USA: le gigantesque plan d’aide validé au Sénat

AWP

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Prochaine étape: obtenir l’aval de la Chambre des représentants. Les mesures d’urgence mettent en exergue l’absence de filet social.

Le montant est historique et les aides d’urgence sont une bouffée d’oxygène pour les Américains et les entreprises les plus vulnérables. C’est pourtant le minimum que les Etats-Unis pouvaient faire pour une économie dépourvue de filet de sécurité sociale.

Et il faudra sans doute beaucoup plus pour stimuler la première économie du monde décimée par la pandémie du coronavirus, estiment les experts après l’aval du Sénat d’un accord sur un gigantesque plan économique.

Dans un pays où une multitude de travailleurs bénéficient de maigres allocations chômage, où les retraites dépendent en partie des marchés financiers et où le taux d’épargne est très faible, la récession économique consécutive à la propagation du virus risque de précipiter dans la pauvreté des millions de personnes.

«Indispensable»

Le plan, qui doit encore obtenir l’aval de la Chambre des représentants à majorité démocrate, «est en lui-même indispensable pour éviter une crise plus profonde que ce que nous sommes en train de vivre», a réagi Gregory Daco, chef économiste chez Oxford Economics.

Car, dit-il, l’enjeu immédiat est d’«éviter un effondrement total» des petites et moyennes entreprises qui fournissent aujourd’hui plus de la moitié des emplois aux Etats-Unis.

«Pour le moment c’est suffisant», opine Alan Stuart Blinder, professeur d’économie à l’université de Princeton même si étant donné l’adoption en urgence d’un plan d’ampleur inédit -- plus de 2.000 milliards de dollars et 6.000 milliards si l’on inclut les aides de la Banque centrale-- «il y a forcément des erreurs et des oublis».

Pour l’économiste, ancien conseiller sous la présidence de Bill Clinton, ce plan va agir «beaucoup plus comme un stabilisateur ou même un garrot» que comme un stimulant de l’économie.

En d’autres termes, il va permettre d’arrêter l’hémorragie alors que plus de trois millions de personnes sont allés pointer au chômage la semaine dernière, du jamais vu.

Gregory Daco relève en particulier l’approbation d’une enveloppe de 350 milliards de dollars pour des prêts sans intérêt destinés aux petites et moyennes entreprises ainsi que l’accès à une assurance chômage pour une période de quatre mois.

«Terriblement inadéquat»

«Je pense que nous aurons besoin de plus de stimulant à l’avenir», poursuit néanmoins Alan Blinder alors que «cette horreur va mettre en évidence quelque chose que nous avons toujours su: le filet de sécurité sociale américain est terriblement inadéquat».

De son côté, face à des marchés dans la tourmente peinant à être rassurés, le président de la Banque centrale américaine Jerome Powell a promis jeudi que l’institution allait continuer à prêter de l’argent «agressivement» pour endiguer l’impact économique.

Le défi à long terme est de préserver les emplois. Or pour les petites entreprises, les prêts pourraient ne pas suffire, abonde Rosemary Taylor, professeur de l’université Tufts.

«Face à une profonde incertitude économique, de nombreux petits commerces et entreprises peuvent hésiter à s’endetter davantage», dit-elle. «Il y a un réel danger que cette épidémie décime les principales rues d’Amérique».

En l’absence d’amortisseurs sociaux et face au spectre d’une récession profonde à l’approche des élections présidentielles, Donald Trump n’a pas caché son impatience mardi, martelant qu’il souhaitait remettre tout le monde au travail d’ici la mi-avril.

Pour l’heure, plus de la moitié de la population américaine est désormais confinée chez elle pour endiguer l’épidémie qui a infecté près de 69.210 personnes et fait 1.046 morts, selon le dernier bilan de l’université Johns Hopkins.

Ce remède pourrait avoir des conséquences plus graves que le virus lui-même, affirme le président républicain.

«Non seulement c’est faux mais encore c’est dangereux à la fois pour la santé publique --ce qui est évident-- et pour l’économie», a rétorqué Alan Blinder.

Risque d’une dépression durable

S’il devait y avoir une deuxième vague d’infection en raison d’une levée prématurée des mesures de confinement, la dépression économique serait cette fois de longue durée, met en garde l’économiste.

«Tout le monde aimerait reprendre son travail mais on ne peut pas relancer l’économie tant que le virus n’est pas vaincu» et tant que les gens ont peur, insiste Gregory Daco.

Pour Barry Glassner, sociologue américain à la retraite et auteur d’un ouvrage intitulé «La culture de la peur», il va pourtant bien falloir faire preuve de pragmatisme.

«A un moment donné, les écoles, les parcs et les entreprises vont devoir rouvrir», dit-il. «Ce dont nous devrions discuter n’est pas quand rouvrir --c’est une décision pour les experts en santé publique-- mais quel plan rationnel peut-on mettre en place pour ouvrir plus tôt (...) avec relativement peu de risques et bien des avantages?»

Il observe que la fermeture des écoles nuit à de nombreux enfants et peut même contribuer à la propagation du virus quand les enfants sont gardés par leurs grands-parents.

Côté entreprises, les plus petites ne pourront jamais rouvrir si elles doivent rester fermées pendant des mois.

«Alors pourquoi ne pas autoriser à ouvrir celles qui peuvent pratiquer la distanciation sociale ?», interroge-t-il.

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