Nous avons besoin d'action... quelle que soit l’issue de la COP 25

Sasja Beslik, J. Safra Sarasin Asset Management

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La responsabilité de la politique climatique continuera d'incomber aux gouvernements. Le secteur privé déterminera le succès de l'ajustement.

© Keystone

Malgré les récentes mises en garde – claires, pourtant – par les scientifiques contre les effets dévastateurs du changement climatique au-dessus de 1,5°C, les engagements actuels des gouvernements nationaux mettent encore le monde sur la voie d'un réchauffement climatique d'environ 3°C pour ce siècle. Les effets catastrophiques du changement climatique sont déjà visibles dans le monde entier. Les énormes coûts humains et financiers du changement climatique ont un effet dévastateur sur notre bien-être collectif.

Les émissions de carbone doivent diminuer de 45% par rapport aux niveaux de 2010 au cours de la prochaine décennie afin d'atteindre le niveau net zéro d'ici 2050. Cela nécessite une réaffectation massive des capitaux. La responsabilité première de la politique climatique continuera d'incomber aux gouvernements. Et c'est le secteur privé qui déterminera le succès de l'ajustement. Mais en tant qu'acteurs financiers et investisseurs durables, nous ne pouvons ignorer les risques évidents ainsi que les énormes opportunités qui se présentent à nous.

Il y a plusieurs choses qui doivent se produire dans le système financier mondial si nous voulons permettre une transition durable à faible émission de carbone.

Le secteur financier doit améliorer sa contribution
à une croissance durable et inclusive à long terme.

Premièrement, la stabilité financière et l'évaluation des actifs doivent être renforcées. La mobilisation des flux financiers des activités brunes vers les activités vertes offre d'importantes opportunités, mais expose aussi des risques potentiels pour les institutions financières et le système financier dans son ensemble. Les risques matériels à long terme doivent être mieux évalués et gérés, tandis que les facteurs moins tangibles de création de valeur liés aux questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) doivent également être pris en compte.

Deuxièmement, le secteur financier doit améliorer sa contribution à une croissance durable et inclusive à long terme. Elle doit financer des besoins à long terme tels que l'innovation et l'infrastructure, et accélérer le passage à une économie à faible intensité de carbone et à haut rendement énergétique.

Troisièmement, le secteur financier doit intégrer la surveillance des risques financiers liés au climat dans le travail quotidien de supervision, la surveillance de la stabilité financière et la gestion des risques au niveau des conseils d’administration. Le secteur financier doit encourager les entreprises à adopter une approche stratégique à long terme dans la prise en compte de ces risques et à les intégrer dans leurs façons d’envisager la gouvernance et la gestion des risques au quotidien.

Quatrièmement, renforcer les capacités internes et partager les connaissances avec les autres parties prenantes sur la gestion des risques financiers liés au climat. Un élément important pour assurer une prise en compte efficace des risques climatiques dans l'ensemble du système financier est de favoriser la collaboration interne et externe.

Pourquoi est-ce important? Les 100 plus grandes caisses de retraite publiques du monde n'investissent que 90 milliards de dollars dans les technologies à faible émission de carbone, ce qui représente moins de 1% de leurs actifs et est nettement inférieur à l'investissement annuel recommandé par le GIEC de 1,1 billion de dollars par an. Ces chiffres d'investissement peu reluisants sont exacerbés par le fait que seuls 10% des fonds de pension évalués ont mis en place des politiques visant à exclure le charbon de leur portefeuille d'investissement, bien qu'il soit le combustible fossile le plus polluant.

L'avenir d'une économie prospère n’est pas limité par la durabilité.
Au contraire, la durabilité va donner un avenir à l’économie.

Plus de 60% des plus grandes caisses de retraite publiques du monde ont peu ou pas de stratégie sur le changement climatique, ce qui pourrait les mettre en danger de manquer à leurs obligations légales. Moins de 1% des actifs des 100 plus grandes caisses de retraite du monde sont investis dans des solutions à faible émission de carbone.

Nous pouvons changer cela ; nous pouvons repenser et améliorer notre capacité à générer des rendements pour les générations futures. Nous avons le choix. L'avenir d'une économie prospère n’est pas limité par la durabilité. Au contraire, la durabilité va donner un avenir à l’économie.

Quelle que soit l'issue de la COP qui débute, voici quelques actions qui nous paraissent indispensables:

  • Instaurer une taxe mondiale sur le carbone. Les pays réagissent aux mesures incitatives, et une taxe sur le carbone est l'incitation parfaite pour un avenir plus durable. Les pays réduiront leurs émissions de carbone pour protéger intérêts et les pays qui ne le feront pas en paieront le prix (littéralement).
  • Créer un organisme de réglementation pour tenir les pays responsables. Une taxe sur le carbone ne signifie rien si on ne peut pas l'appliquer. Les Nations Unies devraient créer une agence pour surveiller les pays signataires de l'Accord de Paris et s'assurer qu'ils progressent vers leurs objectifs en matière d'émissions de carbone et d'énergie verte. Les pays qui ne respectent pas leurs engagements devraient faire l'objet de sanctions et d'amendes. Les amendes devraient subventionner les projets d'énergie verte dans d'autres pays et les investissements dans des entreprises durables.
  • Cesser de subventionner les combustibles fossiles. Les gouvernements du monde entier dépensent actuellement 150 milliards de dollars pour les subventions aux énergies renouvelables, ce qui peut être comparé aux coûts associés à la subvention des combustibles fossiles qui s'élèvent actuellement à 5,3 trillions de dollars. Cela détruit la planète. Nous avons besoin d'une interdiction mondiale de toutes les subventions aux combustibles fossiles.
  • Réattribuer les capitaux aux entreprises durables. Tout l'argent que nous avons dépensé pour soutenir l'industrie des combustibles fossiles devrait plutôt aller à des entreprises qui se sont engagées à promouvoir l'efficacité énergétique, l'énergie propre et la réparation de l'environnement. L'ONU estime que nous devons investir 2,4 trillions de dollars dans le système énergétique d'ici 2035 (environ 2,5% du PIB mondial) pour éviter un changement climatique cataclysmique. C'est un nombre énorme, et les investissements doivent commencer immédiatement si nous voulons espérer l'atteindre.

Le temps presse. Nous avons besoin d'actions ciblées dans les domaines où l’impact est le plus fort.