Les espoirs de l’Inde sur le solaire s’amenuisent, mais ne s'éteignent pas

Yi Hu, Fidelity

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Deux ans après ses objectifs solaires ambitieux pour 2030, l’Inde, malgré des défis, voit son économie robuste soutenir la croissance du secteur solaire.

Dans le village de Modhera, au nord-ouest de l’Inde, le Temple du Soleil, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, ne dépend plus que de l’énergie solaire grâce à la nouvelle centrale photovoltaïque du village. Cette transformation qui souligne les ambitions de l’Inde en matière d’énergie solaire a fait les gros titres des médias internationaux. Toutefois, les plaintes d’habitants de régions voisines, comme Sujanpura, concernant la perte de leurs pâturages, sont juste un exemple des difficultés qui jettent une ombre sur les nombreux projets solaires qui rayonnent dans le pays.

Malgré ces obstacles, Amit Goel, gérant de portefeuille actions chez Fidelity International, estime que le pays surmontera ces difficultés temporaires et trouvera finalement sa place au soleil en tant que géant de l’énergie solaire.

«Nous parlons ici de la grande économie mondiale qui croît le plus rapidement, avec une envie particulièrement forte d’énergie renouvelable et une industrie solaire bénie par la nature», précise Amit Goel. «Je vois de nombreuses opportunités d’investissement tout au long de la chaine de valeur du pays.»

Riche en soleil

Le produit intérieur brut nominal de l’Inde devrait croître de plus de 6% par an dans les années à venir. S’appuyant sur ses 300 jours de soleil par an, le pays dispose d’un potentiel d’énergie solaire qui pourrait dépasser sa demande totale en électricité. En novembre 2021, le Premier ministre Narenda Modi a fixé un objectif de 500 gigawatts de capacités d’énergie renouvelable pour 2030, dont 280 gigawatts d’énergie solaire, ce qui placerait la production nationale au deuxième rang derrière la Chine. Toutefois, les conflits fonciers et la dépendance excessive aux produits chinois entravent les progrès, avec seulement 72 gigawatts de capacités solaires en novembre 2023, un résultat inférieur à l’objectif de 100 gigawatts pour 2022.

Si de nombreux projets sont en cours, beaucoup de grands parcs photovoltaïques connaissent en effet des retards. Dans l’Etat du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, un projet de 2 gigawatts est perturbé par des litiges, tandis que trois parcs solaires d’une capacité totale de 1,3 gigawatt dans la province de Jaisalmer, au nord-ouest, souffrent de retards en raison de préoccupations sur la préservation de l’outarde à tête noire, une espèce d’oiseau indigène.

Produits chinois

La quête de l’Inde d’un secteur solaire autosuffisant, qui réduirait sa dépendance vis-à-vis de l’industrie chinoise, est confrontée à certains défis. Le gouvernement indien a imposé des restrictions sévères pour décourager l’utilisation de produits solaires chinois.

L’Inde a imposé une taxe à l’importation de 40% pour les panneaux solaires et de 25% pour les cellules photovoltaïques, le gouvernement espérant que ces niveaux soient assez punitifs pour stimuler la production locale. Dans une certaine mesure, cette stratégie fonctionne, mais il faudra de nombreuses années avant que les entreprises indiennes parviennent à combler le déficit en produits chinois.

Au cours des derniers mois, la demande en électricité a parfois dépassé l’offre maximale d’électricité du pays. L’Inde dépend actuellement des importations pour pratiquement tout son pétrole brut, ainsi que pour environ la moitié de ses besoins en gaz. En comparaison, les importations chinoises sont inférieures à 80% pour le pétrole brut et à 40% pour le gaz.

«La sécurité énergétique est très haut placée sur la liste des priorités du gouvernement indien», ajoute Amit Goel. «Développer un secteur solaire important pourrait contribuer à réduire la dépendance aux importations énergétiques du pays.»

Le gouvernement s’est montré prêt à faire preuve de souplesse dans son action politique à court terme pour tenir compte des retards. Cette souplesse renforce l’optimisme quant à la capacité de l’Inde à surmonter les obstacles à court terme dans son chemin vers l’énergie solaire, selon l’analyste de Fidelity dans le secteur de l’approvisionnement en électricité, Yatin Matta.

«Aucune des difficultés rencontrées jusqu’à présent n’est assez importante pour empêcher l’Inde de développer au maximum son secteur solaire», ajoute Yatin Matta. «L’essor des énergies renouvelables mené par les entreprises d’approvisionnement en électricité peut être retardé, mais il ne sera pas arrêté.»

Opportunités de croissance

Amit Goel comme Yatin Matta voient des opportunités de croissance tout au long de la chaine de valeur solaire indienne, comprenant la production, la transmission et la distribution d’électricité, la fabrication de modules, l’ingénierie et la construction, le stockage de l’électricité et le financement de l’énergie renouvelable. Parmi les producteurs, plusieurs grandes sociétés prévoient de maintenir une croissance à deux chiffres de leurs capacités en énergie solaire pendant des années, bien que certaines semblent montrer les signes d’un développement trop agressif, au détriment de leurs marges bénéficiaires.

La transmission, en particulier dans les Etats très ensoleillés comme le Rajasthan et le Gujarat, est promise à une forte demande, l’électricité solaire étant acheminée au travers des réseaux nationaux. Malgré des retards dans la réforme de la distribution d’électricité en raison de la sensibilité politique du sujet, les grandes sociétés de distribution devraient en bénéficier après les élections de 2024.

Les fabricants indiens de modules, de cellules et de plaquettes solaires se développent rapidement, même s’ils restent à la traîne des producteurs chinois. Avec le temps, le secteur solaire indien devrait devenir suffisamment important pour illuminer non seulement le village du Temple du Soleil, mais aussi ses régions voisines et une grande partie de cette vaste nation.