Réunion des banques centrales: gérer les attentes du marché

Kevin Thozet, Carmignac

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Etant donné le ralentissement graduel de l'économie américaine, nous nous attendons à ce que la Fed repousse les attentes du marché qui s’attend à voir plusieurs baisses de taux en 2024.

Les marchés ont été prompts à estimer que le travail était fait et que les banques centrales en avaient terminé avec l’inflation. Et que, par conséquent, les autorités monétaires pourront ensuite entamer un cycle de baisse des taux s’adaptant à la trajectoire de désinflation et/ou aux pressions récessionnistes. Pour autant, la réalité est quelque peu différente.

Etant donné le ralentissement graduel de l'économie américaine, nous nous attendons à ce que la Fed repousse les attentes du marché qui s’attend à voir plusieurs baisses de taux en 2024. En revanche, l’environnement de stagnation dans la zone euro – associé au risque de voir la région rentrer en récession technique - devrait inciter la BCE à être moins catégorique dans sa résistance aux attentes de baisses de taux à venir. Enfin, au Royaume-Uni, l'environnement de stagflation devrait amener la BoE à signaler son intention de maintenir les taux de dépôt là où ils sont, aussi longtemps que nécessaire, et cela jusqu’à ce que l'inflation y soit maitrisée.

La Réserve fédérale (Fed)

La réunion de cette semaine verra la Fed prendre une décision de politique monétaire et présenter ses projections économiques.

Concernant les projections économiques, les données publiées devraient soutenir le chemin souhaité par Jerome Powell et le narratif du marché d'un atterrissage en douceur de l’économie américaine, avec: une révision à la baisse des perspectives d'inflation, une révision à la hausse des anticipations de croissance et le maintien d'un taux de chômage soutenable.

Ainsi, les taux directeurs devraient rester à leur niveau actuel (entre 5,25% et 5,5%) et les prévisions des membres du comité de politique monétaire (via le «dot plot») devraient voir la hausse signalée pour 2023 abandonnée et le nombre de baisses prévues pour 2024 ajusté à la baisse - mais pas autant qu’anticipé actuellement par les marchés.

En effet, les marchés ont rapidement réagi à la perspective de voir le pic des taux d'intérêt dépassé, anticipant des baisses à venir de taux directeurs et une détente massive des conditions financières. Ainsi, nous nous attendons à ce que Jerome Powell s’oppose aux anticipations des marchés qui voient les taux directeurs américains 1,5% en deçà de leur niveau actuel en 2024.

Aussi, la question clé pour la réunion de cette semaine est de savoir si les opérateurs de marché prêteront davantage attention au discours du président de la Réserve fédérale ou à la tendance actuelle de désinflation?

Et pour l'année prochaine, la question clé est de savoir si nous verrons des baisses progressives des taux directeurs pour accompagner la désinflation et recalibrer ainsi la politique monétaire afin qu’elle reste restrictive - mais pas excessivement restrictive. Ce qui serait un environnement favorable aux actifs risqués. Ou inversement, si les baisses des taux directeurs surviennent rapidement, soit en anticipation ou soit en réaction, à des pressions récessives grandissantes - ce qui constituerait un environnement plus difficile pour les actifs risqués. La fonction de réaction de Mr Powell est probablement en faveur de la première option, mais souligner cette préférence dès cette semaine amènerait les marchés à anticiper encore plus de baisses de taux à l'avenir.

La Banque centrale européenne (BCE)

Les projections économiques de l’institution devraient indiquer une révision à la baisse des perspectives d’inflation. La question clé sera de savoir si - comme le souhaitent les marchés - la BCE signalera une inflation à 2% en 2025 ; voir mieux, en dessous des 2% d'ici 2026.

Les perspectives de croissance du PIB devraient également être révisées à la baisse. L'environnement économique dominant dans la région est celui d’une stagnation, mais de fait le risque de récession technique (deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB) est bien réel.

Dans un tel contexte, nous nous attendons à ce que Christine Lagarde indique que la politique monétaire en zone euro y est suffisamment restrictive, suggérant de fait que la prochaine décision de la BCE concernant les taux directeurs sera une baisse de ces derniers - mais nous ne nous attendons pas à ce qu'elle donne des précisions tant sur le calendrier qu’aux critères précis qui amèneraient à une telle baisse. Une telle approche peut être caractérisée comme une forme de résistance douce face aux anticipations de baisses de taux du marché, en raison d’un atterrissage plus difficile de l'économie européenne.

La deuxième question clé pour les investisseurs concerne l'évolution du bilan de la BCE. Ces dernières semaines, l'institution (notamment par l’intermédiaire d’Isabel Schnabel) a laissé entendre que le fait d'accélérer la réduction de son bilan ne devrait pas poser de problème. Ainsi Christine Lagarde devrait ouvrir la voie à une nouvelle réduction de son bilan et cela dès le premier trimestre 2024 (alors que le programme d'urgence en réponse à la pandémie n'est officiellement pas censé arriver à son terme avant fin 2024). Dans un tel contexte, la dette périphérique pourrait être plus à risque que les obligations «cœur», d'autant plus que les émissions nettes devraient être en hausse en 2024, par rapport à 2023.

Banque d'Angleterre (BoE)

Le Comité de politique monétaire devrait maintenir ses taux directeurs inchangés à 5,25% - et chercher à les maintenir à ces niveaux aussi longtemps que possible.

L'inflation au Royaume-Uni reste élevée et, bien que l'inflation salariale ait ralenti plus que prévu, les données les plus récentes montrent toujours une inflation salariale supérieure à 7% sur une base annualisée. Par conséquent, il est peu probable qu'Andrew Bailey signale un quelconque changement de cap dans un avenir proche, à condition que l'économie anglaise ne fasse pas un demi-tour. Cependant, une fois que le cycle de baisse des taux commencera aux États-Unis et dans la zone euro, la BoE ne pourra probablement pas tenir ce cap très longtemps...

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