Les premiers pas d'un long périple

Philippe G. Müller, UBS

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D'ici au sommet de l'APEC à la mi-novembre, les signes d'avancées dans les questions commerciales qui restent en suspens devront être surveillés.

©Keystone

Vendredi 11 octobre, les Etats-Unis et la Chine ont conclu un accord commercial partiel de principe. Avant les réunions entre négociateurs, la Recherche d’UBS anticipait de modestes avancées. Du nombre: l'annonce d'une poursuite des pourparlers, un engagement de la Chine à acheter davantage de produits agricoles américains et un report de l'entrée en vigueur de la hausse des droits de douane aux Etats-Unis.

Le résultat des pourparlers est globalement conforme aux attentes. Le jour de l’annonce de l’accord partiel, l'indice S&P 500 a clôturé en hausse de 1,1%, mais en repli par rapport au sommet atteint avant l’annonce de cet accord.

La prudence reste de mise

En dépit de cette évolution favorable, il convient de rester prudent quant à la possibilité qu’elle marque l’amorce d’une nette désescalade du différend commercial. Les médias chinois se sont montrés mesurés et, selon Bloomberg, Pékin cherche à obtenir davantage de concessions avant de signer l’accord. 

L’accord partiel sino-US ne suffira pas à améliorer significativement
les perspectives fondamentales de l’économie mondiale.

Cet accord permet d’entrevoir plus clairement une désescalade, mais les progrès enregistrés ne suffiront probablement pas à améliorer significativement les perspectives fondamentales de l’économie mondiale. Sa croissance ralentit et est inférieure à la tendance, les bénéfices pourraient s’avérer décevants et l’incertitude reste assez forte pour continuer à peser sur l’investissement des entreprises. 

La donne pourrait changer en cas de formalisation d’un accord commercial provisoire mais, pour le moment, une légère sous-pondération des actions au profit des obligations dans l’allocation d’actifs tactique est toujours recommandée.

Nombreux points d’ombre

A l’heure actuelle, seules les grandes lignes de l’accord sont connues. De son côté, la Chine achètera davantage de produits agricoles aux Etats-Unis (potentiellement jusqu'à 40, voire 50 milliards de dollars par an). De l’autre, ces derniers ont reporté l’entrée en vigueur de la hausse des droits de douane (de 25% à 30%) prévue pour le 15 octobre. Enfin les négociations se poursuivront en vue de l’achèvement de la «phase 1» d'un accord commercial.

Le report des droits de douane censés entrer
en vigueur en décembre n’a pas été annoncé.

Néanmoins, un certain nombre de points n'ont pas encore été tranchés ou clarifiés, ce qui empêche d’être plus optimiste quant aux perspectives pour l’économie et les marchés. Le report des droits de douane censés entrer en vigueur en décembre n’a pas été annoncé, même si ce sera probablement le cas si un accord est conclu. Les restrictions qui visent Huawei n’ont pas été abordées et feront l’objet de pourparlers distincts. 

Enfin, les dispositions relatives à la propriété intellectuelle, aux transferts de technologie forcés et aux subventions de l’Etat chinois (qui sont les volets les plus délicats des négociations) manquent encore de clarté.

Perspectives identiques

Le président Trump a déclaré que la signature d’un document formel contenant des accords en matière de propriété intellectuelle, de services financiers et de transparence du marché des changes pourrait être prêt à l’occasion du sommet de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) au Chili les 16 et 17 novembre. 

Il s’agirait de la première étape d’un processus qui en comporterait plusieurs. Des avancées sur ces questions rendraient plus confiant quant à la conclusion d’un accord provisoire formel plus complet mais, compte tenu des informations à disposition aujourd’hui, les perspectives de l'économie et des marchés n’ont guère changé.

Stabilisation de la croissance à faible niveau

L'incertitude géopolitique reste forte et les participants au marché seront, dans un premier temps, sceptiques quant à la crédibilité de l'accord commercial. Le moral des entreprises pourrait donc remonter quelque peu, mais pas suffisamment pour les amener à relancer leurs investissements productifs à court terme. 

Un processus en plusieurs phases pourrait signaler
un changement d'approche des Etats-Unis.

Par conséquent, même si le récent ralentissement de la croissance mondiale pourrait s'atténuer, elle ne fera probablement que se stabiliser à un niveau inférieur à sa tendance, jusqu'à ce qu'un accord commercial provisoire laisse entrevoir un net apaisement des tensions commerciales. Par ailleurs, les prévisions du consensus relatives à la croissance des bénéfices des entreprises au niveau mondial restent certainement trop optimistes.

Sous-pondération des actions

Il convient dès lors de préférer maintenir une légère sous-pondération des actions au profit des obligations dans l’allocation d’actifs tactique. D'ici au sommet de l'APEC de novembre, les signes d'avancées dans les questions commerciales qui restent en suspens devront être surveillés. 

Un processus en plusieurs phases pourrait signaler un changement d'approche des Etats-Unis, qui cherchaient jusqu’ici à conclure un accord élargi. Si, de ce fait, un accord provisoire formel apparaissait de plus en plus probable, une approche plus optimiste à l'égard des actions serait possible. Pour revoir ce positionnement, il faudra suivre de près les signes d’un redressement des données économiques, des bénéfices et de l’investissement des entreprises.

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