La facture de la neutralité carbone est-elle inflationniste?

Nicolas Mougeot, Indosuez Wealth Management

1 minute de lecture

La publication du rapport du GIEC et la COP26 nous ont rappelé l’urgence climatique à laquelle nous sommes confrontés. Le coût pour atteindre le Net Zéro: 150'000 milliards de dollars. Quelle pourrait en être l’incidence sur l’inflation?

Si aucune mesure n’est prise, une récente étude de Mukherjee et Ouattara (2021)1 tend à démontrer un lien fort entre réchauffement climatique et inflation, du fait de l’impact significatif que la hausse des températures et les émissions de gaz à effet de serre peuvent avoir sur le prix des produits agricoles ou sur l’augmentation des frais de santé.

Si nous agissions collectivement pour atteindre l’objectif «zéro émission nette» de CO2, cela pourrait nécessiter jusqu’à 5000 milliards de dollars par an au cours des trente prochaines années, soit un total de 150'000 milliards ou près de deux fois le PIB global.

L’impact de la transition énergétique sur l’évolution du prix des biens et des services est encore mal connu, car celle-ci dépendra de deux facteurs: les mesures prises par les États pour la financer et la capacité des entreprises à s’adapter. En effet, d’un côté, limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, comme s’y sont engagés les membres du G20 en 2021, ne se fera pas sans mécanismes contraignants fondés sur le principe de pollueur-payeur, telle une taxe carbone élargie. De l’autre côté, la transition énergétique constitue une formidable opportunité d’investissement, et donc une source de croissance économique supplémentaire. La COP26, par exemple, a mis en avant les véhicules électriques comme une des solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Alors que leur présence était marginale il y a seulement dix ans, les véhicules électriques représentent près de 5% des nouveaux véhicules vendus et devraient devenir majoritaires d’ici 2035. Ce succès est dû à une combinaison de fiscalité attractive et d’avancée technologique qui a permis de baisser significativement le coût des batteries tout en augmentant leur capacité.

Le passage aux véhicules électriques va toutefois décupler les besoins en électricité «verte». Or, 2021 nous a rappelé que la production d’énergie renouvelable était sujette aux aléas climatiques, que ce soit la présence de vent dans la mer du Nord ou le niveau des barrages aux États-Unis. Le prix de l’énergie pourrait donc rester non seulement élevé, mais aussi volatil. Cela pourrait avoir comme conséquence une hausse marginale des prix, ainsi qu’une augmentation plus significative de la prime de risque d’inflation qui pourrait affecter négativement la croissance, car les entreprises pourraient réduire leurs investissements face à une plus grande incertitude.

Au final, les gros investissements induits par la transition énergétique devront se traduire alternativement par une baisse de rentabilité et par une hausse des prix de l’énergie qui pourrait a minima conduire à une réallocation des paniers de consommation.

L’inflation est restée faible ces 20 dernières années grâce notamment à des facteurs de long-terme tel que le vieillissement de la population, la globalisation des échanges commerciaux ou encore les avancées technologiques. Elle pourrait néanmoins à long terme revenir proche ou au-dessus des cibles d’inflation des banques centrales, notamment du fait de la nécessaire transition énergétique et son impact sur les prix. Les autorités monétaires devront donc s’assurer que l’inflation reste non seulement contenue, mais aussi prévisible, afin de garantir aux entreprises un environnement économique stable.

 

1 Voir Mukherjee, K., Ouattara, B., «Climate and monetary policy: do temperature shocks lead to inflationary pressures?», Climatic Change 167, 32 (2021).