La BNS pointée du doigt pour ses investissements dans le «fracking»

AWP

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Un collectif d’associations déplore une responsabilité de l’institution dans «les émissions de gaz à effet de serre dues à la fracturation hydraulique à hauteur d’environ 7 millions de tonnes en équivalent CO2».

La Banque nationale suisse (BNS) détenait fin 2022 des actifs dans plusieurs dizaines d’entreprises liées à des activités de «fracking» (fracturation hydraulique), une méthode d’extraction de pétrole et de gaz de schiste régulièrement critiquée pour ses effets dévastateurs sur l’environnement.

Un rapport de l’organisation non gouvernementale (ONG) Coalition BNS dont s’est fait l’écho Le Matin Dimanche, a recensé des actifs dans 69 sociétés, représentant un montant de 9,07 milliards de dollars. «Par sa part d’investissement, la BNS est responsable d’émissions de gaz à effet de serre dues au fracking à hauteur d’environ 7 millions de tonnes en équivalent CO2», autant que celles de l’ensemble de l’agriculture suisse, signale le collectif d’associations.

Sollicité mercredi par l’agence AWP, l’institut d’émission a botté en touche, indiquant ne pas prendre position concernant ses placements individuels, tout en assurant ne procéder «en principe à aucune sélection de titres» et laissant entendre que son portefeuille «reproduit les marchés des actions concernés dans leur intégralité», ce qui assure une diversification maximale.

Normes et valeurs de la Suisse

Dans le cadre de sa politique de placement, la BNS assure respecter «normes et valeurs fondamentales de la Suisse» se gardant d’investir dans des entreprises «dont les produits ou les processus de production transgressent de manière flagrante des valeurs largement reconnues sur le plan sociétal», notamment celles «qui causent de manière systématique de graves dommages à l’environnement».

Coalition BNS souligne que la banque centrale gère un portefeuille de près de 850 milliards de dollars, dont un quart en actions, et que son investissement dans les entreprises fossiles totalise environ 16,1 milliards. En tant qu’institution publique, la BNS est «tenue d’apporter sa contribution à la réduction de l’impact climatique des flux financiers», ce qui comprend ses propres investissements.

L’ONG relève également que 14 cantons, représentant plus de deux tiers de la population suisse et trois quarts des participations cantonales dans la BNS, ont adopté des positions contre la fracturation hydraulique, et qu’à ce titre, le rejet de ce procédé d’extraction peut être considéré comme un critère qui devrait être pris en compte par la BNS pour ses investissements.

Dans son rapport de gestion 2022, le garant de la stabilité monétaire insiste cependant sur le fait que «le constituant et le législateur ont sciemment renoncé à (lui) confier la tâche d’influer sur l’évolution de branches économiques déterminées» et que sa politique de placement n’a pas vocation à «procéder à une sélection positive ou négative de certaines branches».

Actionnaire docile

Un autre grief soulevé par l’ONG concerne la passivité de la BNS en tant qu’actionnaire, qui «ne vote pas lors des assemblées générales et ne dépose pas de propositions». Egalement interpellée par AWP à ce propos, la banque centrale explique qu’elle se limite à exercer ses droits sur les points qui ont trait à la gouvernance d’entreprise et «recourt pour ce faire à la collaboration de prestataires externes».

Coalition BNS conclut son rapport sur une série de recommandations, appelant l’institut d’émission à «assumer ses responsabilités en tant que copropriétaire des entreprises dans lesquelles elle est investie» et à faire preuve de plus de transparence dans sa stratégie de placement.

Les autorités politiques devraient quant à elles se montrer plus critiques face aux «conséquences écologiques et sociales négatives» du portefeuille, par rapport notamment aux engagement de la Suisse en matière de climat et de biodiversité, et plaider au sein d’instances multilatérales en faveur de l’annulation de la dette des pays en développement, incités à utiliser des procédés nocifs pour extraire des combustibles fossiles.

L’ONG invite enfin les collectivités publiques et les banques cantonales, en tant que propriétaires collectifs majoritaires, à exclure du portefeuille de la BNS les entreprises qui recourent au «fracking» ou à d’autres technologies dommageables pour l’environnement.

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