Osons le Japon!

Pierre Mermod, BCV

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La récente vague de vente sur les marchés a ouvert des portes intéressantes, dont le marché japonais.

 

Est-on en train de jeter le bébé avec l’eau du bain? Les actions japonaises sont prises dans la tourmente des bourses mondiales. Elles souffrent comme leurs consœurs de l’appréhension au risque des investisseurs, ce que l’on appelle dans le jargon une période «risk-off». Cependant, les facteurs spécifiques au Japon laissent penser que le mouvement n’est pas entièrement justifié.

Le Japon est un marché de substance

Le marché japonais a davantage perdu depuis le début du mois d’octobre que le Nasdaq. La hausse des taux à long terme pèse avec raison sur les titres de croissance, car dans une telle configuration, la valeur actuelle des bénéfices futurs doit être révisée à la baisse. Les investisseurs se réfugient alors traditionnellement sur les actions à faible valorisation. Une société qui se paie 10x les bénéfices est en effet moins touchée par un accroissement du taux d’escompte que celle dont le cours de bourse capitalise déjà vingt ou trente ans de bénéfices futurs. Or, les actions japonaises se paient en moyenne à moins de 14x et nombre de titres sont à moins de 10x. Le Japon est ainsi bien un marché de substance et non de croissance.

Depuis l’élection de Shinzo Abe comme premier ministre en 2012,
la gouvernance d’entreprise a profondément changé au Japon.
La gouvernance d’entreprise a profondément changé

Le second facteur à prendre en compte dans l’analyse est la pérennité des bénéfices. Depuis l’élection de Shinzo Abe comme premier ministre en 2012, la gouvernance d’entreprise a profondément changé au Japon. Les participations croisées sont graduellement vendues, les activités peu ou pas rentables sont restructurées et les dividendes distribués ont augmenté. Les actionnaires ne sont plus vus comme des profiteurs, mais comme des partenaires et les conseils d’administration s’ouvrent à des directeurs externes qui apportent un vent de fraîcheur. Il en résulte une croissance des marges qui atteignent des niveaux record. La rentabilité des fonds propres a plus que doublé, sans que cela ne soit pleinement reflété dans les ratios de valorisation. De plus, comme l’amélioration de la gouvernance ne fait que débuter, les bénéfices devraient continuer de croître. Shinzo Abe vient en effet d’être réélu pour trois années supplémentaires, soit jusqu’en 2021.

L’offre et la demande pourraient se déséquilibrer rapidement

Nombre d’investisseurs n’ont, semble-t-il, pas vu venir le mouvement, eux qui ont massivement vendu les actions japonaises en 2018. S’ils corrigent le tir, et s’ils deviennent maintenant acheteurs en concurrence avec la Banque du Japon (BoJ) et avec les fonds de pension domestiques, l’offre et la demande pourraient se déséquilibrer rapidement. La BoJ a en effet absorbé les ventes des étrangers, mais elle n’a pas pour fonction d’être un teneur de marché. S’ils veulent racheter leurs positions, les étrangers vont devoir trouver d’autres vendeurs.

Une poche d’inefficience qui peut être exploitée

En bourse, si l’on espère réaliser une performance supérieure à la moyenne, il faut aussi savoir regarder là où les autres ne regardent pas. Or, après deux décennies de marché décevant, peu de spécialistes suivent encore ce qui se passe à Tokyo. Il en résulte une poche d’inefficience qui peut être exploitée.

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