«Une politique agressive des prix se retourne contre les assurés»

Philippe Rey

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Helsana préserve sa solidité financière à long terme et maîtrise ses coûts. Entretien avec son CEO Roman Sonderegger.

Le chef de file du marché suisse de l’assurance-maladie a pu l’an dernier contenir son ratio combiné (somme des charges d’assurance et d’exploitation en pourcentage des primes encaissées) à 100,7% pour le groupe, malgré la hausse des coûts des prestations dans l’assurance de base (LAMal). Et surtout grâce à la bonne rentabilité des assurances complémentaires pour la clientèle individuelle. Les exigences posées à des concurrents plus petits et dont la stratégie de croissance est agressive, deviendront toujours plus grandes, met en garde Roman Sonderegger, CEO du groupe Helsana.

L’année 2022 s’est révélée mauvaise pour Helsana avec une perte globale de 524 millions de francs…

Elle a été extraordinaire dans les bons et mauvais sens du terme. La guerre, la crise énergétique, une inflation élevée et des pertes sur les marchés financiers n’ont pas facilité les choses. Si le nombre de clients individuels a diminué de 84'000 dans l’assurance maladie de base (LAMal), une légère augmentation des primes a eu lieu dans les assurances complémentaires pour la clientèle individuelle. Et même dans le domaine de la clientèle entreprises, la rentabilité a pu être rétablie après de longues années d’efforts, et le seuil de rentabilité atteint. Ce que reflète un ratio de 99,5%, contre 105,7% en 2021.  

«Helsana demeure fortement capitalisé avec des fonds propres de 2,7 milliards de francs, qui représentent 35,0% des primes encaissées.»

En outre, nous avons abaissé l’an dernier notre taux de frais d’exploitation (ndlr: charges d’exploitation en pourcentage des primes encaissées) à 8,1%, contre 9,3% en 2021, ce qui correspond à -1,2 point de pourcentage et a un effet d’atténuation sur la future évolution des primes, en faveur des clients. C’est un pas considérable, après que ce taux a longtemps été au-dessus de 10%.

Finalement, Helsana demeure fortement capitalisé avec des fonds propres de 2,7 milliards de francs, qui représentent 35,0% des primes encaissées. Les provisions actuarielles se sont établies à 54,0% des prestations d’assurance.  

Que pouvez-vous dire au sujet de l’évolution des placements de capitaux?

Helsana fait mieux en 2022 que les indices de référence, mais l’année écoulée a été globalement mauvaise en ce qui concerne les marchés financiers, notamment avec une baisse corrélée des obligations et des actions; ces dernières représentant environ 20% des placements de capitaux à fin 2022, tandis que la part des obligations s’élevait à 60%.

Une grande partie de la baisse ou de la variation de l’ajustement d’évaluation l’an dernier, d’un milliard de francs, provient de pertes non réalisées, qui sont comptables et non pas permanentes. Depuis la clôture des comptes 2021, les obligations sont évaluées à la valeur du marché, hors intérêts courus.

Existe-t-il trop de concurrence sur le marché suisse de l’assurance-maladie?

C’est un peu un miroir à double face, certains étant de cet avis, qui est aussi le nôtre, d’autres jugeant qu’il y a trop peu de concurrents. Nous pensons que le processus de concentration n’est pas achevé. Cependant, il faut tenir compte du fait que plusieurs compagnies d’assurance-maladie sont détenues par des fondations, qui sont moins orientées vers la profitabilité que des actionnaires privés. C’est pourquoi la dernière transaction d’envergure en date, sous forme d’offre de reprise, a été en 2008 le rachat d’Intras par CSS à Vaudoise et Zurich Assurances.

«Il ne faut pas oublier le rôle joué par la Finma. Les exigences deviendront toujours plus grandes, ce qui compliquera la vie de plus petits assureurs-maladies.»

Par ailleurs, il ne faut pas oublier le rôle joué par la Finma (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers). Une certitude: les exigences deviendront toujours plus grandes, ce qui compliquera la vie de plus petits assureurs-maladies, surtout ceux qui privilégient une croissance agressive et une stratégie purement axée sur les prix bas. Avec les risques tant financiers qu’opérationnels que celles-ci se retournent contre leurs promoteurs et leurs assurés.

La différenciation pour Helsana s’effectue-t-elle par les assurances complémentaires?

Principalement, et au travers de produits différenciés et d’une digitalisation efficace. La différenciation est, en revanche, peu marquée dans l’assurance de base, bien que la qualité des contacts téléphoniques avec les clients, la facturation et la rapidité des paiements soient des éléments non négligeables.

La force financière constitue un autre atout. Helsana ne propose pas les primes maladies les plus basses, certes, mais cela évitera les mouvements de «yo-yo» que connaissent certains concurrents et un besoin soudain de provisions techniques supplémentaires. Helsana privilégie une bonne santé à long terme, qui est garante d’être un partenaire santé fiable.

Le ratio combiné de la LAMal a augmenté en 2022 de 2,9 points à 106,6%. Le ramener durablement à 100% ou mieux est-il impossible?

La tâche est difficile, assurément. Alors que pendant la première année 2020, marquée par le Covid-19, nous n’avons connu pratiquement aucune augmentation de coûts dans l’assurance de base, des effets de rattrapage se sont produits en 2021, causant une hausse des coûts des prestations supérieure aux années antérieures. De plus, le renchérissement en 2022 a dépassé d’environ 3,5% le niveau des dernières années.

Outre des coûts de prestations plus importants, des médicaments plus onéreux et des nouvelles thérapies destinées à des graves maladies, il a fallu tenir compte de ces évolutions, d’où l’augmentation des primes supérieure à la moyenne pour 2023.

Le ratio SST des activités d’assurances complémentaires (Helsana Assurances Complémentaires SA) et accident (Helsana Accident SA) s’élevaient respectivement à 378% et 375% à fin 2021. Qu’en est-il à présent?

Ils sont restés à ces niveaux.

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