La chronique des marchés de Vontobel au 24 mai

Jean Frédéric Nussbaumer, Vontobel

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Nasdaq -1,6%, SPX -1,2%, Dow -1,11%, Russell -1,97%, SOX -1,65%, Eurostoxx -1,76%, SMI -0,53%.

Nouvel accès de tension à Wall-Street hier face à l’accumulation des risques liés à l’escalade de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, qui semble partie pour durer. Les principaux indices boursiers chutent de 1% à 1,5% en clôture et le pétrole plonge de près de 6%, tandis que les investisseurs se ruent vers les valeurs refuges traditionnelles que sont les obligations d’Etat, l’or, le yen et le franc suisse. Les valeurs de l’énergie (-3,1%) et les technologiques (-1,7%) pèsent particulièrement sur l’indice S&P 500 (SPX). Le Fonds monétaire international lance d’ailleurs un avertissement aux Etats-Unis et à la Chine. L’économiste en chef du FMI, Gita Gopinath, affirme que leur bras de fer risque de compromettre le rebond économique mondial attendu pour le deuxième semestre 2019. «Bien que l’impact sur la croissance mondiale soit pour le moment relativement modeste, la nouvelle escalade pourrait sérieusement détériorer le climat des affaires et la confiance des marchés financiers, perturber les chaînes de production et compromettre la reprise de la croissance mondiale prévue en 2019», prévient-elle.

Le ministère chinois du Commerce annonce que la Chine a adressé à Washington une «protestation solennelle» à propos du placement sur une liste noire de son fleuron industriel Huawei, numéro un mondial des équipements télécoms et numéro deux mondial des smartphones. Le porte-parole du ministère, Gao Feng, assure que Pékin a les moyens «de défendre les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises». «En ce qui concerne le harcèlement des Etats-Unis, la meilleure réponse des entreprises chinoises est de continuer à grandir», déclare-t-il devant la presse. Gao Feng estime par ailleurs que l’escalade déclenchée par Washington accroit le risque d’une récession économique mondiale. Il assure que Pékin prendra les mesures nécessaires pour préserver «les intérêts légitimes des entreprises chinoises». Par ailleurs, le quotidien South China Morning Post écrit hier que les tensions actuelles vont forcer Pékin à revoir totalement ses relations économiques avec les Etats-Unis.

Les marchés craignent que la guerre commerciale ne se transforme en une véritable guerre froide technologique, susceptible de peser lourdement sur les échanges commerciaux et la croissance mondiale.

C’est donc une journée empreinte d’aversion au risque que vivent les intervenants hier. La volatilité repart à la hausse, l’indice VIX en progression de 14,7% à 16,92. Le rendement de l’emprunt US recule à 2,32%, l’or monte à 1285 dollars par once et le pétrole se casse la figure, le WTI Light Crude à 58,50 dollars le baril ce matin. Sur le front des monnaies, le dollar index DXY est recherché une bonne partie de la journée, avant de rentrer dans le rang. La paire euro/dollar traite jusqu’à un bas de 1,1107 et redécolle, pour traiter à 1,1198 en ce moment. Le franc suisse est également recherché et revient à parité avec le billet vert.

Il faut dire que, hier, le marché n’a absolument rien pour lui. Au-delà des tensions commerciales, les statistiques économiques du jour sont mauvaises partout dans le monde. En Allemagne, l’indice IFO du climat des affaires déçoit (97,9 contre 99,1 attendus). En Europe les PMIs (les indices des directeurs d’achats) manquent les attentes, le PMI manufacturier se situant désormais nettement en-dessous des 50 et donc en territoire de contraction. Même situation au Japon ou le PMI passe en-dessous des 50. Aux Etats-Unis, l’activité a nettement ralenti ce mois-ci selon les premières estimations des indices PMI calculés. L’indice manufacturier «flash» a chuté à 50,6, après 52,6 en avril, et alors que le consensus n’anticipait qu’un léger tassement du secteur à 52,5. Il atteint son plus bas niveau depuis septembre 2009. Dans les services, les données sont aussi ressorties en berne, à 50,9 contre 53 en avril, ratant largement le consensus qui anticipait une progression à 53,2. Les ventes de logements neufs ont reculé de 6,9% en avril à 673k, selon le département du Commerce, en ligne avec les attentes des analystes. Le marché de l’emploi américain est en revanche resté solide la semaine dernière avec 211k inscriptions nouvelles au chômage pour la semaine s’achevant le 18 mai, contre 212k la semaine précédente, et alors que les économistes tablaient sur 217k demandeurs d’emploi supplémentaires.

Cette nuit et ce matin en Asie, la plupart des indices rebondissent légèrement à l’exception notable de Tokyo, l’indice Nikkei reculant de 0,16% à la cloche. C’est un rebond vraiment timide qui s’opère alors qu’en Europe, les indices ouvrent en légère hausse et que le future SPX récupère 10 points. Cette guerre commerciale fait de plus en plus de mal au sentiment général. Il commence à se dire dans le marché qu’elle pourrait durer de nombreuses années. Les marchés ont horreur de l’incertitude. D’ailleurs Donald Trump a beau affirmer qu’un accord commercial avec la Chine demeure «une possibilité» et que Huawei pourrait faire partie d’un accord, on n’y croit plus dans le marché, Donald Trump est devenu le nouvel Elon Musk, sa communication fait du mal et probablement durablement. La bourse de New York restera fermée lundi (Memorial Day). Dans ce contexte les investisseurs vont probablement rester sur la touche. Qui donc veut être long le marché avant un long weekend dans le contexte actuel?

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