Eclairage sur la taxonomie européenne

Salima Barragan

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Le marché des Green Bonds est mené par la demande, estime Jovita Razauskaite de NN Investments Partners.

Vertes ou pas vertes? L’industrie manquait de standards pour qualifier avec certitude «la couleur» des émissions obligataires. Dans le cadre du Green Deal, la Commission Européenne a annoncé en janvier la mise en place de normes pour chaque industrie. Quelques mois plus tard, elle revient avec une version préliminaire de la taxonomie qui officialisera (normalement d’ici la fin de l’année) ses recommandations et qui régira un marché de 675 milliards d’euros. «Les Green Bonds sont l’outil ultime des sociétés pour la transition climatique», estime Jovita Razauskaite, co-gérante des stratégies d’obligations vertes chez NN Investments Partner. Eclairage.

Comment la taxonomie de l'UE, un outil destiné à aider les investisseurs et les entreprises à naviguer dans la transition climatique, fixe-t-elle les seuils des critères de sélection technique?

Elle fixe les seuils des différentes activités selon leur contribution à l'un des six objectifs environnementaux. Les activités ne doivent pas non plus nuire aux cinq autres objectifs. Les entreprises doivent également respecter les garanties minimales telles que les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales et les principes directeurs de l'ONU sur les entreprises et les droits de l'homme.

Un émetteur est-il tenu de fournir des informations sur l'impact?

Oui, l’émetteur est censé fournir ces informations.

Avant de rétrograder des obligations vertes, nous essayons dans la mesure
du possible de comprendre le sens des activités de l’entreprise.
Dans le cas où ces informations seraient incomplètes, comment ne pas tomber dans le piège du greenwashing?

Il s’agit du plus grand challenge. Il y a effectivement le risque que la stratégie générale d’une entreprise ne soit pas vraiment alignée sur les objectifs environnementaux. Pour éviter ce risque, nous évaluons les stratégies minutieusement. Nous contactons également les émetteurs afin de recueillir plus d’information que celles disponibles sur les prospectus d’émission.

Avez-vous déjà déclassé les obligations vertes à non vertes?

Oui, et cela montre bien la nécessité de surveiller les émissions toute au long de leur vie. Mais avant de rétrograder des obligations vertes, nous essayons dans la mesure du possible de comprendre le sens des activités de l’entreprise.

Le cigarettier Japan Tobacco International a émis une obligation verte. Mérite-elle vraiment cette appellation?

Nous excluons de facto les secteurs controversés comme le tabac. Cette émission est un non-sens ainsi qu’une position très difficile à expliquer à des clients. En effet, comment peut-on d’un côté faire du bien à l’environnement tout en faisant, de l’autre côté, du mal à la société?

 Dans son ensemble, l’offre est bien équilibrée
entre dette souveraine et corporative.
Comment le marché des obligations vertes évolue-t-il?

Ce n’est qu’en 2016, après la signature de l’accord sur le climat, que le marché a véritablement pris son essor. L’année 2019 avait été particulièrement riche en nouvelles émissions pour près de 200 milliards d’euros. Après la pandémie, les émissions non-financières d’entreprises telles que Coca-Cola ont explosé, stimulées par la mise en place de standards de marché plus clairs.  Des obligations gouvernementales hongroises, suédoises et allemandes ont été émises sur le marché primaire et nous attendons pour bientôt des émissions autrichiennes, espagnoles et portugaises. Dans son ensemble, l’offre est bien équilibrée entre dette souveraine et corporative.

Comment la pandémie – et les Corona Bonds qui sont venus avec – ont-t-ils affecté le marché des obligations vertes?

Les agences supranationales qui ont alloué des fonds pour la pandémie devraient remettre leurs émissions d’obligations vertes à l’année prochaine. De même, les émissions corporatives suspendues seront différées en 2021. Après une pause durant la pandémie, nous pensons qu’en 2020 les émissions retrouveront les niveaux de 2019 et que l’on verra aussi davantage de dette supranationale car l’Union européenne devrait financer un tiers de la dette.

Aux détracteurs des obligations vertes qui estiment que leurs rendements sont inférieurs à ceux des obligations classiques, que leur répondriez-vous?

Les performances de l’index des obligations vertes sont hautement corrélées avec l’index obligataire agrégé, ce qui va à l’encontre de cette intuition. Les répartitions sectorielles sont très proches si l’on considère le fait que les activités liées aux énergies fossiles sont exclues. Dans l’ensemble, le marché des Green Bonds qui est arrivé à maturité partage aujourd’hui les mêmes attributs que celui des obligations classiques en termes de crédit moyen, de maturité et de rendement.