En comparaison historique, les taux de défaut demeurent modestes

Yves Hulmann

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Selon Brent Finck d’Aviva Investors, il est très peu probable que les notations se dégradent comme en 2008 et 2009.

Quel est l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur les obligations à haut rendement? Les obligations «high yield» sont-elles plus risquées compte tenu des turbulences qui affectent le secteur financier? Eléments de réponse avec Brent Finck, Global Co-Head Global High Yield chez Aviva Investors.

L’environnement de marché de ces dernières semaines a été marqué à la fois par différentes secousses qui ont affecté le secteur bancaire et par une évolution de l’inflation qui s’avère tenace dans certaines régions du monde, notamment dans la zone euro. Quelles sont vos attentes concernant la conjoncture et l’évolution des taux d’intérêt au cours des prochains mois?

Globalement, les risques de survenance d’une récession durant la première moitié de 2023 ont plutôt diminué en comparaison des attentes qui existaient il y a quelques mois. De même, beaucoup de chiffres indiquent que nous avons déjà passé le pic de l’inflation, aussi bien aux Etats-Unis que dans la zone euro. Cela dit, même si nous nous trouvons actuellement dans un processus de désinflation, celui-ci ne se produit pas aussi rapidement que ce qui était attendu. De plus, le marché du travail demeure suffisamment solide, en particulier aux Etats-Unis, pour justifier la poursuite de la trajectoire de resserrement des taux par Réserve fédérale (Fed). Les banques centrales restent ainsi très dépendantes des données et des statistiques qui sont publiées mois après mois. Dans l’ensemble, le ton adopté par les dirigeants des banques centrales est certes devenu plus «dovish» qu’il y a quelque mois mais chaque publication de données statistiques peut l’influencer dans un sens ou dans un autre.

Même si l’environnement macro-économique se détériorait davantage, il est très peu probable que les notations se dégraderaient comme en 2008 et 2009.
Comment l’environnement économique actuel affecte-t-il les perspectives pour le segment des obligations à haut rendement ou «high yield»?

Si l’on pouvait éviter une récession cette année, cela représenterait bien sûr le scénario le plus favorable. Un scénario d’atterrissage en douceur qui permettrait de revenir à un environnement de marché de type «Boucle d’or» («Goldilocks») serait le plus favorable, car il permettrait à l’inflation de redescendre sans que les entreprises ne souffrent trop d’un ralentissement de la conjoncture. Il ne faut pas oublier que beaucoup d’entreprises sont, aujourd’hui, encore en mode réparation dans la suite de la crise causée par la pandémie de Covid.

Observez-vous une augmentation des entreprises qui se voient attribuer des notations de mauvaise qualité en raison du ralentissement de la conjoncture?

Il faut relativiser la situation actuelle. Actuellement, la concentration de titres de dette dans la catégorie «CCC» reste toujours très inférieure à celle qui prévalait durant la crise financière globale (GFC). Même si l’environnement macro-économique se détériorait davantage, il est très peu probable que les notations se dégraderaient comme en 2008 et 2009.

Qu’en est-il de l’évolution des taux de défaut?

En comparaison historique, les taux de défaut demeurent encore modestes. Un taux de défaut de l’ordre de 4% correspond à la moyenne historique. En temps normal, soit en l’absence de crise particulière ou de récession, ce taux est d’environ 2%. En période de crise, on arrive à un taux situé dans la partie élevée d’un nombre à un chiffre ou dans la partie basse d’un taux à deux chiffres. Si un scénario de «soft landing» se confirmait, on peut s’attendre à un taux de défaut situé à un peu moins de 4%. Toutefois, plus les taux d’intérêt se maintiendront à un taux élevé pendant longtemps, plus il y a de chances que les taux de défaut augmenteront dans une fourchette de l’ordre de 4 à 5%.

Y a-t-il des secteurs qu’il vaut mieux éviter ou favoriser actuellement?

De manière générale, nous préférons éviter les emprunts de sociétés actives dans des secteurs très cycliques. Car s’il y a une véritable récession, il est clair que les consommateurs dépenseront moins. D’un autre côté, même à l’intérieur de ces secteurs, on peut trouver des opportunités intéressantes. C’est le cas notamment du secteur des loisirs. On voit par exemple que les sociétés qui exploitent des bateaux de croisière sont à nouveau pleinement opérationnelles et que la clientèle a envie de voyager.

Depuis l’annonce de la fermeture de la Silicon Valley Bank le 10 mars puis la déroute de Credit Suisse qui a conduit à l’annonce de son rachat par UBS, le secteur bancaire est fortement sous pression. Vaut-il mieux éviter complètement les emprunts du secteur bancaire – ou y a-t-il néanmoins d’éventuelles opportunités d’achat à saisir aussi dans ce secteur?

À ce stade, nous ne considérons pas cet épisode comme un risque systémique pour le secteur bancaire mondial. La situation actuelle du marché des banques est moins liée aux fondamentaux qu'à la confiance. La dislocation des prix des actifs a créé une opportunité pour plusieurs banques parmi celles qui sont bien capitalisées. Cependant, nous prévoyons qu'à l'avenir, cela conduira à des exigences plus strictes en matière de prêts, ce qui réduira en fin de compte la disponibilité du crédit. Cela augmente le risque de récession à l’avenir.

Compte tenu de la remontée des taux d’intérêt tout au long de 2022, il y a des obligations de degré investissement (Investment Grade, ou IG) qui offrent désormais des rendements à nouveau plus attrayants. Pourquoi faudrait-il investir les emprunts «high yield» actuellement?

Certes, les coupons offerts par les emprunts IG émis récemment sont beaucoup plus élevés qu’il y a un an. Toutefois, lorsque l’inflation se situe à des niveaux de de 6% ou plus comme cela a été le cas aux Etats-Unis et dans d’autres pays, il faut obtenir des rendements plus élevés avec vos placements pour ne pas perdre de l’argent en termes réels. Or, actuellement, il y a relativement peu de classes d’actifs qui offrent des rendements réels positifs. De mon point de vue, les emprunts «high yield» offrent une alternative raisonnable aux investisseurs en combinant un rendement attrayant avec un niveau de risque maîtrisable.

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