Attention danger. Celui-ci risque de se concrétiser à nouveau pour des entreprises, dont la valeur boursière a été poussée trop haut par le marché financier. La cause d’une forte baisse boursière est la spéculation qui l’a précédée. C’est pourquoi le fonds de placement global Arvy Equity, qui se concentre sur des valeurs de croissance de qualité, a considérablement réduit son exposition à des sociétés trop en vogue en 2024 et revêt un profil plus défensif, selon Thierry Borgeat co-fondateurs d’Arvy Invest. Ce fonds a réalisé une performance annuelle nette de 11,5% en dollars, de février 2019 à fin 2024.
Comment jugez-vous la situation boursière à présent?
Les valorisations sont élevées sous l’impulsion du «momentum investing», avec l’expansion des multiples, et le potentiel de déception est ainsi considérable. La présidence de Donald Trump pourrait entraîner une recrudescence de l’inflation et donc une remontée des taux d’intérêt et des coûts de refinancement. Une telle situation provoquerait, le cas échéant, une baisse des marchés boursiers.
En outre, Trump apparaît comme un «tariff man», c’est-à-dire celui qui veut augmenter les droits de douane. En cas de mise en oeuvre, les marchés baisseront, comme lors de sa précédente présidence. Cependant, l’indice S&P 500 affiche aujourd’hui un rapport cours-bénéfices (price-to-earnings ratio ou P/E) de 23x-24x contre 17,8x précédemment.
Sans compter d’autres raisons possibles, dont celle d’une surévaluation de différentes entreprises technologiques et qui, de ce fait, s’avèrent vulnérables. La saison des résultats a débuté d’ailleurs mi-janvier; des déceptions sont non seulement possibles à cet égard, mais s’agissant de dépenses d’investissement (capex) au-delà de ce qui est escompté.
S’agit-il notamment des «Sept Magnifiques»?
Un tel danger existe existe pour les «Sept Magnifiques» ou les valeurs technologiques américaines Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet (Google), Meta (anciennement Facebook), Nvidia et Tesla. A l’image de ce qui s’est passé avec des titres surévalués à la fin des années 90 lors de la crise asiatique, lors de de l’éclatement de la bulle internet au début du XXIe siècle ou lors de la crise financière de 2008-2009.
«Des baisses de 40% ou plus ne sont pas exclues pour des titres aux mutiples de valorisation trop élevés.»
Quels reculs attendez-vous pour des titres trop chers?
Des baisses de 40% ou plus ne sont pas à exclure pour des valeurs aux multiples de valorisation trop élevés. Parfois un effet de balle de tennis peut se produire après une forte correction. Ce n’est pas toujours le cas cependant; il faut quelquefois beaucoup de temps pour remonter la pente. Nous voulons l’éviter.
Nous restons fidèles à notre politique d’investissement, qui combine de solides fondamentaux avec un bon graphique sur le plan technique. Notre stratégie est d’acquérir de très bonnes entreprises, de ne pas surpayer pour elles et d’avoir un portefeuille concentré sur une trentaine de positions.
Quelles modifications de portefeuille avez-vous effectuées au second semestre 2024?
Nous l’avons rendu plus défensif, en renforçant notamment des positions comme Constellation Software, Wolters Kluwer ou Arthur J. Gallagher (courtage d’assurances); ce que reflète notamment un coefficient Beta (ndlr: la mesure de volatilité d’un titre par rapport à celle du marché) de 0,8. Nous avons réduit l’exposition à des valeurs technologiques dont l’expansion des multiples est trop marquée et donc insoutenable. De même l’avons-nous fait pour des entreprises du commerce de détail comme Walmart et Costco, dont les P/E dépassent respectivement 35x et 50x.
Par ailleurs, nous avons notamment vendu L’Oréal, dont la tendance haussière a été remise en question pour la première fois en 2024 depuis des années. Nous avons réduit graduellement les positions des actions pharmaceutiques Novo Nordisk et Eli Lilly.
Le rendement du cash-flow libre (FCF) de notre portefeuille est passé de 3,2% au début de 2024 à 2,9% maintenant. En comparaison, celui de l’indice S&P 500 a baissé à moins de 3% contre 4,1%.
Quelles sont les plus grosses positions actuelles?
Nos plus importantes positions sont à présent Constellation Software Inc (chaîne de logiciels en ligne), dont le taux de rétention de la clientèle atteint 90%, Wolters Kluwer (fournisseur mondial d’informations professionnelles, de solutions logicielles et de services) et Waste Management (gestion des déchets) ou UnitedHealth Group (couverture de soins, caisses maladie).
Ces entreprises semblent a priori «ennuyeuses», mais se révèlent très rentables et plus stables par exemple que Nvidia, le fabricant de puces destinées à développer l’IA, qui affiche un P/E de 50x mais est cyclique. Nous préférons, du reste, Broadcom à Nvidia.
Des actions à la mode comme Palantir Technologies ou d’autres valeurs technologiques sont chéries par le marché. En revanche, il «snobe» des actions «ennuyeuses» comme Coca-Cola ou PepsiCo et d’autres qui se transigent aujourd’hui en dessous de leur moyenne.
Comment se mesure la qualité de votre portefeuille en termes de profitabilité?
A fin 2024, la marge brute des entreprises en portefeuille s’élevait en moyenne à 56%, la marge opérationelle à 27%, la marge nette à 19%, le rendement des capitaux employés (ROCE) à 32%, et le l’effet de levier (endettement net sur le résultat brut d’exploitation EBITDA) à 1,2x. Soit des indicateurs meilleurs que ceux de l’indice S&P 500.
«Hermès demeure une marque iconique au-dessus du lot dans l’industrie du luxe.»
Vous détenez toujours Hermès International en porfeuille. Pourquoi pas Richemont?
Hermès demeure une marque iconique au-dessus du lot dans l’industrie du luxe. En comportant une forte valeur imaginaire et en ayant un pouvoir de fixation des prix inégalé vis-à-vis d’une clientèle fortunée. Richemont possède la marque fantastique qu’est Cartier. Cependant, le portefeuille de Richemont comprend également des marques moins rentables, qui diluent la rentabilité du pôle joaillerie et de ses figures de proue que sont justement Cartier et Van Cleef & Arpels. Nous dressons un constat semblable s’agissant de LVMH.
Et Ferrari?
C’est également une marque qui sort du lot automobile. Mais cette firme est trop chère en Bourse actuellement, avec un P/E a de l’ordre de 50x contre un niveau normal de 35x.
Décelez-vous des opportunités sur le marché suisse des actions?
C’est actuellement difficile sur ce marché à cet égard. Une société comme Givaudan nous intéresse, mais son P/E est supérieur à 30x. De même que Partners Group, une excellente entreprise, mais qui dépend considérablement des infrastructures concernant ses investissements. Ce qui nous incite à accorder un avantage à des acteurs du private equity comme KKR, Blackstone ou Ares Management.
D’autre part, nous avons sur le radar Nestlé, qui redevient peu à peu intéressante et un candidat à l’achat pour nous après une baisse de 40% depuis le début de 2022. A l’instar de Nestlé, nous gardons, à Wall Street, un oeil sur Johnson & Johnson, qui reste une entreprise attractive. On peut y ajouter Danaher ainsi que Thermo Fischer Scientific dans les domaines des sciences de la vie et diagnostics.