Thomas Gomart, directeur de l’Institut Français des Relations Internationales nous livre une analyse historique et stratégique très fouillée des ambitions cachées de neuf grandes puissances regroupées en trois catégories. Il se place sur le terrain stratégique de la compréhension la plus fine possible de la psychologie de l’adversaire en ayant une fine connaissance de leurs systèmes de pensée. L’auteur se concentre donc sur les attributs de puissance de ces neufs pays plutôt que sur ceux de la France car ce sont les autres qui apprécient le vrai poids stratégique de la France.

Chacun des chapitres consacrés à ces pays se termine par des conclusions opérationnelles.

La terre (Russie Chine et Allemagne, pays ayant une forte assise continentale)

Il faut éviter de faire des erreurs stratégiques (Russie) ou de se préparer au durcissement de la politique chinoise à notre égard.

Pour l’Allemagne il faut tenir compte de notre décrochage économique, analyser les enseignements de la guerre en Ukraine, mieux prendre en compte les intérêts de Berlin et régler nos désaccords énergétiques et spatiaux par un traitement politique approfondi.

La mer (USA, Royaume Uni et Inde, pays exerçant leur influence sur de grands espaces maritimes)

Vis-à-vis des Etats Unis il faut rappeler que l’alliance avec Washington et Londres est au cœur de notre sécurité, s’interroger sur notre capacité à assurer la sécurité de nos territoires en particulier dans le pacifique et sur notre capacité à maintenir une industrie de défense.

Paris ne peut ignorer Londres, comme c’est le cas depuis 2016, il importe de reconstruire une relation de travail et de confiance.

Vis-à-vis de l’Inde le partenariat stratégique franco-indien permet de ne pas se résoudre à la rivalité sino -américaine, Paris doit prendre en compte les enseignements de la position diplomatique de new Delhi à l’égard de la guerre en Ukraine.il faut donc se préparer à un investissement grandissant de nos entreprises sur le marché indien. Les choix faits par l’Inde seront décisifs pour les équilibres planétaires.

Le ciel (Turquie, Arabie Saoudite et Iran, pays ou la religion joue un rôle prépondérant).

Ces trois pays n’ont jamais été colonisés par une puissance européenne. Ils font l’objet d’une forte personnalisation du pouvoir et pèsent d’un poids très particulier dans la géopolitique des hydrocarbures. Cela conduit à s’intéresser à l’instrumentalisation de l’islamisme afin de promouvoir leurs intérêts propres. D’une manière différente Ankara, Riad et Téhéran assignent une mission civilisatrice à l’islam qui a vocation à être adopté par tous les peuples. Paris doit se préparer au plus vite sur deux dossiers, celui du Caucase ou Ankara soutient Bakou dans sa guerre contre l’Arménie et celui des réserves gazières de la méditerranée orientale. Paris doit suivre attentivement la trajectoire de Riad sur le plan énergétique, car ce qui a changé en cinquante ans c’est l’influence exercée sur la société française à travers de leur prosélytisme religieux et de leurs investissements économiques. Paris entretient des relations conflictuelles avec Téhéran qui n’hésite pas à recourir au terrorisme d’état et à la diplomatie des otages.

Ce livre se lit d’une seule traite, il est écrit en termes clairs et nous livre un éclairage de la situation géostratégique actuelle que nous ne pouvons ignorer.