Nouvel an chinois: l’année de la reprise en Chine?

Jean-Louis Nakamura, Vontobel

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Si les risques d’une crise financière - dans une économie encore fermée - sont surestimés, les perspectives d’une reprise importante et durable semblent limitées.

La Chine et une grande partie de l’Asie entrent dans l’année du Dragon de bois. Traditionnellement, les Dragons sont des figures fortes et indépendantes, mais qui aspirent à l’amour et au soutien. Des caractéristiques qui pourraient très bien s’appliquer à l’économie et aux marchés chinois dans le contexte actuel.

Avec une estimation de +5,2% en glissement annuel à la fin de 2023, la croissance du PIB de la Chine est en ligne avec son objectif officiel d’une croissance «autour de 5%» défini il y a un an. Néanmoins, un tel résultat peut difficilement être considéré comme enthousiasmant. Il a été obtenu presque exclusivement grâce à la forte reprise de la consommation de services domestiques au cours du premier trimestre et au début du deuxième trimestre, à partir de la base extrêmement basse de 2022, lorsque les grandes villes chinoises étaient soumises à des bouclages très restrictifs. Depuis le printemps 2023, la croissance chinoise marque le pas, reflétant une économie en proie à ses problèmes structurels. Pour des raisons évidentes, ses anciens moyens de recycler l’épargne excédentaire (exportations, infrastructures et immobilier) ne fonctionnent plus comme avant.

En l’absence de solutions crédibles pour sortir l’économie chinoise de son piège déflationniste, les investisseurs nationaux et étrangers à long terme ne reviendront pas aussi facilement.

De nombreux économistes ont appelé à un plan de relance massif «à la 2008» pour gonfler la consommation et la remettre sur les rails, au moins sur la trajectoire observée jusqu’à la fin 2019. Toutefois, les autorités, au nom de leur lutte contre l’aléa moral et «l’allocation désordonnée des capitaux», hésitent encore à aller de l’avant. Le paradoxe est qu’en essayant de résoudre les déséquilibres du passé, les autorités chinoises en créent de nouveaux, en accumulant les ressources, les incitations monétaires et fiscales dans les mêmes secteurs manufacturiers (VE, semi-conducteurs, panneaux solaires) au risque élevé de surcapacités, de marges déprimées et d’une nouvelle dynamique déflationniste.

Si les risques d’une crise financière - dans une économie encore fermée - sont surestimés, les perspectives d’une reprise importante et durable semblent - à ce stade - très limitées. Et les marchés boursiers, malgré des valorisations incroyablement attrayantes, reflètent ce manque de traction, avec environ 7000 milliards d’USD de capitalisation boursière qui ont été effacés au cours des trois dernières années. Les récentes rumeurs de plans de stabilisation - qui se limitent pour l’essentiel aux vieilles recettes consistant à mobiliser les grands investisseurs institutionnels publics pour qu’ils achètent des actions chinoises de grande capitalisation - ont déclenché des rebonds spectaculaires à court terme, alimentés pour l’essentiel par de l’«argent chaud». Toutefois, en l’absence de solutions crédibles pour sortir l’économie chinoise de son piège déflationniste, les investisseurs nationaux et étrangers à long terme ne reviendront pas aussi facilement.

Cette situation est d’autant plus frustrante que l’économie chinoise offre un tissu d’entreprises incroyablement innovantes, à la limite de leur frontière efficiente respective en termes de productivité du capital. Dans un environnement aussi dominé par les préférences politiques, il est devenu extrêmement complexe de choisir les actions chinoises les plus performantes. Si privilégier les entreprises d’État à forte marge d’exploitation dans les secteurs traditionnels de l’industrie ou de l’énergie peut être une valeur sûre à court terme (de nombreux producteurs d’énergie affichent une hausse de 15 à 20% depuis le début de l’année), les futurs gagnants à long terme se trouveront dans des thèmes transversaux à l’abri d’une influence politique excessive - nationale et étrangère -, avec un niveau de rentabilité élevé et stable et une demande robuste, ce qui leur permettra de créer de la valeur à un rythme (beaucoup) plus rapide que le reste de l’économie.

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