Refonte en profondeur

Nicolette de Joncaire

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Cynthia Tobiano d’Edmond de Rothschild: «Il faut voir dans les décisions prises une volonté d’aligner les objectifs de l'ensemble du groupe».

Le groupe Edmond de Rothschild achevait fin août une réforme en profondeur de sa structure. Annoncée en mars dernier, la réorganisation des rapports entre Genève et Paris et la reprise du contrôle de la totalité du capital par la famille Benjamin de Rothschild (avec pour corollaire, la décotation de l’entité bancaire suisse) aboutissaient à une simplification de la structure juridique. C’est avec une structure unifiée et sous un nom unique que le groupe Edmond de Rothschild aborde désormais le marché. Entretien avec Cynthia Tobiano, Deputy CEO de Edmond de Rothschild (Suisse) et membre du comité exécutif du groupe. 

Quelles sont les raisons de ces changements? 

Ces changements sont l’aboutissement d’un travail de fond mené sur les cinq à huit dernières années pour créer un véritable groupe et non un agrégat de marques et de cultures disparates. Il n’existait pas autrefois de relation clairement perçue entre la Banque Privée Edmond de Rothschild en Suisse et la Compagnie Financière en France, par exemple. Faire de l’établissement suisse l’entité faitière du groupe simplifie la structure ce qui signifie moins de conseils d’administration et moins de reporting. D’autant que, pour des raisons de cohérence, la plupart des administrateurs étaient communs aux deux entités. 

«La cotation a Zurich – qui ne concernait que 6% du capital
– était largement symbolique.»
Que signifie le retrait de la cote d’Edmond de Rothschild (Suisse) de la bourse de Zurich?

Pour nous, c’est avant tout une marque de confiance de l’actionnaire. Cette cotation – qui ne concernait que 6% du capital – était largement symbolique. Les volumes échangés étaient minimes (quelques titres par jour au plus) et la couverture par les analystes financiers inexistante. Nous portions tout le poids des obligations liées à la cotation pour bien peu d’avantages. 

Cette réorganisation représente-elle une optimisation des coûts?

Pas de manière sensible et la réduction des coûts n’était en rien la motivation principale. Il faut plutôt voir dans les décisions prises la confirmation d’une volonté d’aligner les objectifs du groupe dans son ensemble et une marque de confiance de nos actionnaires dans l’avenir du groupe. 

Quel impact sur la dispute concernant l’usage du nom Rothschild?

Le différend sur l’usage du nom avait été réglé entre cousins au préalable en juin 2018, simultanément à la décision de dénouer les participations croisées. La résolution de ce conflit a donc précédé et facilité la réorganisation du groupe Edmond de Rothschild et sa sortie de la cote. 

«L’arrivée de Michel Longhini est un témoignage
de la volonté de développement de la banque privée.»
L’arrivée de Michel Longhini signale-t-elle un changement de direction de la banque privée?

L’arrivée de Michel Longhini est un témoignage de la volonté de développement de la banque privée et un signal de l’attractivité du groupe. La conjonction du nom et de la famille alliés à une stratégie claire attire les candidatures de haut vol. Le groupe essaie de privilégier la promotion interne comme ce fut le cas de notre nouveau CEO Vincent Taupin, de Renzo Evangelista aujourd’hui président du directoire d’Edmond de Rothschild France ou encore de Benjamin Melman promu CIO. Mais quand c’est pertinent, le groupe n’hésite pas à faire appel à des nouveaux profils comme Michel Longhini pour la banque privée ou Alain Krief pour les produits de taux. Sans trahir son ADN, il se donne les moyens de se doter de l’équipe la plus performante pour réaliser sa croissance tant interne qu’externe. 

A propos de croissance externe, Edmond de Rothschild a pris en juillet une participation de 34% au capital d’ERAAM alors que vous aviez déjà une équipe de gestion quantitative.  Pour quelles raisons?

Nous comptions jusque-là sur un partenaire externe et ne voulions plus de dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Il nous fallait pleinement embrasser cette expertise. Comme nous l’avons annoncé, nous entendons étendre cette participation à 100% du capital d’ERAAM dans les quatre prochaines années. Nous lançons ici un partenariat stratégique par étapes dans l’esprit de ce que nous avions réalisé avec Orox ou Cleaveland dans l’immobilier.

Avez-vous d’autres acquisitions en perspectives?

Avec 700 millions de francs d’excédent de fonds propres, 100% du capital détenu par la famille de Benjamin de Rothschild et aucun endettement, nous avons à l’heure actuelle plus d’un milliard et demi de francs pour réaliser des acquisitions. Cela ne signifie pas que nous ayons des objectifs chiffrés mais je peux vous confirmer que nous entendons avoir un rôle de consolidateur du secteur. 

«Tout rapprochement doit être compatible avec notre ADN
sans oublier l’importance de ‘l’alchimie humaine’.»
Quelles sont les opportunités susceptibles de vous intéresser?

Nous recherchons un contenu qui complète notre expertise ou notre couverture géographique. Exemple? Nous sommes présents dans l’immobilier en Grande-Bretagne, en France, en Suisse ou en Allemagne. Pas dans les pays d’Europe du sud sur lesquels nous restons ouverts vis-à-vis d’une acquisition. Nous examinons également les opportunités d’étendre l’emprise de notre banque privée en Europe. Attention toutefois, tout rapprochement doit être compatible avec notre ADN sans oublier l’importance de «l’alchimie humaine».

Quelles seront les grands thèmes que vous privilégierez?

Nous continuerons à pousser l’investissement vers les énergies renouvelables et la transition énergétique ainsi que ceux sur la santé. Ce qui me frappe c’est la cohérence qui existe entre les activités bancaires et les activités non-bancaires du groupe comme les Fondations, l’hôtellerie de Luxe ou la viticulture. Toutes sont portées par la même vision entrepreneuriale: investir dans l’économie réelle pour avoir un impact positif sur le long terme. 

Vous avez fait de la parité l’une des caractéristiques de la direction.

Ou, c’est une vraie conviction de la part de notre présidente Ariane de Rothschild et du comité exécutif du groupe. En ce qui nous concerne, diversité est synonyme de meilleure performance. Ce n’est malheureusement pas encore le cas de l’industrie de la finance suisse où les femmes sont largement sous-représentées aux postes de direction.