Les électrocarburants comme solution énergétique?

Allan Baker, Société Générale

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Une demande croissante et des investissements stratégiques font des eFuels une opportunité à long terme.

©Highly Innovative Fuels (HIF) Global

L'hydrogène à faible intensité carbone est depuis longtemps reconnu comme un outil potentiellement précieux pour lutter contre le changement climatique, offrant une solution alternative aux combustibles fossiles. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la demande mondiale en hydrogène a atteint 94 mégatonnes en 2021, soit une augmentation de 5% par rapport à la demande en 2020, soutenue par une reprise dans les secteurs clés après la pandémie de Covid-19. De plus, grâce à la demande croissante liée à la transition énergétique et au remplacement des combustibles fossiles, le marché mondial de l'hydrogène devrait atteindre 650 mégatonnes d'ici 2050, soit une croissance de 20% par an. Toutefois, comme pour toute nouvelle classe d'actifs, il existe des défis et des opportunités pour les développeurs et les financiers.

La technologie utilisée pour produire de l'hydrogène à faible intensité carbone à partir d'électricité renouvelable n'a été utilisée jusqu'à présent qu'à petite échelle. Par un processus appelé électrolyse, l'électricité sépare l'eau en hydrogène et en oxygène dans un électrolyseur. Les deux principaux problèmes de l'électrolyse utilisant des énergies renouvelables sont le coût et l'efficacité. Pour produire les volumes anticipés d'hydrogène à faible intensité carbone, nous aurons besoin de centaines de gigawatts (GW) d'énergies renouvelables, et il est incertain que cela puisse être réalisé dans les délais envisagés pour atteindre les objectifs de neutralité carbone.

La capacité mondiale de fabrication d'électrolyseurs représentera en 2030 seulement la moitié du niveau nécessaire pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d'ici 2050.

Selon le rapport Perspectives technologiques de l'énergie de l'AIE pour 2023, la capacité mondiale de fabrication d'électrolyseurs devrait atteindre plus de 100 GW par an d'ici 2030, mais cela représente seulement la moitié du niveau nécessaire pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d'ici 2050. De plus, chaque projet peut atteindre une taille de 2 à 5 GW, ce qui fait que les développeurs se précipitent pour réserver la production d'électrolyseurs auprès d'installations de fabrication qui n'ont pas encore été développées.

L'hydrogène est également difficile à manipuler en raison de sa petite taille et densité. Dès lors, il est difficile à contenir et sujet aux fuites. Pour remédier à cela, il faudra développer des infrastructures de pointe, telles que des cavernes de sel pour le stockage, des pipelines et des navires pour le transport, ce qui sera coûteux. Le transport de l'hydrogène sur de longues distances constitue un défi particulier pour de nombreux projets d'exportation. Il faut refroidir l'hydrogène à -253°C et le maintenir à très haute pression pour le convertir d'un gaz à un état liquide. Un processus très difficile pour la conception des navires et qui consomme une quantité d'énergie significative. C'est pourquoi l'accent est mis sur la conversion en ammoniac, qui est plus facile à transporter, mais cela ajoute également des coûts.

La consommation locale, dans un premier temps, peut être une solution plus adaptée que le transport. Avec par exemple la conversion de l'hydrogène en électrocarburants ou eFuels, des carburants sous forme gazeuse ou liquide produits à partir d'électricité renouvelable. L'hydrogène produit par électrolyse est combiné avec du dioxyde de carbone (CO2) capturé et converti en un vecteur d'énergie liquide: l'eFuel. Ce dernier offre une alternative aux carburants liquides traditionnels tout en réduisant les émissions de CO2.

Des organisations explorant cette voie comprennent Highly Innovative Fuels (HIF) Global, une société internationale de développement d'électrocarburants fondée en 2016. Elle utilise une technologie de pointe pour accélérer la décarbonation en produisant des eFuels neutres en carbone à partir de différentes sources renouvelables. Elle construira les premières usines d'eFuel commerciales à grande échelle au Chili et aux Etats-Unis, d'ici la fin de 2023, dans le but de démarrer la production en 2026.

Le processus de production d'eFuel est actuellement coûteux en raison du coût de l'électrolyse et de la capture du CO2, mais il y aura une réduction des coûts. Via la récente Loi américaine de réduction de l'inflation (IRA), le gouvernement fédéral a prévu 370 milliards de dollars d'incitations à l'énergie propre et de crédits d'impôt, qui peuvent être utilisés par les développeurs d'eFuel pour aider au financement des coûts.

L'UE envisage également de simplifier ses propres règles de financement et d'aides d'Etat afin de continuer à attirer les investissements dans les énergies propres. L'année dernière, le Conseil européen a approuvé un financement supplémentaire de 5,2 milliards de dollars pour des projets à base d'hydrogène renouvelable dans toute la région, axé sur le développement d’installations de grande envergure comprenant des électrolyseurs et des infrastructures de transport afin de produire, stocker et transporter de l'hydrogène renouvelable à faible intensité carbone.

L'hydrogène à faible intensité carbone, et les eFuels, représentent une solution prometteuse pour lutter contre le changement climatique et atteindre les objectifs de neutralité carbone. Bien que des défis subsistent en termes de coûts, d'efficacité et d'infrastructures, des progrès significatifs continuent d’être réalisés dans le développement de technologies. Les incitations gouvernementales et les initiatives de financement soutiennent également la croissance de ce secteur. Avec une demande croissante et des investissements stratégiques, les électrocarburants offrent de nombreuses opportunités d'investissement à long terme dans la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique.

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