Positifs mais attentifs

Anne Barrat

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Ni retournement ni crise de liquidité en vue, l’optimisme préside à l’évolution des marchés à six mois, notamment pour les actions US et européennes.

 
Les marchés ont souffert depuis mardi dernier, la volatilité est repartie.  Quelles conclusions en tirer? Quelques questions à Laurent Denize, Global Co-CIO de ODDO BHF Asset Management
Quelle est votre analyse de la semaine dernière sur les marchés?
Le marché s’est retourné sur un premier chiffre de hausse des salaires aux Etats-Unis, laquelle est souhaitable pour soutenir la consommation dans un  contexte où le taux d’épargne est passé de 6 à 2,4% en deux ans. Si soudain et violent qu’ait été le choc, il est avant tout la conséquence d’un phénomène technique (le débouclage de positions vendeuses de volatilité lié à la résurgence de craintes inflationnistes). Une amplification de la volatilité sur les marchés actions s’en est suivie. Le Dow Jones a perdu jusqu’à 11% par rapport à ses plus hauts, l’Eurostoxx 9%. La double baisse consécutive de la semaine passée aura sans doute mis fin à la complaisance des investisseurs  face à plus de trente ans de taux bas.  La normalisation des politiques monétaires en cours nous parait tout à fait saine.
Nous constatons peu d’accélération
de l’inflation à la consommation.
L’environnement macro-économique ne présente pas encore de signes inflationnistes très marqués: le PPI chinois est à 4,3% contre 6% il y a six mois, et nous constatons peu d’accélération de l’inflation à la consommation par un transfert de l’inflation de la production industrielle.  Rien ne dit à ce stade que les salaires puissent déraper fortement, mais plutôt que leur croissance accompagnera celle des résultats des entreprises, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe.
Comment envisagez-vous l’avenir?
Nous pensons que les principaux indices ne sont pas en phase de retournement, ainsi la baisse ne devrait pas se prolonger trop longtemps au final. Les investisseurs vont prendre conscience que cette baisse technique a renforcé l’attractivité des valorisations des entreprises. Les événements récents ne remettent donc pas en question la croissance des marchés en 2018, en Europe ni outre-Atlantique. Une croissance portée par des éléments micro-économiques inchangés, la rentabilité des sociétés, le niveau élevé des Capex et la faiblesse des taux de défaut. Bien sûr, si les investisseurs prenaient leur gain et privilégiaient la préservation du capital, notre scénario évoluerait, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. D’une part parce que les perspectives macro-économiques restent bien orientées – indicateurs de confiance au beau fixe, croissance révisée à la hausse aux Etats-Unis à 2,6% et en zone euro à 2,5% du PIB), d’autre part parce que les taux d’intérêt, à la source même de la correction, se sont même repliés d’une dizaine de points de base par rapport à leurs plus hauts. Un comportement qui invalide la crainte d’une remontée imminente et forte de l’inflation ou d’une sortie accélérée des politiques monétaires accommodantes.
Cela étant dit, la prudence s’impose. Nous surveillerons de près les indicateurs tels que la vitesse de remontée des taux longs, les signaux inflationnistes, les sorties de capitaux de Chine liés au levier de la dette privée, ou encore les conséquences de la remise en cause des accords bilatéraux par Donald Trump et risques de «Trade shock».
Les sociétés européennes profiteront
de leur décote par rapport aux américaines.
Quelle stratégie d’allocation d’actifs dans un contexte plus volatil?
Nous continuons d’opter pour une allocation 60/40 (actions/obligations) qui privilégiera une surpondération des actions de la zone euro, une exposition stable aux américaines, tout en limitant le risque de duration sur le segment obligataire. En effet, le taux d’intérêt  d’équilibre de 3% aux Etats-Unis ciblé pour la fin 2018 est déjà quasiment atteint (2,88% aujourd’hui).  Rien d’étonnant à ce que les marchés s’interrogent sur un scénario à 4%, qui changerait la donne, compte tenu du montant de la dette publique globale. Notre préférence sur le segment obligataire va aux obligations high yield européennes et américaines.
Les sociétés européennes profiteront de leur décote par rapport aux américaines, d’un accès large au crédit que la normalisation monétaire ne devrait pas remettre en cause, et de l’accélération des dépenses d’investissement, en France notamment (5% chez les ménages, 4,3% chez les entreprises). Les « large caps » automobiles (y compris Volkswagen en dépit du « dieselgate ») et bancaires, font partie de nos premiers choix ainsi que les petites capitalisations, fortes de l’attractivité du couple valorisation croissance.
Quant aux valeurs US, secteurs technologiques et des MedTech  notamment, elles sont globalement raisonnables par rapport au niveau des taux d’intérêt. Leur croissance, déjà dynamique, pourrait bénéficier de la réforme fiscale  (baisse du taux d’imposition de 35 à 21%) dont l’impact à court terme sur l’économie américaine est évalué à 0,3% de PIB.  
Les pays émergents, profitant d’une croissance solide (4,5% du PIB), présentent un profil favorable, avec un biais pour les actions du secteur de la consommation.
Il pourrait également être judicieux de se positionner tactiquement sur le dollar et sur l’or de manière à diversifier les risques.

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