Le droit du bail et ses effets secondaires lourds de conséquences

Communiqué, Raiffeisen

3 minutes de lecture

Avec la baisse des taux d’intérêt, acheter son logement sera bientôt de nouveau moins cher que de le louer.
  • L’immigration record et le recul persistant de la construction aggravent la pénurie de logements
  • Le droit du bail suisse conduit à beaucoup de fausses incitations et à un usage peu efficace de l’espace habitable qui se raréfie
  • Une allocation optimisée des surfaces permettrait de libérer 170’000 logements locatifs de 100 m² chacun

Le ralentissement de la dynamique des prix sur le marché immobilier de la propriété s’est poursuivi à la fin de l’année dernière. En l’espace de deux ans, la croissance des prix a fléchi de plus de la moitié en raison de la baisse de la demande depuis le revirement des taux, mais les premiers signes de stabilisation se font sentir. Le fait d’avoir atteint le pic des taux d’intérêt a quelque peu réduit l’incertitude des acheteurs. Reste à savoir si la croissance des prix passera en territoire négatif au cours de l’année.  Le nombre d’objets mis en vente est nettement plus élevé que pendant la pandémie. Dans ce contexte, il y a souvent un décalage entre les estimations de prix de vente et d’achat, les vendeurs restant sur leurs anciennes positions. Cela se voit clairement à la durée des annonces plus longue et baisse sensible des changements de propriétaire effectifs. «Avec la hausse des taux d’intérêt, les incitations financières à devenir propriétaire ont diminué car acheter est actuellement plus cher que louer. Mais cette situation ne sera que de courte durée, sans doute. Avec la perspective d’une baisse des taux directeurs à partir du deuxième semestre et d’une forte hausse des loyers, le coût du logement à usage propre devrait redevenir avantageux à moyen terme», explique Fredy Hasenmaile, chef économiste de Raiffeisen Suisse.

De sombres perspectives pour les locataires

Sous l’impulsion de l’immigration, qui a enregistré l’an dernier un record net d’environ 100’000 personnes, la population suisse croît à une cadence élevée. Ainsi, la demande de logements augmente justement à un moment où la construction stagne au niveau le plus bas depuis 20 ans. Les phénomènes de pénurie s’accentuent dans un nombre croissant de régions. Ainsi, dans toute la Suisse, le nombre de biens mis en vente a diminué de moitié en seulement un an et demi. En revanche, la croissance annuelle des loyers s’est accélérée pour atteindre 4,7% en moyenne. L’excédent de logements vacants de la dernière décennie s’étant lentement résorbé, de nombreux locataires n’ont d’autre choix que de mettre la main à la poche. Les difficultés à trouver un bien immobilier ainsi que la hausse rapide des nouveaux loyers ne disparaîtront pas de sitôt du marché de la location.

Malgré cela, le secteur de la construction ne réagit pas. «Manifestement, les perspectives d’investissement ne sont toujours pas suffisantes pour surmonter les problèmes structurels dominants en matière de logement, à savoir une pénurie aiguë de terrains à bâtir et une densification à la traîne. Dans un avenir proche, la hausse des loyers dépassera le renchérissement général, malgré le fait que les taux d’intérêt soient déjà en train de baisser», estime Fredy Hasenmaile. Il n’y a de bonnes nouvelles que pour les locataires fidèles. Après avoir atteint le pic des taux d’intérêt et face aux perspectives de baisse prochaine des taux directeurs, fort est à parier que la hausse du taux hypothécaire de référence du mois de décembre dernier soit aussi la dernière pour l’instant.

Une mauvaise allocation grotesque

Le droit du bail en vigueur fige les loyers au prix fixé lors de la conclusion du contrat et ne laisse que peu de marge de manœuvre. Cette réglementation protège certes d’une part les locataires de longue date contre une augmentation des frais. Mais d’autre part, l’écart entre les nouveaux loyers proposés et les anciens loyers établis par le passé se creuse au fil du temps. Cela n’est pas sans effets secondaires: ces différences de prix, particulièrement marquées dans les agglomérations, engendrent de fausses incitations, les ménages étant pénalisés et non pas récompensés en cas de réduction de leur surface habitable. Même après une courte durée de location, le fait de passer à un appartement un peu plus petit avec un nouveau loyer revient plus cher que de conserver l’appartement précédent. Par conséquent, la diminution de la surface habitable n’a pas lieu. «Les seniors notamment occupent souvent des appartements trop grands pour leurs besoins. Plus de la moitié des locataires de plus de 60 ans disposent en tout cas de deux pièces de trop par rapport au nombre de membres que compte leur ménage», explique Fredy Hasenmaile. Par ailleurs, ces ménages sont de plus en plus nombreux. Cela explique que la consommation moyenne de surface habitable par personne ne cesse d’augmenter: elle représente 46,6 m² à l’heure actuelle.

Dans le même temps, le nombre de ménages qui doivent s’entasser dans des logements suroccupés continue de croître, lui aussi. Les fausses incitations entraînent en outre des résiliations collectives de baux d’habitations et une trop faible mobilité des locataires. Avec la forte croissance prévue des nouveaux loyers dans les années à venir, ce problème s’aggravera encore. Aujourd’hui déjà, le potentiel d’optimisation que représente une meilleure allocation est énorme. Dans son étude sur le marché immobilier, Raiffeisen Economic Research constate que dans la mesure où tous les logements locatifs ne comportaient qu’une pièce de plus que le nombre de personnes vivant dans le ménage, la consommation de surface «idéale» ne s’élèverait plus qu’à environ 38 m² par personne. Une allocation plus efficace des surfaces résoudrait non seulement le problème de la sur-occupation, mais libérerait en plus 170’000 logements locatifs de 100 m² chacun. Cela permettrait de créer des logements pour près d’un demi-million de personnes grâce à une meilleure utilisation du parc immobilier locatif et donc d’atténuer en grande partie la pénurie croissante de logements, sans qu’il soit nécessaire de construire un seul nouveau bâtiment. «Compte tenu de cet énorme potentiel inexploité, il serait opportun, notamment d’un point de vue écologique et social, d’une part de remédier aux causes de la mauvaise allocation de la surface habitable, qui sont liées au droit du bail et, d’autre part, de lancer une réflexion courageuse sur la manière de réaliser un transfert de surface judicieux», suggère Fredy Hasenmaile.

A lire aussi...