Quand l’Iran reviendra

Anne Barrat

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L’ancien empire perse attend l’heure, proche, où les atouts de son économie diversifiée feront tomber les tabous. Avec Maciej Wojtal, CIO d’Amtelon Capital.

Muselé par plus de 40 ans de sanctions, les premières datant de la prise de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979, l’Iran ne s’est pour autant pas laissé endormir par le chant des sirènes de la mer caspienne ou du Golfe persique. Tant et si bien qu’il est parvenu à se positionner comme un acteur régional incontournable, prêt à prendre un envol international. Un rendez-vous que les investisseurs ne sauraient manquer.

Avec quelque 84 millions d’habitants, l’Iran est comparable à la Turquie. Comme elle, il jouit d’une double exposition maritime sur des zones géopolitiques sensibles – méditerranée et mer noire dans le cas de la Turquie, mer caspienne et golfe persique pour l’Iran. Comme elle, il a été un Empire dont l’influence a été majeure. La comparaison s’arrête là parce que l’économie iranienne, aujourd’hui loin derrière celle de la Turquie (environ 685,8 milliards de dollars en 2021), a le potentiel pour dépasser celle de la Turquie parce que l’Iran est assis sur des mines de ressources, et celle de l’Arabie Saoudite parce qu’elle a beaucoup plus que des matières premières.

Au centre d’un réseau aussi grand que l’Europe.

Une de ses forces est d’être la mieux positionnée pour servir un marché de près de 500 millions d’habitants répartis dans les voisins de l’empire perse avec lesquels il entretient des relations privilégiées. «Fort de ses 4'000 ans d’histoire, l’Iran occupe une place de choix dans un marché de la taille de l’Union européenne explique Maciej Wojtal. L’ancien Empire perse jouit en effet de connections avec toutes les anciennes républiques soviétiques, avec la Turquie, avec l’Irak. La réalité est loin de reflète le potentiel unique du pays dans la région: il affiche un PIB de200 milliards de dollars, contre plus de 700 milliards pour l’Arabie saoudite, dont l’économie est infiniment moins diversifiée. Sans les sanctions qui minent les exportations depuis plus de 40 ans, il y a fort à parier que le PIB iranien serait plus proche du niveau combiné des PIB de l'Arabie saoudite et de la Turquie, c'est-à-dire environ 1400 milliards de dollars, que de son niveau actuel.» Et ce, parce que le secret de l’Iran, qui fait et continuera de faire la différence, est sa population: «Même si l’Iran est n°1 lorsque l’on parle de la production combinée de gaz et de pétrole, sa principale richesse est sa population, affirme Maciej Wojtal. Jeune – 60% ont moins de 35 ans –, elle présente un niveau d’éducation tout à fait remarquable. Le pays regorge de profils ultra-qualifiés – ingénieurs, financiers, geeks, …– prêts à accepter des salaires plus bas qu’au Vietnam pour avoir un travail. Sanctions encore et toujours, ils n’ont pas d’autres choix, le marché est purement local.» Et le CIO d’Amtelon Capital de citer l’exemple d’un analyste financier (heureux d’être) recruté pour un salaire mensuel de 500 dollars par mois, ainsi que de se féliciter de la qualité du vivier que constitue la population active féminine: «Parmi les nombreuses approximations que l’on peut lire sur l’Iran, l’une des plus frappantes concerne la place des femmes dans la société. Mon observation est contraire aux grands titres de journaux occidentaux: souvent dotée d’un excellent niveau d’anglais et de formation universitaire, la femme occupe un rôle clé en Iran.»

Des infrastructures économiques et financières favorables aux investisseurs.

Autant dire que le terrain est favorable à une ouverture aux investissements étrangers, aujourd’hui bien trop faibles. L’arrivée (ou le retour) de multinationales étrangères favoriseraient l’essor d’un classe moyenne qui ne demande qu’à consommer. Cette ouverture est toujours conditionnée à une issue sur les négociations en cours entre les Etats-Unis et ses partenaires occidentaux, dont Maciej Wojtal pense qu’elles finiront par aboutir en dépit du nouveau revers rencontré à Doha la semaine dernière. Le CIO d’Amtelon Capital estime qu’un accord ayant déjà été trouvé sur le principal point d’achoppement, le nucléaire, le seul vrai blocage résidant dans des détails. Optimiste on non, cette vision repose sur la solidité des infrastructures financières iraniennes: «une des plus grandes spécificités de l’Iran tient à son marché de capitaux. Le pays s’est doté d’une vraie bourse, qui compte quelque 600 sociétés cotées représentant une capitalisation de 250 milliards de dollars et affiche une liquidité quotidienne de l’ordre de 200 millions de dollars. Le jour où les investisseurs étrangers retrouveront le chemin de l’Iran, de belles opportunités les attendront.» Aujourd’hui, seulement 0,5% de la capitalisation boursière de la bourse de Téhéran provient de fonds étrangers, un marché sur lequel les entreprises sont largement sous-évaluées. Des opportunités dont il serait dommage de ne pas profiter conclut le gérant du seul fonds investi en actions iraniennes.

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