Le coronavirus: quels enseignements pour les investisseurs?

Philippe G. Müller, UBS

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La croissance des bénéfices sera déterminante pour l’évolution des actions. Or, elle devrait dépasser les 10% dans la zone Asie hors Japon.

©Keystone

L'épidémie de coronavirus ne cesse de s'étendre, mais cela n'a pas empêché les actions américaines et européennes d'atteindre de nouveaux sommets la semaine dernière. Les actions des marchés émergents asiatiques ont rebondi, mais sont encore assez loin de leurs sommets du mois de janvier. Ainsi, par exemple, l'indice chinois CSI 300 est à 7% de son sommet antérieur à l'épidémie de coronavirus.

En dépit du rebond des marchés, il est encore trop tôt pour savoir quand l'épidémie sera maîtrisée. Les usines chinoises ont rouvert la semaine dernière après les congés du Nouvel an lunaire prolongés pour cause d'épidémie. Il conviendra de surveiller la propagation du virus alors que les Chinois auront repris le travail et le délai nécessaire pour que les usines tournent à nouveau à plein régime.

L'impact des événements à risque sur les marchés
est rarement significatif, il est même souvent éphémère.

Il subsiste une incertitude considérable, mais les investisseurs peuvent déjà tirer des enseignements importants de la réaction des marchés à l'épidémie. D'autant qu'une réaction peu judicieuse à des événements inattendus peut nuire à leurs chances de réussite à long terme. Voici les principaux enseignements à tirer de la situation actuelle.

Respecter son plan d'investissement

Vendre sous l'influence des réactions impulsives des marchés aux événements à risque inattendus est rarement un choix judicieux. A l'instar des incidents géopolitiques, les épidémies sont par essence imprévisibles, mais les précédents peuvent donner de précieuses indications. L'impact des événements à risque sur les marchés est rarement significatif, il est même souvent éphémère, comme ce fut le cas de l'escalade des tensions entre les Etats-Unis et l'Iran le mois dernier. 

Jusqu'ici, la réaction des actions des marchés développés conforte cette opinion, même si une nette accélération de la propagation du virus et une augmentation du taux de mortalité pourraient entraîner une rechute. Quand bien même l'on peut être tenté de vendre en période d'incertitude, la meilleure approche consiste à rester exposé au moyen d'un portefeuille diversifié afin d'atténuer les risques idiosyncrasiques. Ce faisant, les investisseurs restent focalisés sur le long terme, conformément au plan financier général qu’ils ont établi.

éviter les titres vulnérables

Les éventuels effets plus durables se cantonneront généralement aux marchés et aux actifs locaux directement concernés par l'épidémie. Les compagnies aériennes, les casinos, les hôtels et les autres segments liés au tourisme, ainsi que certains secteurs liés à la consommation, seront probablement les plus touchés. 

Dans une période où les gens doivent rester confinés chez eux, il pourrait être
judicieux de se tourner vers les titres exposés à la consommation en ligne.

Les investisseurs peuvent atténuer le risque en évitant les sociétés vulnérables dans ces secteurs et en privilégiant les titres susceptibles de surperformer, par exemple ceux exposés à la consommation en ligne à un moment où les gens restent chez eux.

Envisager une entrée progressive sur le marché

Alors que les marchés des actions sont à des sommets historiques ou presque, certains investisseurs qui détiennent des liquidités redoutent peut-être de déployer du capital étant donné l'incertitude suscitée par le virus. 

La Recherche d’UBS recommande trois approches clés: investir d'abord dans des obligations, puis dans des actifs plus risqués, s'engager sur un calendrier fixe (visant un déploiement sur douze mois, avec un plan pour accélérer la cadence en cas de correction de 5 ou 10%) et envisager d'émettre des options de vente pour générer un certain revenu si une opportunité d'achat à bon compte ne se présente pas.

Considérer l'or en guise de couverture

Depuis janvier, l'or a montré qu'il était un précieux instrument de diversification du portefeuille à deux reprises: lors de l'escalade des tensions entre les Etats-Unis et l'Iran et après l'éclatement de l'épidémie de coronavirus. Cette année, l'or est en hausse de 3,7%. Et, même si l'engouement pour les valeurs refuge retombera certainement une fois que l'épidémie sera maîtrisée, le métal jaune bénéficie toujours de fondamentaux porteurs. 

La Recherche d’UBS table sur une dépréciation
du dollar au second semestre.

La croissance économique atone aux Etats-Unis et la nette baisse des rendements obligataires depuis le début de l'année signifient que les taux réels vont probablement rester bas, ce qui réduit le coût d'opportunité inhérent à la détention d'or. De plus, la Recherche d’UBS table sur une dépréciation du dollar américain au second semestre, ce qui est de nature à soutenir le cours de l'or qui est exprimé en dollar.

Se concentrer sur les fondamentaux 

Il convient de faire abstraction du battage médiatique autour du coronavirus et de se focaliser sur ses conséquences économiques probables. L'impact à court terme sur la croissance en Chine pourrait s'avérer significatif, mais il sera aussi probablement temporaire. Un vif rebond de la croissance pourrait intervenir après un premier trimestre difficile. Les politiques monétaire et budgétaire sont porteuses. La Banque populaire de Chine a déjà baissé ses taux d'intérêt. En dépit de l'impact de l'épidémie sur la croissance chinoise, le différentiel de croissance entre les pays émergents et les pays développés devrait se creuser en faveur des premiers cette année et l'an prochain.

Cette année, l'évolution des cours des actions devrait principalement dépendre de la croissance des bénéfices. Or, cette dernière sera certainement supérieure à 10% dans la zone Asie hors Japon et dans le monde émergent, un rythme nettement plus élevé que dans les marchés développés.

Forts de ces enseignements, les investisseurs peuvent surmonter plus facilement les obstacles posés par les événements à risque inattendus. Même s’il est important de surveiller les risques qui pèsent sur les positions, il y a bon espoir que les mesures fortes prises par les pouvoirs publics permettront de maîtriser le virus. La Recherche d’UBS surpondère toujours les actions émergentes et, dans les portefeuilles asiatiques, la préférence est donnée aux actions de la zone Asie hors Japon.

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