Vers un assouplissement désynchronisé des politiques monétaires

Clémentine Gallès, Société Générale Private Banking

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Les marchés financiers font état d’un léger regain de volatilité du fait de tensions sur les taux d’intérêt et de la résurgence du risque géopolitique.

Malgré un contexte géopolitique et monétaire incertain, le scénario d’une croissance globalement positive, avec des disparités régionales, et d’une décrue progressive de l’inflation dans les économies développées reste probable. Cependant, dorénavant et contrairement aux anticipations précédentes, une certaine désynchronisation dans le rythme de baisses des taux directeurs entre les principales banques centrales, avec un début de détente plus tardive aux Etats-Unis qu’en Europe, semble se profiler. De plus, une nouvelle dégradation du contexte géopolitique pourrait renforcer ces écarts.

Les économies développées font de la résistance

Les indicateurs continuent de surprendre positivement du côté de l’activité américaine, avec une demande toujours vigoureuse. Cette résilience est le reflet d’un marché du travail dynamique, puisque le taux de chômage demeure en dessous de 4% et les salaires augmentent de 4% sur un an. La croissance américaine ralentirait seulement progressivement au cours des prochains mois, dans un contexte de politique budgétaire a priori accommodante et de bonne santé financière du secteur privé. Les données économiques européennes du premier trimestre confirment aussi la tendance récente: une croissance légèrement positive mais avec des marchés de l’emploi toujours robustes. Les économies bénéficieraient en effet de la baisse de l’inflation puis de la détente des taux d’intérêt. 

La situation au Moyen-Orient contribue à maintenir un climat d’incertitudes, qui pèse sur les décisions des acteurs économiques, notamment à l’approche d’échéances politiques majeures. 

Depuis le début de l’année, la détente de l’inflation se confirme dans les principales économies développées: à 2,4% sur un an en mars en zone euro contre 2,9% en décembre et à 3,5% aux Etats-Unis contre 3,9% en décembre. Cependant, les dynamiques de baisse ont surpris de part et d’autre de l’Atlantique et dans des sens opposés. En effet, l’inflation en zone euro et au Royaume-Uni ont plutôt surpris à la baisse. A contrario, l’inflation américaine a moins baissé qu’escompté. Ce contexte incite à anticiper dorénavant une désynchronisation des baisses de taux directeurs entre les principales banques centrales, avec une baisse décalée et plus progressive aux Etats-Unis. Ainsi, la BCE pourrait abaisser ses taux dès le mois de juin et de 75 pb au total d’ici la fin d’année. Quant à la Fed, elle commencerait seulement à baisser au troisième trimestre et seulement de 50 pb. Une telle désynchronisation favoriserait une appréciation du dollar et pourrait de fait renchérir le prix du pétrole en euros, dont le coût a déjà tendance à s’apprécier ces derniers temps.

Tensions au Moyen-Orient: un contexte géopolitique toujours plus tendu

La situation au Moyen-Orient contribue à maintenir un climat d’incertitudes, qui pèse sur les décisions des acteurs économiques, notamment à l’approche d’échéances politiques majeures. Concernant une éventuelle nouvelle escalade des tensions au Moyen-Orient, le risque serait de voir une remontée marquée du prix du pétrole. L’importance de la production américaine permet de modérer l’occurrence d’un tel risque et protégerait dans tous les cas l’activité aux Etats-Unis. Cela pourrait cependant y générer un regain de tensions sur l’inflation. En Europe, l’effet prédominant serait négatif pour l’activité. La désynchronisation des politiques monétaires pourrait ainsi s’accentuer.

La bonne tenue des indicateurs d’activité des économies développées devrait bénéficier à leurs entreprises et donc à leurs marchés actions. Par ailleurs, les marchés européens semblent toujours bénéficier de niveaux de valorisation favorables et les marchés américains de la surperformance de l’économie étasunienne. Quant aux marchés d’obligations d’Etat et de dette d’entreprises bien notées, ils continuent d’offrir des rendements attrayants et permettent de diversifier les portefeuilles. Enfin, la probable désynchronisation dans le rythme de baisses des taux directeurs entre les principales banques centrales semble aller dans le sens d’un dollar fort, qui s’apprécierait face aux principales devises européennes.

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