions de durabilité
mais ils souhaitent investir dans des thématiques qui ont de l’avenir.»
Lorsque vous avez créé SAM au milieu des années 1990, presque personne ne parlait alors de durabilité. Désormais, pratiquement toutes les banques et gérants d’actifs proposent des fonds ou des solutions consacrés à l’investissement durable. Craignez-vous une concurrence toujours plus vive dans ce domaine?

En premier lieu, nous nous réjouissons que toujours plus d’établissements s’intéressent à l’investissement durable. Beaucoup de banques ne se sont adaptées à cette tendance que sur le tard, et pas toujours tout à fait de manière volontaire. Certaines banques tiennent compte des critères ESG, d’une part, avant tout pour répondre à l’intérêt croissant d’une partie de leur clientèle pour l’investissement durable et, d’autre part, pour se conformer aux exigences définies par la régulation. Dans l’ensemble, on peut dire que le secteur financier est un «late mover» en comparaison d’autres branches de l’économie qui ont pris le virage de la durabilité beaucoup plus tôt. Par exemple, une partie du secteur automobile ou de l’industrie agro-alimentaire ont eu conscience beaucoup plus rapidement de ces enjeux.

Quel est le profil typique des clients de Globalance actuellement?

Il y a une grande hétérogénéité au sein de notre clientèle. Il y a aussi bien des personnes âgées que des jeunes. Beaucoup sont des femmes, soit 53%, ce qui est supérieur à la moyenne de la branche. Quel que soit leur âge ou leur parcours professionnel, nos clients veulent obtenir un bon rendement et que l’on fasse quelque chose de positif avec leur argent.

Parfois, il y a aussi certains clients qui ne s’intéressent pas spécialement aux questions de durabilité mais qui souhaitent investir dans des thématiques qui ont de l’avenir et diversifier davantage leurs placements de cette manière.

D’un point de vue géographique, nos clients proviennent de toute la Suisse et de quelques pays européens, de Scandinavie par exemple ou d’Allemagne, où nous avons un deuxième bureau à Munich, en plus de celui de Zurich.