Les marchés privés grands gagnants de la crise

Salima Barragan

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«Les investisseurs sur les marchés publics passent à côté d'opportunités», estime Maria Sala de BlackRock.

Lorsqu’une crise éclate, les actifs liquides comme les obligations et les actions sont sacrifiés en premier. Les marchés privés (le Private Equity, la dette privée et les infrastructures) - par nature illiquides - ont ainsi fait preuve d’une plus grande résilience en temps de crise. Ils capturent aussi mieux les secteurs d’activité émergents liés à la crise du Covid-19. Maria Sala, en charge de la clientèle institutionnelle sur la Romandie et le Tessin chez BlackRock, estime qu’ils sont également plus représentatifs de l’économie mondiale. Entretien

Quelles sont vos perspectives sur les marchés privés?

Depuis la crise financière, la taille des marchés privés a triplé, passant de 2,5 milliards de dollars en 2007 à 7,7 milliards à ce jour, ce qui représente 6,3% des marchés publics. Nous estimons qu’ils atteindront 14 milliards d’ici 3 ans. Le Covid-19 n’a pas changé nos hypothèses, il a au contraire accéléré cette tendance.

Pour quelle raison le Covid-19 a-t-il accéléré la tendance?

Les gestionnaires de portefeuille se sont séparés des obligations et non des actifs illiquides. Par ailleurs, nous avons observé que la crise n’a pas retardé la fermeture du 4ième vintage d’un programme infrastructure et que les promesses sont restées stables.  Nous avons même constaté un regain d’appétit pour les marchés privés qui se sont mieux comportés que les marchés publics.

Après la crise, les marchés privés étaient en première ligne
pour capturer les opportunités liées au Covid-19.
Comment les marchés privés ont-ils évolué lors du pic de la crise?

En mars, les marchés privés ont corrigé de -10% à -15%. Cette résilience est très loin des amples mouvements émotionnels enregistrés sur les marchés publics où la volatilité était bien plus accentuée.

Puis après la tempête, comment les marchés privés se sont-ils distingués?

Après la crise, les marchés privés étaient en première ligne pour capturer les opportunités liées au Covid-19. Par exemple, des sociétés de taille moyenne avec un besoin de refinancement favorisent la dette privée qui est souvent plus rapide à négocier que la dette classique.

Pour quelle raison les marchés privés sont-ils plus représentatifs de l’économie mondiale?

Une statistique américaine qui remonte de 1988 à nos jours a démontré une baisse de 40% des sociétés listées versus 12% pour les sociétés décotées et devenues privées. Cela signifie que pour une bonne représentation de l’économie, il faudrait avoir les deux types d’entreprises en portefeuille. Cependant, les marchés privés ont capturé les nouveaux secteurs d’activité émergents mis en relief par le Covid-19. Alors que le S&P 500 est composé de 25% d’entreprises technologiques, le poids d’entreprises dans la santé ou dans les nouveaux moyens de paiement est plus important dans l’univers du Private Equity et de la dette privée, ce qui donne au final une photo du monde économique plus fidèle.

La loi suisse plafonne actuellement l’exposition des caisses
de prévoyance aux investissements alternatifs à 15%.
Selon vos études, quel est le principal frein aux marchés privés?

Chaque fin d’année, BlackRock Institute effectue un sondage sur les intentions de changements d’allocations pour anticiper les tendances. En décembre dernier, 49% de nos clients institutionnels sondés envisageaient d’augmenter leur exposition sur les marchés privés. Cependant, la loi suisse plafonne actuellement l’exposition des caisses de prévoyance aux investissements alternatifs à 15% ce qui peut être contraignant pour les acteurs qui cherchent à avoir des revenus stables sur le long terme.

La motion déposée en 2015 au Conseil national pour que les infrastructures soient considérées comme une classe d’actifs à part entière pourrait-elle supprimer cette contrainte?

Oui, d’autant que les infrastructures se prêtent particulièrement bien au profil risque rendement des investisseurs institutionnels. Nous attendons que le Conseil Fédéral se prononce sur ce nouveau projet qui permettrait une exposition de 10% aux infrastructures, et donc une  part totale de la classe alternative de 25%.

Quels secteurs privilégiez actuellement au sein de la dette privée?

Avant la crise du Covid-19, nous avions déjà un positionnement conservateur sur les secteurs résilients tels que la santé, la technologie, les softwares et les services professionnels. Dans l’univers de la dette privée, c’est ce que nous nommons «la qualité». Nous n’avons donc pas changé nos perspectives à cause ou grâce au Covid-19.