Les investisseurs doivent revoir à la baisse leurs attentes de rendement

Yves Hulmann

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Pour Alexis Gray de Vanguard, la croissance économique restera inférieure à la tendance de long terme dans la plupart des pays industrialisés.

Globalement, l’économie mondiale évitera une récession en 2020, en dépit des ralentissements anticipés dans plusieurs régions du monde, selon Vanguard. Les investisseurs devront cependant s’habituer à des perspectives de rendement plus faibles ces prochaines années. Explications d’Alexis Gray, Senior Economist chez Vanguard.

Pour commencer par un thème d’actualité, comment évaluez-vous l’impact potentiel de l’épidémie de coronavirus sur la conjoncture mondiale?

En réalité, nous savons toujours encore très peu de choses à propos de l’évolution de cette épidémie. Est-elle en train de s’intensifier ou au contraire déjà en train de ralentir? Tout cela, nous ne le savons pas. Dès lors, en tant qu’économiste, il faut surtout s’attendre à ce que les marchés restent volatils ces prochaines semaines. Concernant la Chine, le gouvernement chinois est bien préparé et il dispose de tous les outils nécessaires pour affronter cette pandémie. Sur le plan macroéconomique, la Chine peut agir à la fois avec ses outils de politique monétaire et avec des mesures de relance fiscale pour contrer l’impact négatif de cette situation. C’est pourquoi, je ne vois pas cette épidémie comme le début d’un sérieux ralentissement de la conjoncture sur le plan mondial.

Avant même que le nom du coronavirus n’apparaisse sur les écrans, les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine étaient déjà un souci majeur pour les marchés financiers. Le début d’apaisement observé depuis l’automne dernier peut-il ramener le calme entre les deux pays?

Les Etats-Unis et la Chine sont deux économies majeures qui sont en concurrence sur de nombreux plans. Les droits de douane imposés par les Etats-Unis ne sont qu’un seul aspect des rivalités entre ces deux pays. Il y a aussi des tensions au sujet de la propriété intellectuelle, de la cyber-sécurité ou encore sur des questions plus politiques comme les droits humains.

Peu importe le gagnant de ces élections, il ne faut pas s’attendre
à un retour à la situation qui prévalait il y a trois ou quatre années.
La campagne présidentielle aux Etats-Unis risque-t-elle d’exacerber encore ces tensions ces prochains mois?

De manière intéressante, je pense que la campagne présidentielle va plutôt contribuer à apaiser, au moins momentanément, les tensions entre les deux pays. Pour être réélu, Donald Trump doit montrer qu’il est capable de réaliser des succès sur le plan économique. Il a donc tout intérêt à une désescalade de la situation.

Et après les élections?

Peu importe le gagnant de ces élections, il ne faut pas s’attendre à un retour à la situation qui prévalait il y a trois ou quatre années. Depuis l’automne dernier, les droits de douane ont certes cessé d’augmenter – pour autant, cela ne signifie pas qu’ils vont revenir au niveau où ils se situaient avant le début des tensions commerciales entre les deux pays. Les droits de douane se situent toujours en moyenne autour de 20%. Donc, je pense que le gouvernement américain va agir plus prudemment à l’avenir mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il signera la trêve avec la Chine sur le plan des droits de douane et des échanges commerciaux en général. Dans notre analyse de scénarios, il y deux scenarios possibles. Le premier, doté d’une probabilité de 40%, est que la Chine et les Etats-Unis vont conclure un accord de « phase 1 » mais que ces deux pays échoueront ensuite à s’accorder sur des questions plus structurelles. Le scénario plus négatif, avec une probabilité de 50%, serait, lui, caractérisé par une fin de la trêve entre les deux pays, avec les Etats-Unis qui continueraient d’imposer des droits de douane sur les importations d’autres produits en provenance de Chine.

Que faut-il attendre de la politique monétaire menée par les principales banques centrales?

S’agissant de la Fed, nous nous attendons une à deux baisses de taux d’intérêt au cours de 2020, avec un biais allant dans le sens d’une politique un peu moins accommodante. La Banque centrale européenne (BCE) devrait, elle, poursuivre sa politique monétaire avec un biais vers une politique un peu plus accommodante. Même chose pour la Banque nationale suisse. Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre devrait procéder à une baisse de taux. Quant à la Chine, ce pays utilisera d’autres outils de politique monétaire pour contrer le ralentissement de l’activité manufacturière.

Pour 2020, les ralentissements les plus marqués
concernent la Chine et les Etats-Unis.
Le recul des indices PMI, justement, a été un des phénomènes marquants entre la mi-2018 et l’automne 2019. Qu’attendez-vous pour la suite en Europe?

Pour la zone euro, nous anticipons une légère reprise mais pas davantage. Notre propre indicateur VLEI (Vanguard Leading Economic Indicator) montre quelques signes d’amélioration mais il se situe encore en territoire négatif. Globalement, il faut toutefois rappeler que la croissance de l’économie mondiale reste positive. Les ralentissements de l’économie anticipés pour 2020 dans plusieurs régions au monde ne sont pas une garantie de récession, si l’on peut s’exprimer ainsi. Pour 2020, les ralentissements les plus marqués concernent la Chine et les Etats-Unis. Nous attendons une légère reprise au Royaume-Uni, la zone euro et le Japon. Globalement, notre prévision de croissance mondiale pour 2020 est de 2,9%, ce qui est un peu faible mais aussi peu surprenant étant donné que l’économie ralentisse en fin de cycle.

L’été dernier, l’inversion de la courbe des taux aux Etats-Unis a fait l’objet de beaucoup d’attention. Est-ce le signal d’une récession imminente?

C’est juste un signal d’avertissement qui reflète les attentes des marchés. Il faut aussi se rappeler que le très faible niveau des taux longs à dix ans observé l’été dernier est intervenu au moment où les inquiétudes concernant la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis et au sujet du Brexit étaient les plus prononcées. Par ailleurs, si l’inversion de la courbe des taux est un signal très pertinent aux Etats-Unis pour anticiper une possible récession – il s’est vérifié dans 10 cas sur 11 depuis le milieu du siècle dernier -, c’est beaucoup moins le cas en Europe ou ailleurs. Globalement, il faudra compter avec une croissance économique restant en dessous de la tendance en 2020 dans la plupart des pays industrialisés.

Que cela signifie-t-il pour les marchés des actions?

Qu’il faudra revoir à la baisse les anticipations de rendements. Nous sommes déjà un peu plus prudents au sujet des actions compte tenu de valorisations sont déjà élevées, en particulier aux Etats-Unis, alors qu’elles restent plus raisonnables en Europe. A long terme, les perspectives pour les marchés des actions sont de toute manière plus sombres pour ces prochaines années. Alors que le rendement moyen des actions a été d’environ 11% pour les actions à partir des années 1980, il ne devrait plus atteindre qu’environ 5% durant la prochaine décennie. Nous n’encourageons pas les gens à prendre davantage de risques dans l’espoir d’obtenir de meilleurs rendements. Je pense plutôt que les investisseurs doivent revoir un peu à la baisse leurs attentes de rendement.