Deux baisses de la Fed cette année?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Chine, Mexique, à qui le tour?

Le rally obligataires auquel nous assistons depuis le début de l’année vient de prendre de la vitesse. Les craintes de guerre froide commerciale avec la Chine puis les menaces d’une guerre semblable sur un autre front, le Mexique, ont agi comme l’accélérateur d’un mouvement inexorable vers des taux plus bas. Elles ont été amplifiées le 30 mai lorsque Monsieur Clarida, vice-Chairman de la Fed, a évoqué la possibilité d’une baisse de taux si les perspectives économiques venaient à s’assombrir. Aujourd’hui, la courbe des taux des Treasuries nous envoie deux messages: le risque de récession est bien réel et la Fed va devoir baisser ses taux très rapidement. 

Le 10 ans est passé sous la barre de la borne basse des Fed funds (2,11% contre 2,25%), le 30 ans flirte avec la borne haute (2,55% contre 2,5%) et la partie courte de la courbe (2 ans à 1,88%, 5 ans à 1,89%) se situe à 50 points de base au-dessous du taux directeur moyen (2,375%). Ces 50 bp sont le signal d’une anticipation de baisse de la Fed de plus grande ampleur que celle à laquelle nous étions préparés. 

Les marchés estiment qu’il y a 60% de chances
que la baisse de la Fed intervienne le 31 juillet.

Aujourd’hui, les marchés estiment qu’il y a 60% de chances que la baisse de la Fed intervienne le 31 juillet. A ce jour, personne n’est préparé à une baisse de 50 bp d’un coup et le scénario central plaide plutôt pour deux baisses de 25 bp chacune avant la fin de l’année. Il y a toujours une inversion de la courbe mais nous estimons désormais que les inversions «classiques», 2-10 ans ou 5-30 ans risquent de ne pas avoir lieu. Car tout est allé très – voire trop – vite! 

Nous maintenons notre conviction que le 10 ans peut aller à 2% mais avec des taux à 2 et 5 ans qui se maintiendraient plus ou moins sur leurs niveaux actuels. Signe supplémentaire que la baisse de la Fed est jugée imminente, le 2-5 ans n’est plus inversé. Toutefois, il faut rester prudent car le 10 ans a atteint brièvement 2,069% hier matin, très proche du niveau-clé de 2,063% (retracement Fibonacci monthly de 61,8 entre 3,276% et 1,314%) et une pause, voire un léger rebond, dans cette détente ne serait pas un phénomène anormal. Le prochain objectif du 10 ans serait ensuite 1,77% mais il faudrait un scénario catastrophe (dégringolade de Wall Street?) pour atteindre un tel niveau. 

Les esprits les plus tourmentés pourraient voir dans ce rally la victoire de Trump dans son bras de fer avec la Fed. Le Président réclamait à cor et à cri un assouplissement monétaire mais comme la banque centrale faisait la sourde oreille, la Maison Blanche, en quelques tweets, a propulsé les taux courts 2-5 ans vers des niveaux qui ne vont pas lui laisser le choix ! Une chose est sûre, le mois de mai est derrière nous : il laissera une trace que l’on peut résumer en deux chiffres, +2,46% et -6,58%, soit les performances mensuelles respectives de l’indice Bloomberg-Barclays US Treasury total return et de l’indice S&P 500. Il fallait vendre en mai et acheter des obligations du Trésor!

La BCE après-demain

Certes, vendredi, nous aurons les yeux rivés sur les chiffres de l’emploi US mais l’événement de la semaine sera sans nul doute la réunion de la BCE jeudi. Pour l’Irlandais Philip Lane, ce sera le baptême du feu en tant que membre du Directoire et successeur de Peter Praet au poste de chef économiste. Nous allons surtout tenter de déceler dans le discours de Mario Draghi le moindre changement de ton après les nouveaux épisodes de guerre commerciale assortis de leurs menaces sur la croissance mondiale. 

Si la courbe des taux US est révélatrice, le Bund n’est pas en reste et s’affiche à -0,21%. Il a même atteint -0,219% vendredi matin, battant le record absolu du 6 juillet 2016 à -0,205%. La pression est donc également sur les épaules de la BCE qui va devoir agir. Dans un premier temps, comme nous l’avions évoqué la semaine dernière, elle devrait être en mesure de dévoiler les contours du TLTRO III. 

Le secteur bancaire européen,
malmené récemment, pourrait reprendre des couleurs.

En fonction des différentes modalités techniques, les marchés vont tenter de déceler une volonté de la banque centrale de Francfort de prendre un virage accommodant supplémentaire. Le secteur bancaire européen, malmené récemment, pourrait également reprendre des couleurs. Mais il s’agira surtout pour Mario Draghi de repousser le plus loin possible l’échéance inéluctable, celle de l’annonce d’un QE2. Apparemment, un délai de cinq mois semble trop court entre l’abandon du QE et son redémarrage. 

Les crédits européens de grande qualité, éligibles au CSPP2 potentiel, sont donc très recherchés. Le Bund l’est également, mais pour d’autres raisons. Affichant un rendement de -0,2% il est vrai que l’investissement n’est pas très attrayant mais pour les investisseurs basés en dollars US, «piégés» par le rally du 10 ans Treasury, acheter du Bund et le couvrir en dollars offre un rendement combiné (taux + impact de la couverture de change) proche de 3%. Tant que la Fed ne baisse pas ses taux, cette stratégie continuera à attirer les investisseurs internationaux.

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