Mesurer l’empreinte des investisseurs sur la nature

Gabriel Micheli, Pictet Asset Management

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Plusieurs éléments devraient inciter les investisseurs à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement, dont l’accès à de meilleures bases de données.

Les récents progrès technologiques améliorent notre compréhension de la biosphère, et permettent, chaque année la découverte de nouvelles espèces animales et végétales. Cependant, une grande partie de la biodiversité demeure un mystère; elle est mal comprise et reste la plupart du temps non-répertoriée.

La biodiversité est d’une importance cruciale pour les investisseurs, qui reconnaissent toujours plus les risques financiers liés à la perte de celle-ci mais manquent d’outils pour estimer les menaces concrètes qui pourraient l’impacter.  En effet, les émissions de carbone, qui constituent l’essentiel des rapports environnementaux des entreprises, n’offrent qu’une vision partielle de l’impact écologique de celles-ci.

Il est heureusement encourageant de constater que des efforts sont entrepris afin de combler cette lacune.

Le Cadre Mondial de la biodiversité (CMB) adopté fin 2022 par près de 200 pays, constitue une étape importante. Il impose aux grandes entreprises et institutions financières de surveiller et signaler les risques et impacts sur la biodiversité dans toute leur chaîne de valeur, y compris les placements et investissements financiers.

La Taskforce on Nature-Related Financial Disclosures (TNFD), forum du secteur privé dont les membres totalisent plus de USD 20'000 mia d’actifs, va, pour sa part, publier de nouvelles normes d’évaluation et de divulgation des risques pour soutenir les entreprises dans leur alignement avec le CMB et la réorientation des capitaux vers des activités plus respectueuses de la biodiversité.

Les taux de perte de biodiversité dépassent de 10 à 100 fois les seuils durables définis par les limites planétaires.

Une autre initiative émane de l’International Sustainability Standards Board (ISSB), qui établit aussi des règles de publication des informations sur le développement durable des entreprises, et va intégrer la biodiversité dans les risques climatiques.

Mais ces approches globales ne résolvent pas à elles seules le problème complexe de la biodiversité, et ceci principalement car il est difficile d’obtenir des données précises. Pour relever ce défi, la communauté scientifique a récemment mis en place plusieurs programmes de recherche en partenariat avec des banques, des gestionnaires d’actifs et des investisseurs afin de développer de nouvelles bases de données susceptibles de fournir une image plus claire de la relation entre activité économique et nature.

Un exemple parmi d’autres est l’outil de mesure ESI développé par des chercheurs de l’Académie royale des sciences suédoise qui vise à estimer les effets non seulement des émissions de carbone sur les systèmes terrestres mais également de l’utilisation de l’eau et des sols, souvent intensive. L’ESI pourrait aider les investisseurs et les entreprises à évaluer les répercussions environnementales de leurs décisions.

Une transition écoresponsable

Les taux de perte de biodiversité dépassent de 10 à 100 fois les seuils durables définis par les limites planétaires. L’objectif de tout investisseur devrait donc se tourner vers l’identification des entreprises ayant une empreinte écologique faible, en mesurant les effets directs et indirects de leurs activités tout au long de leur chaîne de valeur. Il s’agit d’un élément crucial à prendre en compte dans l’évaluation de l’impact sur la biodiversité,  la production de biens et de services étant très fragmentée entre différents pays et secteurs.

Prenons l’exemple de l’industrie minière qui fournit des métaux essentiels à de nombreuses technologies pauvres en carbone, mais qui a aussi des conséquences lourdes sur les habitats naturels.

Il est également important d’intégrer les dynamiques régionales dans la modélisation de la biodiversité. Une analyse d’impact régionalisée, recommandée par les scientifiques, permet par exemple de mieux évaluer les retombées de l’exploitation minière selon la diversité des espèces présentes dans une zone précise.

Pour conclure, plusieurs éléments devraient inciter les investisseurs à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement, dont l’accès à de meilleures bases de données. L’engagement actif des investisseurs auprès des directions d’entreprises dans lesquelles ils investissent est également un levier puissant afin de définir des objectifs visant à atténuer l’impact négatif sur la biodiversité, gérer les risques et ceci avec pour but final de mettre en place des pratiques commerciales plus durables.

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