«No pain, no gain»

Vincent Chaigneau, Generali Insurance Asset Management

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Soit l'économie marque le pas, soit les banques centrales poursuivent leur politique de hausse des taux.

La Fed et la BCE relèveront leurs taux en juillet, respectivement à 5,50% et 3,75%, et pas davantage. Les risques sont orientés à la hausse, car l'inflation reste trop élevée. Le risque de surchauffe, qui pourrait nécessiter des hausses de taux bien au-delà du niveau neutre, est probablement plus élevé aux États-Unis que dans la zone euro: le PIB américain a déjà rattrapé sa tendance pré-Covid, alors que ce n'est pas le cas dans la zone euro. En d'autres termes, l'écart de production reste plus important dans la zone euro. Pourtant, la zone euro souffre d'une inflation rampante, que la BCE sera tentée de combattre en supprimant davantage la demande. Le marché prévoit donc deux hausses supplémentaires de la BCE, à 4%.

La Fed est-elle déjà assez restrictive?

Les mesures de l'orientation de la Fed suggèrent que les taux pourraient avoir atteint le niveau nécessaire pour maîtriser l'inflation: le taux réel de la Fed se situe maintenant à environ 100 points de base au-dessus du niveau neutre, tandis que le marché du travail américain commence à se refroidir. Cependant, ceci présente deux inconvénients. Premièrement, personne ne sait exactement où se situe le taux neutre. Deuxièmement, l'assouplissement extraordinaire des politiques (fiscales et monétaires) pendant la pandémie a rendu ce cycle inhabituel, à différents niveaux (excès d'épargne record, baisse de la participation au marché du travail des personnes âgées, etc.). La Fed pourrait donc aller plus loin dans la zone de dépassement (au-dessus du taux neutre) pour que l'inflation se rapproche enfin de l'objectif, comme elle l'a fait en 2006. C'est là que réside le risque: une résilience économique et financière continue obligeant la Fed à relever les taux de manière plus agressive, rendant les liquidités irrésistibles et poussant finalement l'économie et les actifs à risque dans une correction plus importante.

Dissonance financière

Les institutions financières restent remarquablement souples en ce qui concerne les conditions de prêt des banques. Les marchés des prêts, du crédit structuré et du crédit privé ont pris le relais et atténué la douleur causée par le retrait des banques. Cependant, des signes de tension sur les marchés des prêts se font ressentir et l'augmentation des défauts de paiement déplace le pouvoir des emprunteurs vers les prêteurs. Il faut également remettre en question l'aide financière apportée par la contraction beaucoup plus lente du bilan de la banque centrale au cours des derniers mois. Le soutien temporaire de la Fed, autour de SVB, a aidé: Le total des actifs de la Fed termine le deuxième trimestre à un niveau proche de celui de la mi-mars – une belle pause après la baisse amorcée à l'été 2022. Mais les bilans des banques centrales du G4 continuent de se contracter, et le rythme s'accélérera encore cet été. La BCE envisage même une normalisation plus rapide de son bilan. Ainsi, les gains enregistrés par les actions cette année ont marqué une rupture surprenante avec la tendance des bilans des banques centrales.

De même, les spreads de crédit à haut rendement – en baisse de quelque 100 points de base par rapport au pic de la mi-mars des deux côtés de l'Atlantique – semblent déconnectés de la recrudescence des défauts et des risques économiques. Enfin, l’on constate une déconnexion spectaculaire entre les rendements réels à long terme, qui oscillent toujours autour du sommet du cycle, et les multiples des actions, en forte hausse cette année. Là encore, des chocs positifs durables sur la productivité et les marges peuvent expliquer cette situation, mais cela nécessiterait probablement un nouveau resserrement significatif de la politique (à moins qu'une productivité spectaculaire ne domine largement la croissance des marges). Dans l'ensemble, il y a trop de dissonances financières dans le système et il faut continuer à traiter les actifs à risque avec prudence.

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