Multi-Asset Solutions de J.P. Morgan Asset Management

Michael Akinyele & Patrick Schöwitz, J.P. Morgan Asset Management

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Les actifs risqués ont augmenté en avril malgré la persistance du pessimisme.

SYNTHÈSE
  • Les actifs risqués ont augmenté en avril alors que la volatilité diminuait, mais le pessimisme a persisté sur fond de détérioration de l'économie mondiale, d'effondrement du secteur des services et d'évolution très négative du marché du travail. 
  • Les actifs risqués ont augmenté malgré la faiblesse des données, probablement soutenus par l'aplatissement des courbes d'infection, l'ampleur du soutien monétaire d'urgence et la propension des marchés à devancer l'économie.
  • Les marchés obligataires ont bénéficié d'un mouvement plus traditionnel de recherche de protection suite à l'intervention de la Réserve fédérale en vue de rétablir le bon fonctionnement des marchés. Les obligations ont surperformé sur les marchés où les achats des banques centrales ont été les plus énergiques (Canada, Allemagne).
  • Nous conservons une préférence pour les États-Unis et les marchés émergents, tout en guettant les signes d'une rotation sectorielle ou d'un changement de style dominant alors que les marchés entrent dans ce que nous pensons être une nouvelle phase. Nous conservons également notre avis neutre à positif sur la duration, malgré des niveaux de rendement très faibles, compte tenu du caractère extrêmement accommodant des politiques monétaires et de l'émergence d'une impulsion désinflationniste.
LE POINT SUR LE MOIS

Nous revenons sur les tendances des marchés et des économies en avril pour analyser leurs répercussions sur nos portefeuilles multi-actifs et présenter un positionnement actualisé.

Le mois d'avril a été marqué par un rallye de prise de risque en début de mois, une réduction générale de la volatilité (graphique 1) et un net aplatissement des courbes d'infection, mais ces évolutions n'ont pas été suffisantes pour contrecarrer un sentiment de pessimisme général. Motivés principalement par la perspective d'une reprise de l'activité économique, les investisseurs ont fait grimper l'indice MSCI All Country World de 10,6% en avril, plus des deux-tiers de cette hausse se produisant avant le 9 avril. En revanche, le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans a baissé de 3 points de base (pb). La conjoncture économique mondiale a continué de se dégrader tout au long du mois, les prévisions de PIB étant de nouveau revues à la baisse, tandis que les restrictions explicites pesant sur l'activité dans le cadre d'un confinement mondial provoquaient un effondrement sans précédent du secteur des services. Dans un contexte de dégradation des données macroéconomiques, les marchés actions ont évolué en dents de scie après leur hausse du début de mois.

Les actifs risqués ont probablement été aidés par les mesures de soutien économique des gouvernements et des banques centrales et par l'anticipation de nouvelles mesures à venir, telles que le soutien au crédit et les transferts de revenus mis en place au Japon et aux États-Unis, les subventions salariales de l'Europe occidentale et les achats d'actifs des banques centrales du monde entier, qui ont entraîné un afflux massif de liquidités.

Sachant que les marchés semblent avoir fait abstraction de la forte baisse d'activité du mois d'avril, il n'y a pas de catalyseur évident qui pourrait obliger les marchés à sortir d'une reprise motivée au moins en partie par des raisons techniques. 

De mal en pis

L'ampleur effective du ralentissement lié au COVID-19 est encore inconnue, mais les valeurs préliminaires (ou «flash» ) des indices des directeurs achats (PMI) de plusieurs économies développées, qui s'étaient effondrés en mars, ont de nouveau chuté en avril. Nombre de ces PMI se situent désormais à leur niveau le plus bas jamais enregistré. 

Par rapport au schéma sectoriel habituel, les services ont été touchés de façon disproportionnée par les mesures de fermeture obligatoire. Pendant la grande récession, les PMI manufacturiers et des services pour la série IHS Markit de la zone euro avaient baissé jusqu'à respectivement 33,5 et 39,2. Ils se situent aujourd'hui à 33,6 et 11,7. Autre donnée macroéconomique d'importance, le nombre des demandes d'inscription à l'assurance-chômage aux États-Unis a été de 4,3 millions pour la semaine se terminant le 17 avril, ce qui en fait le quatrième chiffre le plus élevé jamais enregistré pour cet indicateur, et correspond également à la seconde baisse jamais enregistrée d'une semaine sur l'autre, la semaine précédente ayant été la plus forte jamais enregistrée. 

La lente amélioration des pertes d'emploi offre une certaine assurance qu'elles pourraient se ralentir à partir de maintenant. Mais dans ce contexte atypique, dans lequel la grande majorité des chômeurs continueront probablement à percevoir des indemnités, les perspectives de croissance à court terme restent fortement négatives.
Ce schéma d'augmentation subite des pertes d'emplois se retrouve à l'échelon mondial, bien qu'à des degrés différents. Le Canada a enregistré sa plus forte variation mensuelle de l'emploi au mois de mars, avec une baisse d'un million du nombre de personnes employées, soit près de 4 % de la population active. En Europe et au Japon, les pertes d'emploi ont été plus modérées, dans une certaine mesure grâce aux programmes gouvernementaux de protection de l'emploi. Alors que les suppressions d'emplois dans de nombreux secteurs à forte intensité de main-d'œuvre semblent se stabiliser à des niveaux faibles ou nuls, la levée des restrictions les plus strictes, imposées au secteur des services, sera une condition préalable à tout semblant de reprise de l'activité ou des marchés de l'emploi.
Nous nous attendons à un fort rebond macroéconomique plus tard dans l'année, mais il n'est pas certain que la levée des restrictions suffise à elle seule à assurer cette reprise, car beaucoup dépendra de la demande des consommateurs. Il ne fait toutefois aucun doute que l'évolution de la politique budgétaire et monétaire en avril a été favorable. 

 

Actifs risqués: les actions FAAMG propulsent le S&P 500

Après avoir reflété des scénarios de pandémie catastrophiques en début du printemps, la remontée des actifs risqués en avril semble signaler une «réévaluation» d'une partie des risques liés à la pandémie. La situation a évolué et l'attention semble s'être tournée vers la perspective d'un rebond macroéconomique. Les marchés développés les plus performants en avril ont été le S&P 500, avec une hausse de 14,3%, le Russell 2000, avec une hausse de 15,4% et le S&P/TSX composite du Canada, avec un gain de 11,5%. L'indice MSCI des marchés développés a enregistré un rendement de 10,5% et l'indice MSCI des marchés émergents a connu une hausse plus modeste de 9,1%. Comme on pouvait s'y attendre dans ce contexte, certains leaders du mois d'avril faisaient partie des secteurs cycliques, comme la consommation discrétionnaire ou les matériaux. Les sociétés immobilières (REIT) ont été les seules à suivre le rythme, en raison de l'anticipation d'une reprise des loyers.

La surperformance du S&P 500 peut être attribuée, dans une large mesure, aux gains des actions FAAMG (Facebook, Amazon, Apple, Microsoft et Google), qui concentrent à elles seules près de 30% de la hausse du S&P 500. Maintenant que les actifs risqués se sont redressés malgré la faiblesse des données publiées (ce qui implique que les acteurs du marché préfèrent attendre que l'économie «rattrape» leurs anticipations), l'appétence au risque est globalement plus modérée aux niveaux de valorisation actuels. La question clé devient maintenant: si les actions poursuivent leur retracement déjà important, la surperformance des valeur technologiques peut-elle se maintenir? Ou leur exceptionnalité va-t-elle se réduire?

Les marchés du crédit ont eux aussi participé à l'environnement favorable au risque en avril, bien qu'à des degrés divers. Les obligations américaines Investment Grade (IG) et à haut rendement (HY) ont touché leur creux actuel le 23 mars, en même temps que les grandes capitalisations américaines. Aujourd'hui, alors que le crédit HY et le S&P 500 sont en baisse d'environ 10% sur l'année, le crédit IG est en hausse de 1,5% en dollars, ce qui atteste de sa résilience, la Réserve fédérale (Fed) n'ayant pas encore procédé aux achats d'actifs annoncés dans cet univers.

Les obligations allemandes et canadiennes surperforment

L'évolution des cours obligataires a été nuancée en avril. Les rendements mondiaux ont atteint des niveaux historiquement bas en début de mois. L'intervention de la Fed a ensuite permis de rétablir une transmission et une liquidité adéquates sur le marché, et donc un meilleur fonctionnement. 

En conséquence, une demande plus traditionnelle de protection s'est développée tout au long d'un mois marqué par la dégradation des chiffres d'activité et l'action synchronisé des banques centrales. Les obligations ont généralement surperformé sur les marchés où les achats des banques centrales ont été les plus énergiques. Les rendements des obligations canadiennes et des bunds allemands ont ainsi gagné respectivement 15 et 12 pb, tandis que celui des obligations australiennes perdait 13 pb, en accord avec la communication relativement moins conciliante de la Banque de Réserve d'Australie. Le marché américain a fait exception à cette règle: alors que la Fed a acheté des bons du Trésor au rythme de 10 milliards de dollars par jour, les rendements ont terminé le mois en baisse de seulement 3 pb. Cela ne nous a pas surpris dans un contexte de valorisations aussi tendues. 

L'attention des investisseurs s'est récemment tournée vers la périphérie de l'Europe, où la réémergence des problèmes de solvabilité est devenue une source de risque importante, notamment en Italie. Compte tenu de la résistance de longue date des ministres des finances de la zone euro à l'allégement de la dette des membres les plus en difficulté, nous estimons que la question de la solidarité politique et fiscale au sein de l'UE a plus de chances de perdurer que d'être résolue. Cette menace existentielle qui pèse à nouveau sur l'Europe s'est ainsi manifestée par un élargissement de plus de 35 pb du spread Bund-BTP pendant le mois d'avril. 

IMPLICATIONS POUR LES CLASSES D'ACTIFS

La crise du COVID-19 et les mouvements de marché qu'elle a provoqués se sont déroulés avec une rapidité exceptionnelle et sans précédent. Nous pensons qu'avec le temps, l'économie se redressera; la réévaluation des actifs risqués reflétant les risques de perte extrême a néanmoins été frappante. Nous pensons que les marchés sont entrés dans une nouvelle phase, dans laquelle ils prennent de plus en plus en compte les flux d'informations plus lents sur la manière dont les confinements pourront être levés, tout en attendant les chiffres économiques de mai et de juin. Dans les portefeuilles, nous conservons une préférence de fond pour les États-Unis et les marchés émergents. Nous reconnaissons toutefois que le positionnement pour une nouvelle phase impose de surveiller les signes d'une rotation sectorielle ou d'un changement de style dominant. En raison de la simultanéité d'une politique monétaire extrêmement accommodante et d'une impulsion désinflationniste émergente, nous conservons notre avis neutre à positif sur la duration, malgré des niveaux de rendement particulièrement faibles.

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